Maroc: quand un projet est suspendu depuis plus de 70 ans
A chaque fois qu’un accident grave se produit sur la route reliant Marrakech à Ouarzazate par le col de Tichka, le dossier du projet de tunnel reliant les deux villes refait surface. La dernière fois que ce sujet a été abordé, c’était lors de l’accident meurtrier qu’a connu cette route il y a quatre ans et qui a coûté la vie à des dizaines de passagers d’un autocar.
Depuis, l’ex-chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane qui a soulevé cette question avec son ministre de l’équipement Aziz Rebbah, a fait exactement comme ses prédécesseurs et le projet a été mis aux oubliettes. Et pour le contourner, des travaux d’élargissement et de balisage de la voie ont été effectués sur cette route qui est considérée comme l’une des plus dangereuses au monde, puisqu’elle serpente le Haut-Atlas jusqu’à une altitude de 2200 mètres. En attendant qu’un autre accident se produise et soulève de nouveau la polémique. Or, l’attente de réalisation de ce tunnel salvateur a trop duré.
Les autorités du protectorat qui ont tracé cette route en 1922 pour mieux pacifier les populations du Haut-Atlas et au delà de la vallée de Draâ, se sont rendu compte de la difficulté de franchir ce mur de défense naturel qu’est cette montagne majestueuse avec comme point culminant le Tizi N’tichka et ont décidé de creuser un tunnel de 10 kilomètres pour rejoindre Ouarzazate en peu de temps et avec un minimum de risques. Les travaux y ont débuté vers 1933 et un kilomètre a été déjà creusé. Puis l’évolution politique internationale, notamment la deuxième guerre mondiale, a fait en sorte que le projet a été suspendu pour être définitivement abandonné en 1944.
Après l’indépendance, c’est un autre épisode qui s’ouvre. Le projet se perd dans les labyrinthes de l’administration et à chaque fois qu’un plan est établi, une contre-étude est présentée. Le ministère de l’équipement (travaux publics à l’époque) possède sa propre vision qui s’appuie sur une étude du bureau international McKenzie, alors que les autorités territoriales avancent leur propre projet. Résultat: le tunnel attend sa réalisation depuis plus de 70 ans, les automobilistes sont obligés de passer beaucoup de temps pour parcourir 120 km et beaucoup de sang continue à couler sur les flancs du Tichka.
Taoufik Jdidi