Tripoli: la vie reprend ses droits dans les cafés et restaurants
A l’image d’un pays plongé dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, la capitale libyenne a souffert des divisions politiques et des combats meurtriers, notamment après sa prise en août 2014 par la coalition de milices Fajr Libya.
A cela s’ajoute une crise économique marquée par la chute dramatique des exportations pétrolières, ressource principale du pays, la cherté de la vie, des retards dans les salaires et, depuis quelques mois, une crise de liquidités.
Depuis bientôt deux ans, les Tripolitains avaient même perdu leurs repères dans leur propre ville et avaient limité leurs déplacements et loisirs.
Mais depuis la conclusion en décembre au Maroc d’un accord politique sous l’égide de l’ONU qui a donné naissance à un gouvernement d’union nationale et l’installation de ce dernier en mars à Tripoli, l’humeur a changé dans la capitale libyenne.
Dès que les gens « se sentent en sécurité, ils investissent », explique à l’AFP Abdelqader al-Kanouni, président d’une association caritative.
Malgré les difficultés, la passion des Tripolitains pour le café et les lieux de restauration ne faiblit pas et ces établissements souffrent moins que d’autres de la crise. Leur main-d’oeuvre est essentiellement étrangère, moins coûteuse.
Le café est souvent importé d’Italie, ancienne puissance coloniale, de même que les machines ultramodernes au design épuré pour le préparer.
Les Libyens boivent du café « matin, midi et soir », dit Mohamad Aguili qui a ouvert il y a deux mois le « Harley Davidson Café », à la limite ouest de Tripoli, devant lequel huit motos aux chromes rutilants sont garées, tous les après-midis.
Il y a des cafés pour tous les budgets, explique-t-il.
Malgré les risques sécuritaires et économiques, il s’est lancé dans le projet. Dans les affaires, « il faut du courage. On se jette (dans l’aventure) et puis ça passe ou ça casse », dit-il.
Dans la section « Familles » du Café Veranda, célèbre pâtisserie de Tripoli qui a su préserver sa qualité même après le départ de son chef italien en 2011, les cousines Hind, Mira et Lamaan -maquillage et manucure parfaits, carrés de soie en guise de hijab- tentent de se faire entendre au-dessus du brouhaha.
A Tripoli, « les loisirs sont limités », assure Mira, 23 ans et étudiante en pharmacie. « Il y a les cafés, des heures sur Facebook ou les deux à la fois ».
Les cafés et les restaurants permettent « d’avoir un semblant » de vie sociale, dit Hind, 25 ans. « S’ils sont ouverts, c’est que tout va bien ». « Bombes ou crise économique, les gens continueront à boire du café ».
Ce qu’Abdelmuttaleb Twigiri, le patron du Toucan, résume d’une autre façon: « Nous voulons vivre ».
« Les Tripolitains se tordent mais ne cassent pas », dit-il fièrement. Un peu comme ces palmiers dattiers battus par les vents sur le front de mer devant son restaurant, plantés pour remplacer le haut mur, aujourd’hui détruit, que les fils Kadhafi avaient fait ériger pour bloquer l’accès à des kilomètres de plage.
(AFP)