Maroc

FIFM: les temps forts de ce premier week-end

Le Festival du film de Marrakech démarre sous le signe de l’ouverture, de l’échange interculturel et de l’engagement.

La soirée d’ouverture a été marquée par le discours du Président du Jury qui a dit son émotion d’être au Maroc, où a notamment vécu sa mère. “Elle était marocaine de fait et de fait, je suis donc à moitié Marocain moi aussi”, a-t-il dit.

Le film, projeté en ouverture du Festival, a tout de suite donné le ton de cette 21ème édition. The Order, par Justin Kruzel, est un puissant pamphlet contre l’extrémisme et le fanatisme. Le film revient sur l’histoire d’un groupe suprémaciste blanc et antisémite américain, auteur d’assassinats et d’attentats dans les années 80. Un thriller historique d’une grande actualité. En mettant en parallèle la violence des années 1980 et les dérives contemporaines, Justin Kurzel interroge la persistance et la diversité des idéologies extrémistes.

L’actualité du monde était également présente lors de la conférence de presse du jury, organisée samedi 30 novembre. Luca Guadagnino, président du jury, a tout de suite annoncé la couleur. “Nous avons un ennemi contre lequel nous devons nous battre férocement : le goût industriel, cette manie de mettre des standards et des normes qui doivent plaire à tous.  C’est magnifique de voir comment le cinéma ouvre la voie à des idées et des visions auxquelles d’autres n’auraient pas pensé. Le cinéma est conscient des enjeux mondiaux et possède la capacité de créer un imaginaire capable de briser l’oppression”, a notamment expliqué Luca Guadagnino.

Dans la foulée de la conférence de presse du jury, c’est Justine Triet, Palme d’or à Cannes avec Anatomie d’une chute, qui prenait la parole à l’occasion d’une conversation avec le public du Festival. “Pour mes rôles principaux, je choisis toujours des personnages qui ont un avis sur le monde”, a-t-elle expliqué. “Je filme des femmes parce que j’en suis une, bien sûr, mais surtout parce qu’elles m’offrent une richesse narrative inégalable”, a-t-elle ajouté.

Samedi après-midi, le théâtre Meydene était déjà plein plusieurs minutes avant l’arrivée du réalisateur Tim Burton. Une conversation qui a tenu toutes ses promesses et qui a permis à Burton de revenir sur plusieurs aspects de sa vie et de son oeuvre. “La créativité est toujours animée par quelque chose. La revanche, l’amour, la passion”, a-t-il commencé par affirmer. Dans sa Conversation, Tim Burton a répondu avec beaucoup de spontanéité et de franchise à toutes les questions. “Je suis un extraterrestre. Le monde entier m’est étranger”, a-t-il dit.

Interpellé sur ses films, Tim Burton a confié sa conception du monde et de ses propres récits.  « Les histoires pour enfants sont bien plus extrêmes qu’on ne le pense. Les monstres ne m’effrayaient pas quand j’étais petit, je les voyais comme des âmes perdues”, raconte-t-il. Tim Burton est également revenu sur sa relation ambivalente avec l’industrie du cinéma. Bien qu’il exprime sa gratitude pour les opportunités offertes par les studios, il critique l’évolution d’une industrie devenue, selon lui, plus standardisée et frileuse face à l’originalité. « Les studios ressemblent à une étrange famille : parfois ils vous aiment, parfois ils vous rejettent », plaisante-t-il.

En soirée, le public du Festival avait rendez-vous avec l’hommage rendu à un monstre sacré du cinéma mondial. En recevant l’Étoile d’or des mains de l’actrice italienne Valeria Golino, Sean Penn a dit sa gratitude à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à Son Altesse Royale le Prince Moulay Rachid et au Maroc. Fidèle à lui-même et à son parcours, Sean Penn a livré un discours sobre et puissant. “L’art n’est jamais neutre, a-t-il dit. J’encourage tout le monde à être politiquement incorrect, à s’engager dans la diversité et à continuer de raconter des histoires”.

Dimanche, le programme du Festival s’est poursuivi entre les projections, les conversations et les rencontres des médias avec les professionnels du cinéma mondial. Trois conversations étaient notamment programmées avec David Cronenberg, Alfonso Cuarón et Monica Bellucci.

« La vie humaine est très physique. Nous sommes un corps, et quand le corps meurt, nous mourons », a expliqué Cronenberg. Cette vision radicale est au cœur de son œuvre, qu’il s’agisse de « Crash » ou « La Mouche ». Il rajoute : « Si vous faites des films sur la condition humaine, vous devez aborder la réalité du corps. »

Toujours dans le cadre des « Conversations » du Festival International du Film de Marrakech, le cinéaste oscarisé Alfonso Cuarón a échangé avec les jeunes réalisateurs marocains Talal Selhami et Alaa Eddine Aljem devant une salle comble. Une véritable Masterclass sur l’art de penser et de fabriquer un film. Cuarón a notamment insisté sur l’importance de l’adaptabilité en cinéma, expliquant que les contraintes, notamment budgétaires, peuvent parfois stimuler la créativité. « Le fait de ne pas avoir de budget te force à t’adapter, et parfois c’est mieux que ce que tu avais prévu. » Il a également abordé son approche flexible de la préparation, préférant se concentrer sur l’instant présent une fois le tournage commencé : « Dès que le tournage commence, tout s’enchaîne. »

A quelques kilomètres seulement, et plus précisément au Musée Yves Saint Laurent, le public du Festival avait rendez-vous avec la projection de “Maria Callas Monica Bellucci : une rencontre”. Un documentaire tout en finesse revenant sur les trois ans que la diva italienne a passé sur scène interprétant et lisant les lettres et mémoires de Maria Callas. Un objet cinématographique singulier où l’on passe du théâtre au documentaire, et où on parle avec une grande spontanéité le français, l’italien et l’anglais.

Présente lors de la projection, Monica Bellucci a pris le temps d’échanger pendant près d’une heure avec le public. Une rencontre hypnotisante où l’actrice a parlé à cœur ouvert de cette expérience. “J’ai été touchée par l’histoire et la trajectoire de Maria Callas. J’ai pris un grand risque en allant sur scène. C’est un exercice qui ne pardonne pas. Sur scène, il y a une grande franchise avec le public”, a-t-elle notamment expliqué.

Lundi, le Festival se poursuit avec de nouvelles projections, de nouvelles conversations et toujours la même ambition de faire découvrir de nouveaux horizons de pensée et de dialogue grâce au cinéma.

S.L.


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