Canada : pourquoi Justin Trudeau a démissionné ?
Contesté au sein de son propre parti, à la traîne dans les sondages, et abandonné par son allié de gauche au parlement, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a fini par jeter l’éponge et annoncer sa démission en tant que chef du Parti libéral du Canada (PLC).
« J’ai l’intention de démissionner de mon poste de chef du Parti libéral du Canada et de Premier ministre une fois que le parti aura choisi son prochain chef à l’issue d’un processus national rigoureux et compétitif », a indiqué Trudeau lors d’un point de presse lundi à Ottawa.
Au pouvoir depuis 2015, Trudeau a souligné qu’il a rencontré la gouverneure générale Mary Simon qui a accepté de proroger la session parlementaire actuelle jusqu’au 24 mars prochain.
Lâché par son propre parti
L’annonce du dirigeant libéral intervient deux jours avant la tenue d’une réunion décisive du PLC et au moment où la liste des députés de son propre parti réclamant sa démission ne cesse de s’allonger.
Depuis quelques mois et à l’approche des prochaines élections fédérales, prévues au plus tard le 20 octobre prochain, Trudeau est devenu la cible des critiques de plusieurs députés libéraux qui ont réclamé sa démission.
« Le pays mérite un choix clair et réel lors des prochaines élections. Il est devenu évident pour moi que si je dois me concentrer sur des batailles internes, je ne peux pas être la meilleure option lors de ces élections », a lancé Trudeau.
La démission surprise de la vice-Première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, à la mi-décembre sur fond de désaccord avec Trudeau a accentué la pression sur le dirigeant libéral et plongé le pays dans l’incertitude politique.
Le départ fracassant de Freeland a poussé Trudeau à procéder à un vaste remaniement ministériel qui semble ne pas avoir réussi à atténuer la grogne au sein du PLC.
Tout récemment, le caucus libéral des provinces de l’Atlantique a demandé à son tour la démission de Trudeau en tant que chef du parti.
Un gouvernement affaibli plus que jamais
Le gouvernement minoritaire de Trudeau comptait sur le soutien du Nouveau Parti démocratique (NPD), son allié de gauche au parlement, pour se maintenir au pouvoir.
« Justin Trudeau a prouvé à maintes reprises qu’il cède toujours à la pression des PDG. Il a laissé tomber les gens. Il ne mérite pas une autre chance », a déclaré le chef du NPD Jagmeet Singh en annonçant le retrait du soutien de son parti au PLC.
Tout récemment, il est apparu que les jours du gouvernement Trudeau étaient comptés après que le NPD a souligné son intention de présenter une motion de censure pour renverser le cabinet.
Avec la prorogation du parlement jusqu’au 24 mars, Trudeau a réussi à accorder du temps à son parti pour organiser des élections afin de désigner un nouveau chef.
Le successeur de Trudeau prendra alors sa place comme Premier ministre et devra mener le parti lors des prochaines élections, qui devraient probablement se tenir au printemps.
A la traine dans les sondages
Trudeau, dont la cote de popularité ne cesse de dégringoler dans les sondages, se trouve en mauvaise posture face à la popularité croissante du chef du Parti conservateur Pierre Poilievre.
Selon un récent sondage, le Parti conservateur du Canada (opposition) devance largement le Parti libéral dans les intentions de vote.
Des élections anticipées pourraient être convoquées si le NPD décide d’appuyer les efforts du Parti conservateur et du Bloc québécois visant à renverser le gouvernement.
Après l’annonce de Trudeau, le président du Parti libéral du Canada, Sachit Mehra, a annoncé qu’il convoquera une réunion du Conseil national cette semaine pour lancer le processus démocratique pancanadien de sélection d’un nouveau chef du parti.
Au Canada, les spéculations vont bon train sur la liste des successeurs potentiels de Trudeau à la tête du Parti libéral.
Selon les médias locaux, trois noms se détachent et semblent bénéficier du soutien de plusieurs députés libéraux, à savoir Chrystia Freeland, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney et Christy Clark, ancienne première ministre de la Colombie-Britannique.
D’autres noms ne sont pas à écarter, selon plusieurs analystes, dont la ministre des Transports et du Commerce intérieur, Anita Anand, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, ou encore le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne.
Les observateurs soulignent que le prochain leader du PLC aura du pain sur la planche, avec l’organisation de la campagne électorale du parti, le mécontentement d’une large frange de la population canadienne et surtout l’attitude à adopter pour faire face aux menaces de Donald Trump d’imposer des droits de douane de 25% sur les produits en provenance du Canada.