Maroc

Industrie de la pêche : les mesures d’incitation font défaut

Riche de sa façade maritime qui s’étend sur 3.500 km, le Maroc s’est érigé en champion régional et même mondial sur certains produits de la mer. Toutefois, en dépit du potentiel dont regorge le secteur, il demeure peu exploité. Les industriels restent dans l’attente d’un contrat programme pour monter au créneau.

L’on ne peut parler d’exportation des produits alimentaires sans évoquer les produits de la pêche. Une richesse halieutique qui permet au Maroc de se targuer du rang de premier exportateur de la sardine, la star des poissons pélagiques. Certes, l’industrie de la pêche relève de l’économie bleue, mais elle occupe une place significative dans les exportations des produits alimentaires transformés. En effet, l’industrie de la pêche assure, à elle seule, plus de 8% des exportations totales du Maroc et contribue à hauteur de près de 35% aux exportations alimentaires du pays.

À quand un contrat-programme ?
En termes de volume, les débarquements se sont chiffrés à plus de 1,5 million de tonnes de poissons en 2022, dont 89% de poissons pélagiques, pour 1,3 million de tonnes d’une valeur de 3,9 milliards de dirhams. Et, sans surprise, ce sont les régions du Sud qui raflent la mise et représentent 81% du volume des débarquements. Dans ce paysage, la valorisation et la transformation ne revêtent pas moins d’importance. Elles se font principalement sous forme de conserves, et semi-conserves de poissons, de produits congelés, de poissons frais, de farine et d’huile de poisson.

Au titre de l’exercice 2021-2022, les exportations de sardines et de maquereaux ont enregistré une croissance de 6,6% en quantité. En termes de valeur, l’évolution a été de 29,64%. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, les Pays-Bas, le Gabon, le Nigéria et le Congo sont les principales destinations des conserves de sardines marocaines qui représentent plus de 38%. Pour les conserves de poisson, 49% des exportations en volume sont orientées vers l’Afrique et 34% vers l’Union européenne. Certes la position actuelle du Maroc est à envier, mais des opportunités prometteuses, aussi bien sur le marché local qu’à l’export, s’offrent aux opérateurs.

«Le Maroc dispose des atouts nécessaires pour permettre la transformation en produit à haute valeur ajoutée. Le potentiel de croissance du secteur est réel lorsque l’on considère la forte demande en produits de la mer, la position géographique du pays, et les caractéristiques de sa ressource halieutique. Les enjeux de la croissance du secteur sont tout aussi importants lorsque l’on considère le chiffre d’affaires et le nombre d’emplois rattachés à la filière. Malgré l’existence d’une stratégie sectorielle, notre fédération a été systématiquement ocultée», s’indigne Hassan Sentissi, président de la Fédération nationale des industries de transformation des produits de la pêche (FENIP).

Un constat corroboré par de nombreuses études, lesquelles ont démontré le potentiel des industries de la transformation et recommandent également d’accorder une priorité au développement d’activités à forte valeur ajoutée.

Approvisionnement irrégulier
Cependant, bien des défis persistent. Malgré une croissance de la capture nationale de 15,2% durant les cinq dernières années, soit 2% de la capture mondiale, l’appareil de production reste peu productif. La capture est insuffisante pour répondre à la demande des industries de transformation. Pour la FENIP, la production marocaine gagnerait à être mieux valorisée en encourageant la fabrication localement de produits à haute valeur ajoutée. Les faiblesses du secteur portent essentiellement sur l’irrégularité de l’approvisionnement en matières premières et sur la qualité des produits fournis aux industries de transformation. Les infrastructures de base sur l’ensemble de la valeur devraient être optimisées et adaptées aux évolutions technologiques internationales.

«Le Maroc manque également d’une stratégie commerciale agressive pour la promotion de ses produits sur les marchés extérieurs. Le label marocain souffre d’un manque de notoriété et la demande interne reste très faible. L’innovation et le développement de nouveaux produits sont très faibles. Le manque de communication et de collaboration avec la tutelle reste un obstacle», reproche la FENIP.

Néanmoins, ces défis restent surmontables puisqu’il existe plusieurs leviers de développement. Ces derniers peuvent être activés pour stimuler la croissance du secteur de la pêche. Il s’agit, notamment, de la mise en place d’un contrat programme spécifique pour le secteur, offrant un cadre clair et lisible pour le soutien aux acteurs. La fédération insiste aussi sur l’importation de la durabilité, la préservation des ressources, et l’accompagnement dans la sécurisation de l’approvisionnement à travers le renforcement de la logistique froide et en développant des relais de stockage. L’accès au financement pose également problème. Pour encourager les investissements, la fédération incite à l’instauration de taux préférentiels. Le capital humain n’est pas en reste. Parmi ses recommandations, la FENIP préconise l’assistance technique à la valorisation et à la formation, impliquant le renforcement des compétences humaines par le biais de formations et la mise à niveau des entreprises. Le soutien administratif, incluant la mise en place d’un guichet unique et d’une procédure fast-track administratif, ainsi que des mesures telles que l’exonération des droits de douane permettraient de rattraper le manque à gagner.

Maryam Ouazani & Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO


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