Monde

Femme voilée contrôlée à Nice: du « pain bénit » pour Daesh

Mardi soir, le tabloïd britannique Daily Mail a mis en ligne une série de photos montrant quatre policiers municipaux en train de contrôler une dame assoupie au soleil sur une plage de la célèbre « Promenade niçoise », frappée le 14 juillet par un sanglant attentat jihadiste (86 morts).

Cette femme est habillée et porte un foulard turquoise et blanc noué au-dessus de la nuque et une tunique de même couleur à manches longues, qu’elle enlève ensuite sous l’oeil des policiers, sans qu’on sache si elle agit sur ordre de ceux-ci ou de sa propre initiative.

Ces images ont suscité depuis mercredi un déluge de réactions d’internautes dénonçant « une humiliation » et « une chasse au voile » leur faisant « honte » ou leur donnant la « haine ». « Ils veulent lui retirer ses vêtements. Mais qu’ils retirent leurs uniformes! La police de la honte », a réagi Marwan Muhammad, le président du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) qui a attaqué en justice les arrêtés municipaux avec la Ligue des droits de l’homme. « Question du jour: combien de policiers armés faut-il pour forcer une femme à se déshabiller en public? », s’indigne sur Twitter le directeur de la communication Europe de Human Rights Watch, Andrew Stroehlein.

David Thomson, auteur du livre Les Français jihadistes (2014, Les Arènes) et spécialiste des questions jihadistes a expliqué à franceinfo  ces photos « font des heureux » chez les sympathisants de Daesh.

Il explique: « C’est du pain bénit pour eux. Le récit jihadiste martèle depuis des années qu’il serait impossible pour un Musulman de vivre sa religion dignement en France. Alors évidemment, dès leur diffusion, ces photos sont passées en quelques minutes à peine en tête des sujets les plus discutés dans la « jihadosphère », où la tonalité générale était: « La France humilie une pauvre musulmane. »

Selon David Thomson, « ces images ont littéralement « cassé » l’internet jihadiste, que ce soit du côté des partisans de Daesh ou chez ceux d’Al-Qaïda. Il serait très étonnant que ces quatre photos ne soient pas abondamment reprises dans les vidéos de propagande jihadistes officielles, car elles représentent l’incarnation même de leur rhétorique anti-France ».

Et d’ajouter: « Sans exagérer, on peut considérer que ces clichés de Nice vont alimenter des années de propagande jihadiste ».

« Dans un contexte de récurrence des attentats, les municipalités qui l’ont interdit estiment que le burkini est l’expression d’un « communautarisme » qui pourrait constituer un marchepied vers une forme de radicalité. Mais à l’inverse, pour celles qui le portent, ce vêtement de bain est paradoxalement vécu comme un compromis entre leur conservatisme religieux et la société occidentale moderne », explique le spécialiste.

« Il n’est pas impossible que cette polémique génère une fracture, un dégoût de la France chez certains Musulmans, au-delà même des cercles salafistes ou jihadistes. A l’heure où l’on parle de la nécessité de développer un discours pour contrer le narratif jihadiste, on s’aperçoit que non seulement ce contre-discours n’existe pas, mais qu’en plus, certaines autorités françaises offrent de quoi renforcer ce contre quoi elles pensent lutter », ajoute-t-il.


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