Santé: le projet de loi de la discorde (vidéo)
Cette semaine a eu lieu, devant le Parlement, un sit-in des professionnels de la santé, toutes spécialités confondues. Quelle raison les a poussés à protester, ensemble, devant les représentants du peuple, eux qui d’habitude ont tant de mal à se mettre d’accord ?
La réponse se trouve dans les coulisses de ce même parlement où se présentent fréquemment, ces temps-ci, les représentants très influents qui sont derrière le projet de loi sur le code des mutualités.
Ce projet de code de la discorde a été voté à la chambre des conseillers par 7 conseillers. Des modifications graves et dangereuses lui ont été insidieusement introduites et ont radicalement transformé son contenu, durant le temps mort de la période législative de la deuxième chambre.
La manière dont ce projet a été voté met clairement à jour que des lobbies très puissants, ne perdant pas de vue leurs importants intérêts, sont derrière ces modifications.
En quoi ces modifications présentent-elles des dangers pour les professionnels de la santé ?
D’abord parce que leur légitimité est frappée de plein fouet vu que sont transgressées clairement et volontairement les lois préexistantes sur les exercices de tous les métiers, sans exception, liés à la santé.
Mais le plus grave c’est que ces modifications renvoient au mur la loi régissant la couverture médicale qui était en concordance avec celles existantes à travers le monde. Cette loi, dans l’intérêt du malade, interdisait aux organismes prestataires de regrouper les fonctions de prestataire-fournisseur-délivreur de soins médicaux, vu les conflits d’intérêt, historiquement prouvés entre ces fonctions, empêchant le devoir de l’accès aux soins dans les meilleures conditions.
Cette loi de couverture médicale permettait au Maroc d’espérer de faire progresser le secteur de la santé publique, comme cela a été le cas dans plusieurs pays libéraux.
La modification des articles 138 et 2 de ce code des mutualités constitue une opération dangereuse pour la santé du malade car elle provoque, pour toutes les politiques de santé à venir, la constitution de holdings des assurances et des mutuelles.
Ces holdings seront plus puissants que n’importe quel ministère et deviendront donc intouchables puisqu’ils disposeront de la santé comme d’un bouclier de fer. C’est bien là le centre névralgique du danger, comme il peut s’observer dans des pays où les assurances disposent de la vie et de la mort du malade.
La mauvaise gouvernance des mutuelles ne permettra, à travers cette loi, que de créer des systèmes de soins à géométrie variable, en fonction des revenus. Les démunis s’assureront au RAMED, les riches aux assurances privées. Les mutuelles seront reléguées à des systèmes de soins en rien meilleurs aux actuels délivrés dans les hôpitaux publics, avec leurs files d’attente sans fin, leurs taux de remboursement contestables et leurs interminables gestions, obstruant ainsi le droit constitutionnel de liberté pour les citoyens de choisir leur médecin, pharmacien, dentiste… en faveur de centres dont les coupes budgétaires auront tôt fait de renforcer la décadence d’une santé très en souffrance.
L’offrande de la santé des malades sur l’autel des lobbies avides des mutuelles est inacceptable !
L’ébullition provoquée par la modification de ce code chez tous les acteurs de la santé sans exception, déjà très fragilisés, n’est donc pas fortuite. Ils évoquent déjà une grève nationale qui aurait un impact décisif, mais qui restera comme un ultime recours si les lobbies persistent à faire passer leurs modifications.
Contrecarrer ce projet toxique est donc un devoir pour les représentants de la nation !
Jad Geronimo