Le roi Mohammed VI, a récemment adressé une lettre au chef du gouvernement, relative à la révision du Code de la famille.
Cette Lettre Royale vient concrétiser la décision Royale annoncée par le roi dans le Discours du Trône de 2022 et traduire la Haute sollicitude que le Souverain ne cesse d’accorder à la promotion des questions de la femme et de la famille en général, peut-on lire dans un communiqué.
Voici l’intégralité de la lettre Royale
« Notre très dévoué serviteur
Aziz Akhannouch, Chef du gouvernement
Que Dieu t’accorde paix et protection et guide tes pas sur la voie du succès.
Près de deux décennies se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur du Code de la Famille. L’accueil enthousiaste et unanime qu’il reçut alors tenait aux progrès qu’il rendait possibles, en consacrant davantage les droits de la femme et en garantissant aux enfants une meilleure protection de leurs droits. Désormais, la dignité humaine est ainsi mieux préservée, l’Etat de droit renforcé et la construction démocratique consolidée. Une telle dynamique, conduite dans le strict respect des principes sublimes de la Charia islamique, prenait en compte l’évolution de la société marocaine.
Certes, ce Code a eu l’immense avantage d’impulser une dynamique de changement vertueuse et d’instaurer une conception nouvelle de l’égalité et de l’équilibre familial, ouvrant ainsi la voie à une avancée sociale considérable. Néanmoins, aujourd’hui, il est nécessaire de le réexaminer afin de corriger les dysfonctionnements et les lacunes que l’expérience de sa mise en œuvre judiciaire a révélés. Par ailleurs, ses dispositions doivent également être mises en adéquation avec l’évolution de la société marocaine et les besoins du développement durable. La nouvelle version s’harmonisera ainsi avec la progression de notre législation nationale.
L’actualisation du Code que Nous appelons de nos vœux doit se faire en accord avec les principes directeurs et les orientations clés qui ont présidé à son élaboration et que Nous avons définis dans Notre Discours prononcé devant le Parlement, le 10 octobre 2003, puis confirmés dans le Discours du Trône adressé à Notre cher peuple, le 30 juillet 2022.
Nous avons le souci que la mise à niveau souhaitée soit réalisée en total accord avec l’esprit de la Charia et les spécificités de la société marocaine. Nous tenons également à ce que, pensée et conçue avec le concours des institutions et des acteurs concernés, elle s’opère selon une approche marquée du sceau de la modération, de l’Ijtihad ouvert, de la concertation, du dialogue.
Par conséquent, la mise à jour recherchée doit consister en priorité à remédier aux défaillances que l’application judiciaire du Code a mises en évidence sur près de vingt ans. Elle devra également amender les dispositions que l’évolution de la société marocaine et le développement des législations nationales ont rendues obsolètes.
Aussi, le Code amendé devra garder le même référentiel et les mêmes soubassements de départ, en l’occurrence les valeurs de justice, d’égalité, de solidarité et de cohérence telles qu’elles sont prônées dans les sources authentiques de la religion musulmane, ainsi que les principes universels énoncés dans les conventions internationales ratifiées par le Maroc.
Nous sommes persuadé que la pratique vertueuse de l’Ijtihad constructif constitue la voie à suivre pour créer la synergie souhaitée entre le credo islamique, ses visées ultimes et les principes nouveaux convenus mondialement en matière des droits de l’Homme.
Ainsi que Nous l’avons affirmé maintes fois en qualité d’Amir Al-Mouminine, Nous ne pouvons autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce que le Très-Haut a autorisé.
L’Article 78 de la Constitution conférant au gouvernement l’initiative des lois, c’est donc à ce dernier que revient la charge de cette action rectificative.
Eu égard à la centralité de ce sujet qui a une double portée juridique et judicaire, Nous avons estimé judicieux de confier le pilotage conjoint et collégial du processus d’amendement au ministère de la Justice, au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et à la Présidence du ministère public.
A ce propos, Nous appelons ces institutions à impliquer étroitement dans cette démarche les autres instances concernées directement par ce sujet, au premier chef desquelles le Conseil supérieur des oulémas, le Conseil national des droits de l’Homme et l’autorité gouvernementale chargée de la solidarité, de l’insertion sociale et de la famille.
Etant donné la nature spécifique du droit de la famille qui intéresse l’ensemble des citoyennes et des citoyens, et vu l’importance des enjeux qu’il recèle, il convient également de s’ouvrir dans le cadre d’une approche participative à un large spectre d’organisations et d’acteurs de la société civile.
Par conséquent, les éventuelles propositions de modification et d’amendement devraient prendre en considération les conclusions issues des concertations élargies et des séances d’audition qui seront rigoureusement tenues notamment avec le tissu associatif concerné par les droits de l’Homme, les droits de la femme et de l’enfant ainsi qu’avec les magistrats, les chercheurs, les académiciens et les autres professionnels du droit de la famille.
Nous attendons que les conclusions de ces rencontres soient formulées sous forme de propositions d’amendement à porter à Notre Haute Appréciation, en Notre qualité d’Amir Al-Mouminine et Garant des droits et libertés des citoyens, dans un délai n’excédant pas six mois. Il sera ensuite procédé à l’élaboration de la version finale en vue de sa soumission pour approbation au Parlement.
Nous te renouvelons l’expression de Notre bienveillante sollicitude et Nous prions le Très-Haut pour qu’Il guide tes pas et t’accorde plein succès ».