Monde

Elle garde le voile, malgré les menaces de son employeur

Elle le savait parfaitement. Il y a six mois, à Majorque, quand Ana Saidi Rodriguez, de père marocain et de mère espagnole, a décidé de porter le voile, elle savait parfaitement à quoi s’en tenir.

Elle savait qu’elle allait avoir droit à ces regards de dédain et d’étonnement de la part de ses proches, à des froncements de sourcils dans les lieux publics et qu’elle allait être un véritable paria dans sa société.

Ce qu’elle n’attendait pas, c’est de risquer de perdre son emploi à cause de son voile. Son choix personnel lui coûterait la vie financière stable qu’elle mène.

Âgée de 38 ans, Ana travaille pour le géant Acciona et elle représente à elle seule un des débats de la société européenne: une société laïque peut-elle légalement licencier une employée, juste pour son voile ?

Il y a neuf ans, Ana a commencé à travailler pour Acciona, une entreprise leader en infrastructures et énergies renouvelables qui dispose de plus de 30.000 employés. Au début, elle ne portait pas de voile, déclare-t-elle à El Mundo: «J’ai toujours été musulmane, mais mes connaissances sur l’islam étaient très basiques. Je croyais en la religion musulmane, mais je ne la pratiquais pas en profondeur. Soudain, vint le moment où je me suis rendue compte que c’était complètement absurde de garder mon voile dans mon sac et de l’utiliser seulement dans la mosquée. Porter le voile est un précepte religieux et j’ai décidé de l’appliquer à la lettre. C’est question de foi, une décision strictement religieuse».

Ana travaille pour Acciona, au sein de l’aéroport de Majorque, comme agent de handling. Son travail consiste à s’occuper de la facturation et de l’embarquement des passagers. Cet emploi exige le port de l’uniforme : pantalon et blaser bleu marine, chemise bleu ciel, et parfois bas de couleur chair.

Quand elle a décidé de porter le voile, en décembre 2015, elle a reçu l’appui et le soutien de son chef qui lui a proposé son aide si une difficulté se présentait avec ses collègues de travail.

Alors, toute contente, elle a porté un voile discret bleu marine, de la même couleur que l’uniforme imposé par Acciona. Mais sa joie a été de courte durée. Dès le premier jour, ses collègues ont commencé à se moquer de son voile. Ana explique : «Le voile est souvent vu dans les sociétés occidentales comme un acte de soumission de la femme. Les Occidentaux ne comprennent pas l’impact positif qu’il représente.»

Le deuxième jour, son chef l’a convoquée pour lui spécifier que «le siège principal d’Acciona à Madrid lui interdisait de porter le voile pendant ses heures de travail». N’ayant aucune preuve écrite, elle a exigé un communiqué officiel du siège d’Acciona situé dans la capitale espagnole.

Elle a alors reçu les dispositions écrites relatives à la politique vestimentaire de l’entreprise qui interdit tout signe religieux ou autre accessoire qui ne fait pas partie de l’uniforme obligatoire.

Malgré ces menaces indirectes écrites, Ana a décidé de garder le voile dans son lieu de travail et a reçu cinq sanctions. Actuellement, elle est en arrêt maladie pour dépression passagère, insomnie et anxiété. Elle riposte en déclarant à El Mundo: « Et pourtant, des collègues portent des croix assez visibles et on les sanctionne pas pour ça… C’est humiliant ».

Ana craint d’être licenciée pour sa décision de porter le voile: « Ce serait terriblement injuste, mais malheureusement si ça doit se passer, ça se passera ».

Pour rappel, Acciona fait partie des entreprises signataires d’une déclaration qui s’engage à respecter les principes fondamentaux des droits de l’homme et refuse toute forme de discrimination religieuse.

Soraya Adny


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