Tunisie: la classe politique divisée sur le nouveau mode des élections locales
Plusieurs voix se sont élevées en Tunisie pour contester contre le processus des élections des conseils locaux prévues le 24 décembre prochain, laissant planer le spectre d’un boycott de ces échéances par de nombreuses formations politiques.
La publication des deux décrets relatifs à l’élection des conseils locaux et au nouveau découpage des circonscriptions électorales a suscité une vive polémique au sein de la classe politique locale sur la pertinence de ce nouveau chapitre du paysage politique.
Dans ce contexte d’incertitude, le Parti destourien libre (PDL, opposition) a annoncé avoir entamé des démarches tendant à saisir le Tribunal administratif aux fins de contester les décrets sur le processus des prochaines élections locales.
Le PDL a réitéré, dans une déclaration relayée par les médias locaux, sa position de principe s’agissant de ne pas reconnaître les élections des membres des conseils locaux et ainsi les boycotter, estimant que les institutions qui verront le jour au lendemain de ces élections sont « nulles et non avenues », dès lors qu’elles sont « illégales et illégitimes ».
Le parti de l’opposition envisage également de contester les décisions émanant de l’instance tunisienne pour les élections (ISIE) relatives à la même question, brandissant la menace de manifester dans la rue le 15 octobre prochain.
Sur le même ton, le Parti du travail et de Réalisation, par la voix de son secrétaire général Abdellatif Mekki, a annoncé son boycott des prochaines élections locales, programmées pour le 24 décembre 2023.
Il a estimé, dans une déclaration à la presse, que l’Instance supérieure indépendante pour les élections priorise cette échéance au détriment des municipales.
Le parti de l’Union populaire républicaine s’est aligné également sur ces positions, estimant que « l’organisation de ces élections est inutile, au moment où le pays traverse une profonde crise économique ».
La question du nouveau découpage territorial des circonscriptions électorales en Tunisie, qui fixe à 279 le nombre des conseils locaux et à 2.155 le nombre des circonscriptions divise également la scène politique et suscite des doutes sur son efficience.
« Le découpage doit se baser sur une stratégie de développement économique ayant pour approche une synergie entre les régions”, insiste le leader du parti Attayar, Hichem Ajbouni, soulignant que la mise en place d’un tel découpage doit avoir lieu de façon graduelle.
En mars dernier, la dissolution des conseils municipaux et leur remplacement par des délégations spéciales a défrayé la chronique dans le pays, plusieurs observateurs dénonçant un coup dur pour le principe de la décentralisation, considéré comme un acquis très important, instauré par la Constitution de 2014, abrogée par le président Kaïs Saïed.
Les critiques ont fusé de tout bord contre la volonté du pouvoir de mettre en place un mode de gouvernance par la base, qui donnera lieu selon les fins connaisseurs de la chose politique, à un nouveau Parlement sans véritables pouvoirs et à des institutions incapables de dynamiser la vie politique.
Sans surprise, les dernières élections législatives organisées en décembre dernier ont connu le taux de participation le plus faible depuis 2011, après un boycott unanime du scrutin de la part des formations d’opposition.
Le taux de participation définitif au second tour des élections législatives n’a pas dépassé 11,4%, les Tunisiens ayant répondu massivement à l’appel des partis politiques et des organisations de la société civile pour le boycott de cette échéance.
Douze partis ont décidé de boycotter ces législatives à savoir le mouvement « Ennahdha », « Qalb Tounes », le « Courant démocrate », la » Coalition Al-Karama », le « Parti destourien libre », « Afek Tounes », le » Forum démocratique pour le travail et les libertés », le parti « Harak Tounes Al Irada », le parti « Al Amal », le « Parti républicain », le « Parti des travailleurs » et le « Pôle démocratique moderniste ».
D’après les observateurs, ces résultats s’expliquent par la désaffection grandissante des Tunisiens pour la vie politique, exacerbée par l’adoption d’une nouvelle loi électorale contestée introduisant de nombreux changements, que ce soit sur les règles de campagne, les modalités d’élection ou bien le fonctionnement du Parlement.