L’impôt de la zakat ou la tentative de tutelle religieuse du PJD sur les Marocains (Analyse)
Par Taoufik Jdidi
Le Parti de la justice et du développement ne compte pas uniquement surprendre par la nature des candidatures controversées qu’il a présentées, du salafiste Hamad Kabbaj à Najib Ouazzani, le secrétaire général du Parti Al ahdh addimocrati (AAD).
Benkirane et son équipe veulent se démarquer sur un autre plan.
Cette fois-ci, ils profitent de l’approche de l’Aïd pour jouer encore sur une corde religieuse sensible en proposant, ni plus ni moins, un impôt supplémentaire, qui viendra s’ajouter à une succession d’augmentations de charges que les classes moyennes ont dû subir, tant en TVA que pour d’autres secteurs d’activités.
Et ceci, sans oublier les hausses successives des prix des produits de première nécessité et de consommation courante des ménages. Mais, l’annonce du prélèvement de 1000 dirhams par mois à la source sur les revenus de 1% des Marocains les plus aisés, pour alimenter la prétendue caisse de la zakat, est un comble.
Par cette annonce, le PJD cible avant tout une frange de l’électorat qui serait encline à croire que ce parti défend les catégories de la population les plus défavorisées.
Face à l’indignation que cette mesure, inscrite dans son programme électoral, entraînera, Benkirane se cachera certainement derrière une disposition religieuse, pour dire que ceux qui rejettent la zakat, contredisent les préceptes de l’islam.
Et voilà, la messe sera dite ! Il n’y a qu’à accepter sans rechigner, sous peine d’excommunication que prononceront les nouveaux gardiens du temple qui s’arrogent le droit de classer les gens selon leurs croyances et intimes convictions.
Benkirane trouvera à redire et à ressasser sa fameuse formule employée lors de l’augmentation du prix du carburant ou encore lors de la suppression de la caisse de compensation. « Le peuple m’a parfaitement compris et a accepté cette mesure » avait-il déclaré pour justifier des décisions impopulaires qui ont sérieusement grevé les budgets d’une bonne partie de la classe moyenne.
Avec cette mesure, le PJD veut s’instituer tuteur sur les pratiques religieuses du peuple marocain. C’est comme s’il avait conclu que l’islam populaire, pratiqué par les Marocains depuis des siècles, ne respectait pas une disposition qui fait obligation à toute personne aisée d’offrir une aide en nature ou en espèces aux démunis, pendant les fêtes religieuses. Cette pratique est ancrée dans la société marocaine, depuis toujours, et ce n’est pas le PJD qui viendra rappeler aux Marocains ce qu’ils doivent faire.
Il aurait été plus judicieux pour ce parti et ses représentants au gouvernement d’instaurer un impôt sur la fortune et sur les produits de luxe. Mais Benkirane a habitué les Marocains, depuis cinq ans, à ne cibler que les couches les plus vulnérables.
Il ne peut pas et ne pourra pas prendre des mesures qui obligeraient les plus riches à contribuer à l’effort de réduire les disparités sociales et de combattre la pauvreté. Voilà le chantier qu’il aurait dû inaugurer durant le quinquennat qu’il vient de passer à hurler, à vociférer, à menacer, à insulter, à accuser et à se présenter comme victime des complots et du « tahakkoum ».
Que veut dire prélever la somme à la source ? Cela signifie que s’il est reconduit aux affaires, le PJD s’attaquera aux salaires des fonctionnaires, les seuls à payer l’impôt à la source. Comme si sa mesure concernant la réforme des retraites ne suffisait pas, voilà que ces fonctionnaires devront encore passer à la caisse. Cela s’appelle de l’acharnement.
Sur quels critères se basera-t-il pour juger celui qui est aisé et celui qui ne l’est pas ?
D’ailleurs, au début du quinquennat, Benkirane et son équipe considéraient, à tort, les professeurs de l’enseignement supérieur et les fonctionnaires des hautes échelles administratives comme représentants des classes nanties !
Avec l’annonce de cet impôt, Benkirane compte glaner presque 3 milliards de dirhams par an. Cependant, s’il avait été compétent et surtout clairvoyant, il aurait attiré beaucoup plus d’investissements étrangers directs. Ceux-ci, générateurs d’emplois et donc de richesse, auraient créé dans leurs sillages des niches fiscales à exploiter. Mais quand des déclarations fracassantes, rapportées par les médias du monde entier, font état d’une prétendue confusion du pouvoir au Maroc par la présence d’un Etat gouverné par le roi et d’un Etat occulte, qui oserait s’aventurer à placer son capital dans un tel pays ?
Les seuls grands investissements qui se sont implantés dans le royaume, sont l’œuvre de Mohammed VI, dont l’action inspire la confiance.
Quant au PJD, dont le leader se réfère dans ces discours à Ibn Timiya, l’un des plus grands idéologues takfiristes, il ne réussira jamais à imposer l’idéologie des frères musulmans, ni sa tutelle religieuse à un peuple qui pratique son islam en toute sérénité, selon ses traditions ancestrales.
Les discours démagogiques et populistes ont la vie courte.