Wallonie : une extraordinaire terre des biotechs
La région francophone belge, la Wallonie, dispose d’une solide expertise et d’un important tissu de PME dynamiques dans les sciences de la vie et les biotechnologies. Ces entreprises l’ont encore démontré à la faveur de la pandémie du Covid-19 en faisant preuve d’agilité et d’innovation. En amont comme en aval du développement des vaccins candidats contre le Covid-19, de nombreuses firmes wallonnes étaient en première ligne.
Les clés de ce rayonnement tiennent à la qualité de la recherche reconnue mondialement, aux relations très étroites entre l’université et le monde industriel et à une infrastructure scientifique aux standards les plus élevés.
Parmi ces champions, Eurogentec, filiale du groupe japonais Kaneka, qu’elle a rejoint en 2010. Spécialisée dans la fabrication et le développement de produits biopharmaceutiques, la société a conclu un accord avec la firme américaine Inovio Pharmaceuticals pour la fabrication de son vaccin à ADN contre le coronavirus. Son unité de production de pointe à Liège permettra de produire des centaines de millions de doses de ce vaccin nouvelle génération. Inovio effectue actuellement la phase 2 des essais cliniques planifiés pour son vaccin INO-4800, sur des adultes aux États-Unis. C’est une étude randomisée, menée en aveugle et contrôlée par placebo pour évaluer l’innocuité du vaccin.
Spin-off de l’Université de Liège, Eurogentec est le leader mondial de la biofabrication d’ADN plasmidique utilisé dans les thérapies géniques et cellulaires. Les thérapies par ADN et ARN sont des technologies prometteuses pour prévenir et traiter, entre autres, les pandémies, les maladies orphelines, les cancers, les maladies infectieuses et les troubles génétiques. Elle a également développé des équipements et des méthodes capables de réduire les déchets et le besoin en matières premières, par rapport aux procédés actuels de production des produits biopharmaceutiques.
De nombreux champions de la thérapie cellulaire
La thérapie cellulaire est un des domaines de pointe sur lequel se positionnent quelques biotechs wallonnes. Ces entreprises ont toutes la particularité d’être nées dans les laboratoires universitaires. La première mondiale en chirurgie orthopédique, réalisée par les chirurgiens des cliniques universitaires de Saint-Luc de Bruxelles sur un patient de 5 ans, tient à un procédé développé par Novadip : une greffe osseuse en 3D issue d’une technologie révolutionnaire. Le procédé consiste à former une plasticine osseuse à partir de cellules-souches prélevées dans le tissu graisseux du patient. Le jeune patient était atteint de pseudarthrose congénitale du tibia, une maladie rare et invalidante, où une fracture du tibia ne guérit pas. C’est un formidable espoir pour tous les enfants handicapés par cette affection.
Novadip est une spin-off de l’Université de Louvain. Cette PME a développé un procédé inédit qui consiste à prélever chez le patient un peu de tissu au niveau de son propre abdomen, qui est ensuite transformé avant d’être réinjecté dans les fractures récalcitrantes. Deux produits candidats sont déjà en phase d’étude clinique, l’un ciblant les fractures de grande taille non cicatrisantes des membres inférieurs chez l’adulte, l’autre, le plus ancien, ciblant les fusions vertébrales complexes.
Bone Therapeutics, favori des investisseurs
La biotech wallonne spécialisée dans le développement de thérapies cellulaires innovantes en orthopédie et dans d’autres pathologies graves tient son quartier général à Charleroi.
Le produit de thérapie cellulaire allogénique prêt à l’emploi, Allob, est constitué de cellules de formation osseuse humaines dérivées de cellules souches mésenchymateuses cultivées, elles-mêmes issues de la moelle osseuse de donneurs adultes sains. Allob a montré au cours d’études précliniques une réduction de 50% du temps de guérison dans des modèles de fracture avec retard de consolidation, ainsi qu’une bonne tolérance.
Le produit a par ailleurs montré des signes d’efficacité dans deux études de Phase IIa menées dans deux indications différentes. À ce jour, l’essai clinique de Phase IIb de Bone Therapeutics, randomisé, contrôlé contre placebo et en double aveugle, mené auprès de patients souffrant de fractures difficiles du tibia, a reçu l’approbation des autorités règlementaires dans six des sept pays européens prévus. Le recrutement du premier patient devrait être réalisé avant la fin de l’année.
L’entreprise est aujourd’hui une valeur sûre du marché boursier et le favori des investisseurs. Il faut dire que les perspectives ouvertes par sa technologie sont énormes à l’export, en Asie notamment. En effet, Bone Therapeutics a signé un accord avec les sociétés chinoises Link Health et Pregene, qui pourront développer et commercialiser la technologie Allob en Chine et dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est.
Le premier test sérologique multiplex du Covid-19
Après trois mois de développement, la société D-tek basée à Mons sort une trousse de diagnostic sérologique pour la détection de 5 anticorps spécifiques du SARS-CoV-2 responsable du Covid-19. Un développement 100% wallon et une première mondiale. Covidot 5 IgG permet, en outre, un diagnostic en seulement 1 heure. Située dans le Parc scientifique de la ville de Mons, D-tek est une biotech spécialisée dans le développement et la fabrication de trousses de diagnostic pour les maladies auto-immunes humaines. Le Covidot 5 IgG est le premier test sérologique multiplex capable de détecter simultanément 5 anticorps spécifiques au virus Covid-19. Il a amélioré substantiellement le diagnostic. En effet, certains patients (testés PCR positifs et donc de réels malades) ne développent pas tous les anticorps et sont parfois considérés négatifs par les tests actuellement utilisés dans les laboratoires. La trousse multiplex de D-tek permettra d’affiner le diagnostic des patients et de déterminer avec précision si leur système immunitaire a, ou pas, été mis en contact avec le Covid-19.
Cette trousse est actuellement disponible à des fins de recherche (RUO – Research Use Only), mais D-tek travaille activement avec ses partenaires scientifiques à l’enregistrement qui la rendra accessible à tous les laboratoires d’analyse en Belgique, et dans le reste du monde ; car plus de 80% du chiffre d’affaires de la biotech montoise est réalisé à l’exportation.
La spin-off de l’UCL, spécialisée dans l’immunothérapie contre les cancers, a fait son entrée au Nasdaq. ITeos, qui avait déjà levé plusieurs millions de dollars ces dernières années, espère ainsi attirer de nouveaux capitaux de la part d’investisseurs américains. Les fonds récoltés visent à développer deux programmes : un traitement destiné aux patients atteints de tumeurs solides et un traitement des tumeurs malignes du sang.
Basée à Gosselies dans la région de Charleroi, ITeos est spécialisée dans la recherche en immuno-oncologie. Avec 64 millions de dollars levés en 2018 auprès du fonds d’investissement américain MPM Capital, et 125 millions en 2020 auprès de cinq autres fonds américains, ITeos figure parmi les spin-off universitaires d’Europe ayant réussi à lever le plus de fonds. Son entrée à Wall Street devrait lui rapporter cette fois plus d’un demi-milliard de dollars.
ITeos n’est pas la première biotech wallonne cotée à la bourse de New York. Elle rejoint ainsi au Nasdaq américain Celyad (ex-Cardio 3 Biosciences) et MdXHealth, active dans le diagnostic du cancer de la prostate.
S.L.