Le viol: entre l’Etat de droit et les sentiments
Par Nourr Edine
Certains répliqueront que l’Etat de droit est utopique et que tout est politique, c’est à dire corrompu. Je revendiquerai simplement cette aspiration légitime à devenir meilleur. Si l’Etat de droit, la démocratie, les droits humains et toutes ces valeurs vers lesquelles tendent les nations ne sont que des objectifs à atteindre, il faudra se rendre à l’évidence que certains pays ont déjà parcouru un long chemin vers ce but.
Le Royaume-Uni, la France, les pays scandinaves, et d’autres encore, sont en avance sur notre pays qui lutte encore contre l’obscurantisme et la dictature religieuse. Personne ne viendra affirmer sans crainte d’être ridicule que nous sommes (dans un pays qui a fait de l’islam sa religion d’Etat sans devenir une théocratie à l’image de l’Iran) un Etat de droit. Nous sommes, au contraire, bien à la traîne en matière de respect du droit et d’égalité devant la loi !
Il y a une année encore, nous récompensions le violeur en le mariant à sa victime. La femme violée est encore, chez nous, coupable de n’avoir pas su éviter d’exciter nos mâles en rut éternel ! Elle est regardée, encore, comme une provocatrice, une dévergondée !
Notre justice est maquillée et n’agit qu’en fonction du statut, des origines, de la fonction de l’accusé, au point d’être à géométrie variable : dure à l’encontre du simple citoyen, mais magnanime à l’égard des nantis et des puissants. Le juge n’applique pas les textes avec rigueur et précision, mais se laisse séduire par la tradition, les mœurs et cette hypocrite façon de penser héritée des années de plomb et d’impunité !
Du sang a coulé, des vies ont été sacrifiées, des dignités humiliées, des souffrances infligées, des biens spoliés, des richesses détournées et pour quel résultat si nous continuons à réfléchir comme au temps des seigneurs au-dessus des lois ? Le viol d’une femme est le crime le plus abject et le plus lâche. Il y a, d’abord, l’utilisation de la contrainte, de la force physique et de la violence qui désigne cet acte immonde comme un abus de faiblesse. Il y a, ensuite, l’expression de la bestialité qui ramène le violeur aux temps de Cro-magnon, entre 43.000 et 12 000 ans avant notre ère !
Il y a enfin, l’atteinte à la dignité de la victime qui, parce qu’elle dit non, revendique la pleine et entière disposition de sa citoyenneté et de son corps, telle qu’elle est prescrite par la constitution et la charte universelle des droits humains. Quand des citoyens manifestent devant le consulat de France parce qu’un des nôtres a été épingle et accusé de viol, ce n’est ni de la solidarité citoyenne, encore moins un cri de révolte contre l’injustice, mais bien une absence de conscience quant à la stature de la justice. Plus grave, quand la majorité des manifestants sont des femmes, nous nageons dans la confusion la plus totale, celle que certains entretiennent pour obliger la femme à rester dans son statut d’objet sexuel !
Les femmes qui ont manifesté se sont, d’une part, désolidarisées de la victime du viol, une femme comme elles et, ce faisant, elles vont à contre-courant de la lutte de toutes les femmes rabaissées, opprimées, humiliées et déconsidérées. D’autre part, elles confortent tous ces amateurs de sexe à plusieurs partenaires qu’est la polygamie qui réduit l’épouse au quart de sa valeur ! La France n’est pas le Maroc où le juge intervient en tenant compte du cousinage ou des liens de parenté de l’accusé, mais elle prend en considération les faits établis, les preuves tangibles et avérées. Les Français n’ont pas, là-bas au pays de la charte universelle, un omnipotent Ramid qui lit le droit en fonction de la vision de son parti et ignore un flagrant délit d’adultère et de corruption sur la plage de Mansouria.
La présomption d’innocence est respectée tant que l’accusé n’a pas été jugé, mais quand ce même accusé a des antécédents et dans le même genre d’acte, l’incarcération est automatique pour ceux qui savent lire le droit !
Nous pouvions attendre l’issue du procès, nous pouvions espérer une fin heureuse comme nous pouvions prier pour que l’incident soit une machination algérienne, nous pouvions tout espérer sauf essayer de vouloir faire pencher le travail de la justice pour satisfaire nos lubies, nos atavismes et nos délires. L’incarcération, même d’un présumé innocent, repose sur des faits et rien, ni nos vociférations bestiales ni notre chauvinisme exacerbé, ne pourra être plus fort que le droit. Quiconque commet un crime ou un délit reste entre les mains de la justice. Elle seule peut trancher et nulle autre communauté, institution ou groupe !
N.E.