Maroc

Le burnout, une réalité de plus en plus préoccupante pour les travailleurs marocains

Par LeSiteinfo avec MAP

« Les signes ont commencé à se manifester progressivement. Je me détachais de ce que j’aimais, je me sentais vidée émotionnellement ». Par ces mots, Amira, 26 ans, retrace avec amertume la fin de sa dernière expérience professionnelle.

« Ce n’était pas de la simple fatigue, mais plutôt une sensation de vide intérieur, comme si toute mon énergie s’était évaporée », confie à la MAP cette ancienne analyste environnementale, sociale et de gouvernance (ESG) dans une entreprise privée.

« C’est sûrement le burnout, je pense qu’on ne peut le qualifier autrement ».

Longtemps relégué au second plan, l’épuisement professionnel ou burnout (en Anglais), se manifeste de plus en plus comme une réalité préoccupante dans le monde du travail.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de 60% des travailleurs à travers le monde déclarent avoir souffert de symptômes liés à ce phénomène, défini par les experts comme une défaillance des capacités à récupérer du stress et de l’énergie usée dans la sphère professionnelle.

L’expérience de Amira illustre bien les dynamiques silencieuses du burnout. Pendant quatre ans, elle a enchaîné les responsabilités dans un environnement de travail rigoureux : un rythme effréné les deux premières années, suivi d’une transition vers de nouvelles tâches tout aussi exigeantes.

Face aux signaux d’alarme qui se manifestaient, elle a tenté de faire face seule en essayant de relativiser et de se reposer tant que possible. Mais sans cadre clair ni accompagnement, ces efforts n’ont pas suffi.

« Je pensais récupérer, mais j’étais encore plus épuisée à la fin », se souvient-elle, disant avoir choisi de ne pas solliciter d’aide professionnelle.

Finalement, elle a préféré jeter l’éponge et déposer sa démission. Aujourd’hui encore, elle doute disposer des bons outils pour éviter une rechute.

Et il y a de quoi s’inquiéter !

Pour Jihad Bnimoussa, psychologue et spécialiste de la santé mentale, une telle usure professionnelle peut entraîner des troubles comme l’absentéisme, la diminution de l’estime de soi, voire même la dépression, en plus d’une baisse des performances et d’une hausse des tensions relationnelles dans le milieu du travail.

« Nous récupérons généralement du stress physique et émotionnel journalier grâce au sommeil, à une alimentation équilibrée et au temps de loisir, » explique Mme Bnimoussa, également fondatrice d’InspireCorp, une entreprise sociale dédiée à la santé mentale dans la région MENA, spécialisée dans la création de programmes préventifs dans ce domaine.

« Le burnout survient lorsque nous ne parvenons plus à ce faire, soit à cause d’une surcharge intense et rapide, soit d’un stress prolongé sans repos, forçant le cerveau à se mettre en pause pour récupérer, » précise-t-elle.

Sans temps de récupération suffisant, tout travail ou métier peut conduire au burnout, avertit la spécialiste, notant qu’il touche particulièrement les professionnels très sollicités comme les médecins et les enseignants ou ceux exposés à un stress intense.

Dans le contexte d’une société hyperconnectée, surtout post-COVID, être constamment joignable empêche une réelle déconnexion du milieu professionnel en dehors des heures du travail.

Emails professionnels incessants, télétravail, messagerie instantanée ou réseaux sociaux, autant de facteurs qui perpétuent le stress et empêchent une récupération en bonne et due forme.

Si les causes et dangers du burnout sont aujourd’hui reconnus au niveau de la santé mentale, qu’en est-il du cadre juridique et réglementaire ?

Laila Touhami Kadiri, avocate et experte juridique notamment en droit du travail, explique que le burnout n’est toujours pas reconnu comme une maladie professionnelle dans la législation actuelle et encore moins dans la jurisprudence.

Toutefois, la protection de la santé mentale du salarié reste encadrée par l’article 24 du Code du travail, qui requiert de l’employeur de préserver la santé, la sécurité et la dignité des travailleurs. De même, certaines décisions de justice admettent indirectement son impact dans les litiges.

« Même sans réglementation spécifique sur les risques psychosociaux, le Code du travail impose aux employeurs de garantir la santé physique et mentale des salariés », explique Mme Touhami Kadiri, en précisant que cette obligation implique la prévention, l’adaptation des postes aux salariés et l’installation d’un service médical du travail au niveau des entreprises de plus de 50 salariés.

S’agissant du droit à la déconnexion, l’experte relève qu’il peut être introduit dans le milieu du travail via contrat, règlement intérieur ou convention collective.

« Les praticiens du droit social et certains juges commencent à reconnaître les pressions psychologiques anormales comme facteurs requalifiant une démission en licenciement abusif », fait-elle savoir, tout en encourageant les salariés à ne pas hésiter à « défendre » leur santé mentale en cas d’harcèlement moral au niveau de l’entreprise.

Dans tous les cas, le meilleur moyen de lutter contre le burnout reste la prévention.

Pour l’employé, cela passe par l’importance de s’imposer un repos régulier proportionnel au stress subi, y compris en se déconnectant mentalement du travail, insiste Mme Bnimoussa.

« Il faut dormir suffisamment, manger équilibré, bouger, se détendre et rester connecté aux autres. Corps et esprit doivent se reposer ensemble pour retrouver leur équilibre, » conclut-elle.


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