France : vers l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans ?

Face au danger que représente la surexposition des jeunes au numérique, l’ancien Premier ministre français, Gabriel Attal, et le pédopsychiatre Marcel Rufo ont plaidé, dans une tribune publiée mardi par « Le Figaro », pour l’interdiction des réseaux sociaux aux jeunes de moins de 15 ans.
Les jeunes sont « enfermés dans leurs chambres, de plus en plus coupés du monde, vivant dans une bulle où toutes les informations, les images et les idées se ressemblent », font-ils observer, ajoutant que ces jeunes « souffrent, poursuivis par les insultes, les moqueries et le harcèlement, parfois jusque dans leur chambre à coucher ».
« Des jeunes qui doutent de leur avenir, de nos valeurs, du futur de la planète. Et une brutalité qui monte, verbale ou physique. Une brutalité comme seule échappatoire, car sur les réseaux sociaux la loi de celui qui parle le plus fort est toujours la meilleure », notent-ils.
D’après eux, c’est « une réalité qui nous frappe et menace le lien social, notre démocratie, en propageant les fake news, les contenus radicaux et complotistes. Menace la santé mentale de notre jeunesse, car toutes les études le montrent: entre anxiété, dépression ou troubles du comportement alimentaire… la santé de nos jeunes est en péril », estiment M. Attal, secrétaire général du parti « Renaissance » et président du groupe parlementaire « Ensemble pour la République », et M. Rufo.
Et dans ce cataclysme sanitaire, la responsabilité des écrans est « immense », font-ils observer, précisant que les adolescents passent entre 3h30 et 5h par jour devant un écran, et bientôt plus de temps devant leurs écrans qu’à l’école.
Près de la moitié des adolescents de 15 ans ont des troubles du sommeil, et un tiers d’entre eux se réveillent la nuit pour regarder leur portable, relèvent-ils.
« Des mesures importantes ont été prises. Mais face à la gravité de la situation, nous devons accélérer encore. L’état d’urgence doit être déclaré contre les écrans. Et qui dit état d’urgence, dit mesures radicales », estiment-ils. Pour désintoxiquer les jeunes, « nous devons briser tous les tabous. Pour protéger, il faut d’abord détecter, c’est notre première urgence ».
Ils proposent ainsi que chaque jeune passe un entretien d’évaluation de son addiction aux écrans à deux âges clés de son développement. « Il est indispensable de faire un état des lieux de la dépendance aux écrans », insistent-ils.
La deuxième urgence, poursuivent-ils, c’est de limiter l’accès. Une commission d’enquête parlementaire est en cours, mais « nous pouvons d’ores et déjà proposer quelques solutions radicales et de bon sens », notent-t-ils.
Pour ce faire, ils appellent à « faire respecter, vraiment, la majorité numérique », et à interdire purement et simplement l’accès des jeunes de moins de 15 ans aux réseaux sociaux. « Nous n’avons plus aucune excuse, car les outils existent », rappellent-ils.
Pour les jeunes de plus de 15 ans, ils préconisent l’instauration d’un couvre-feu numérique systématique: « fermer les réseaux sociaux de 22h à 8h du matin pour les 15-18 ans, sans exception ».
Afin de lutter contre l’addiction, ils suggèrent également de rendre les plateformes moins attractives: « Pour les 15-18 ans, après 30 minutes d’usage d’un réseau social, celui-ci devra passer en noir et blanc pour une heure au moins ».
Autre mesure jugée « radicale mais absolument indispensable » : limiter à une heure par jour l’accès aux réseaux sociaux pour les mineurs.
La troisième urgence, selon les signataires de cette tribune, est de mettre les plateformes face à leurs responsabilités. « Malgré les sommations, certaines refusent d’agir. Mais la course aux profits de quelques-uns ne peut pas passer avant la santé mentale de générations entières. Alors, là encore : agissons », insistent-ils.
Ils proposent ainsi la création d’un « addict-score », inspiré du nutri-score, pour évaluer le potentiel addictif des applications et des plateformes. En parallèle, un système intégré devra permettre d’envoyer des notifications et des alertes en cas de consommation excessive.
L’addiction doit également « avoir un coût » pour les plateformes. « Le tabac et l’alcool sont surtaxés, mais on ne demande rien aux plateformes du numérique », rappellent-ils, en proposant que 2% des revenus générés en France soient affectés à un fonds dédié au financement de la recherche et de la prise en charge de la santé mentale.
Enfin, préviennent-ils, « il faudra peut-être aller plus loin encore avec les plateformes qui s’obstinent à refuser de coopérer avec nous. Alors, celles qui refuseront de protéger notre jeunesse devront être interdites, purement et simplement ».