Maroc

Qui est Zafzafi, le leader du mouvement d’Al Hoceima et que veut-il?

Devenu très populaire et ayant suscité l’intérêt des médias depuis quelques semaines, Nasser Zafzafi, le leader controversé du mouvement social que connaît la région d’Al Hoceima, commence à s’ouvrir à la presse et à multiplier les interviews et les déclarations. Portrait. 

Il se présente d’abord comme un simple citoyen très sensible à ce qui se passe dans sa région natale. Comme tous les jeunes, il a des occupations diverses, notamment le basket-ball qu’il exerce au sein de l’équipe locale. Mais il n’a jamais adhéré à aucun parti politique ou un quelconque syndicat.
Sa principale caractéristique, dit-il, est qu’il exprime ce qu’il pense sans détour. Nasser Zafzafi a vu le jour dans une famille de militants. Il affirme que son grand-père était ministre de l’Intérieur de ce qu’il appelle « la république du Rif d’Abdelkrim El Khattabi ». Selon lui, son oncle, assassiné en 1978 près de Larache, était le directeur de cabinet de « Moulay M’hand », comme se plaisaient les Rifains à appeler leur « Emir » Abdelkrim El Khattabi.
Son père était un militant de la première heure de l’Union nationale des forces populaires, puis de l’USFP de laquelle il a démissionné quand le parti est entré au gouvernement. Voilà tout ce que l’on peut savoir sur le côté personnel de Zafzafi.
Mais c’est son action actuelle à la tête du mouvement social de la région d’Al Hoceima qui interpelle. Tout a été déclenché par le décès tragique du poissonnier Mouhcine Fikri, étincelle qui a enflammé des sentiments d’humiliation refoulés depuis longtemps. Les premiers rassemblements ont consisté à revendiquer que justice soit rendue dans cette affaire.
Au fur et à mesure que la protestation s’étendait, Zafzafi a commencé à prendre conscience de l’opportunité de faire entendre la voix des Rifains qui subissent, selon lui, « l’exclusion et la marginalisation délibérée de la part du Makhzen ». Ajouté à cela, le fait que le statut militarisé de la région perdure (statut aboli juste après l’indépendance, NDLR) et demeure suspendu comme une épée de Damoclès sur les Rifains.
Ce mouvement qui est allé en s’amplifiant n’est, d’après lui, que l’expression d’un ras-le-bol et de l’absence ne serait-ce que d’un brin de confiance dans les institutions locales, régionales et gouvernementales. Les promesses non tenues, l’élargissement de la géographie de la précarité et le désintéressement du « Makhzen » aux revendications légitimes des populations n’ont fait qu’exacerber les sentiments de révolte, ajoute-t-il. Cependant, Zafzafi se défend être le porte-parole d’un quelconque mouvement indépendantiste ou séparatiste.
« Je suis Marocain et je combats l’injustice dans mon pays. Il n’a jamais été question de lever des mots d’ordre de ce genre. Pour preuve, nous avons soutenu toutes les actions de protestation qui surviennent dans d’autres villes dans le cadre du mouvement du 20 février ». Zafzafi dit avoir reçu des propositions d’exil dans des pays européens, mais il a toujours refusé puisque son combat, insiste-t-il, est à l’intérieur du pays et au service de la population pour le développement de la région.
Dans le même sillage, Zafzafi met au défi le ministre de l’Intérieur d’apporter ne serait-ce qu’une preuve d’un quelconque financement du mouvement par des parties étrangères. « Nous bénéficions certes du soutien d’organisations de Rifains de l’étranger, mais c’est un soutien purement moral. Ce qui est tout à fait normal, puisque les membres de ces organisations sont originaires de cette région », précise-t-il. Mais Zafzafi ne s’est pas empêché d’envoyer une mise en garde aux organisateurs d’une rencontre que des Rifains de l’étranger ont tenue samedi 20 mai à Madrid, au cours de laquelle ils ont voulu « mettre à l’ordre du jour » la question de l’indépendance. Zafzafi leur a envoyé un message sonore via WhatsApp leur signifiant que le mouvement s’en tenait à des revendications strictement économiques et sociales et qu’au- delà, ils n’avaient qu’à assumer leur responsabilité.
Zafzafi n’est pas tendre à l’égard des partis politiques, qui sont, selon lui, des fonds de commerce ne servant qu’à distribuer des promesses et de jouer le rôle de relais du « Makhzen ». Il pense que leurs leaders, y compris Ilyas El Omari, « ne sont que des laquais qui ne contribuent en rien à la résolution des problèmes de la région ». Pire, « ils ne font qu’entraver l’ouverture d’un vrai dialogue avec l’Etat, notamment en qualifiant le mouvement de hors-la-loi, comme l’a attesté le dernier communiqué des partis de la coalition gouvernementale et du ministre de l’Intérieur ».
Pour Zefzafi, « les Rifains veulent ouvrir un dialogue franc avec l’Etat. Mais c’est ce dernier qui refuse l’ouverture d’un processus de négociations. C’est pourquoi nous revendiquons l’intervention directe du Roi Mohammed VI dans le règlement de cette situation, puisque c’est lui le chef de l’Etat. Tous les autres intervenants se sont aliénés notre confiance et malgré les tentatives d’intermédiation de certaines institutions comme le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) ou d’Ilyas El Omari, le mouvement social d’Al Hoceima n’a pas besoin d’eux. Seul le Roi est capable de résoudre le problème, c’est lui qui détient le pouvoir effectif. Le reste n’est qu’un leurre de plus », conclut-il.
Nasser Zafzafi a été vu jeudi dernier entouré d’une garde rapprochée. A ce sujet, il explique que suite aux menaces de mort qu’il a reçues, des organisations rifaines de l’étranger lui ont proposé les services de deux gardes du corps hautement qualifiés en arts martiaux. Il est également protégé par des amis.
Mais Zafzafi n’a évidemment pas que des amis. Il est contesté par d’autres associations et par des activistes de la société civile qui lui reprochent d’avoir monopolisé le mouvement et de prendre des décisions unilatéralement. Ce à quoi il répond par la négative, arguant que la concertation ne peut se faire avec des milliers de gens.
« Ce sont mes rencontres et mes discussions avec la population qui me guident dans mon action et rien d’autre. Ceux qui colportent ce genre de contre-vérités, sont les représentants des partis qui auraient voulu récupérer le mouvement pour en faire encore leur fonds de commerce », matraque Zafzafi. Nul doute qu’il n’a pas encore fini de faire parler de lui…
Hicham Lamrani


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