Criminalité. Hassan Khaia : “La prévention prime”
Hassan Khaia
Contrôleur général et chef de la Sûreté Provinciale d’El Jadida
Pour rapprocher le commun des mortels des mécanismes instaurés par les différents services de police, notamment en cette période estivale qui connaît une forte affluence, Hassan Khaia, contrôleur général, et chef de la Sûreté provinciale d’El Jadida, en détaille le fonctionnement en exclusivité au journal Les Inspirations ÉCO. Les efforts consentis dans ce sens permettent de cerner le taux de criminalité dans la ville, qui demeure faible.
El Jadida connaît une forte affluence durant la période estivale et la sécurité sur les routes revêt une importance majeure. Quel est le dispositif mis en place à cet effet ?
La ville d’El Jadida, de par sa position géographique, est une ville d’attraction par excellence. Sa proximité avec la métropole Casablanca et le pôle industriel de Jorf Lasfar constitue un des principaux facteurs de promotion touristique et économique. En langage des chiffres, El Jadida compte dans son enceinte 77.000 véhicules immatriculés, 5.500 motocycles enregistrés dans les différents centres de visite technique, plus de 200 bus et autocars de transport urbain ainsi qu’un millier de taxis de 1re et 2e catégorie. Ces chiffres sont bien entendu appelés à la hausse les weekends et pendant la saison estivale, ce qui exige un effort supplémentaire des différentes composantes de la sûreté provinciale d’El Jadida, dont les effectifs dédiés à la circulation routière, et également ceux dépendant du service des accidents de circulation.
À noter que ces derniers interviennent quotidiennement pour constater un nombre important d’accidents de circulation, lesquels ne provoquent en majorité, et fort heureusement, que des blessures légères ou des dégâts matériels . Toutefois, pour ce qui est du dispositif mis en place, valable pour toute l’année et renforcé durant la période estivale, il est focalisé prioritairement sur la prévention. Un certain nombre de mesures sont prises dans ce contexte dont, notamment, l’élaboration des propositions relatives aux points et artères les plus sujets à la survenance des accidents de circulation, aux cotés bien évidement, des autres intervenants concernés. Ceci s’inscrit dans le cadre de l’application de la Stratégie nationale de lutte contre la prolifération des accidents. Parmi les mesures adoptées, figure également la coordination entre le service des accidents et la police de circulation pour un déploiement dans les points noirs afin de prévenir les accidents.
En effet, c’est à travers leur recensement que nos services arrivent à déterminer les lieux qui enregistrent le plus d’accidents. Il s’agit aussi de la coordination avec les cadres et représentants du Comité national de prévention contre les accidents de circulation, à travers la participation aux sessions de formation et de sensibilisation. Ainsi, dès que les flux des estivants grossit, le dispositif est déployé sur les plages et dans toutes les artères de la ville, l’objectif étant aussi de lutter contre une criminalité que nos services arrivent à juguler.
Les équipes sont renforcées lors de cette période. De combien l’effectif est-il augmenté ?
Je tiens à signaler que nous ne recevons pas de renforts. À El Jadida, nous travaillons avec les moyens du bord. Toutefois, le personnel dont nous disposons est suffisant pour mener à bien cette mission. D’ailleurs, je peux vous assurer que nous n’avons aucun problème ni sur le plan sécuritaire, ni en matière de régulation de la circulation routière dans la ville. Nous développons un système de travail de nature à assurer la visibilité et la proximité.
Quels sont les types de crimes les plus récurrents et comment sont-ils gérés au niveau de la sûreté provinciale d’El Jadida ?
Le volet préventif joue un rôle important dans le taux de criminalité dans la ville qui demeure assez faible en termes de crimes aggravés. En effet, les affaires les plus courantes, traitées par nos services, sont les atteintes à la personne qui sont du ressort des arrondissements de police. Pour donner un ordre de grandeur, nous avons traité, durant les six premiers mois de l’année, quelque 1.180 affaires. Elles ont été toutes résolues avec l’appui de la police judicaire. Nous comptons également des plaintes pour injures et insultes. Là-dessus, nous avons enregistré 929 affaires également solutionnées, en sus de 303 qui sont liées aux dégâts matériels occasionnés à la propriété d’autrui. Il y d’autres typologies d’infractions qui relèvent du service de la police judiciaire, tels que le trafic de stupéfiants lequel présente plus de risques avec le nombre important d’arrivées. Le dispositif préventif déployé, tant au niveau de la gare routière et ferroviaire que dans les stations de taxis, nous permet d’appréhender les trafiquants dès leur arrivée. Il y a aussi des affaires d’escroquerie, de cybercriminalité et de vols aggravés, quoique leur nombre reste limité grâce au travail de prévention et de proximité mené sur la voie publique. De ce fait, le côté répressif devient secondaire. Néanmoins, les taux faibles de criminalité que nous enregistrons concordent parfaitement avec la stratégie ambitieuse de la DGSN qui s’étale sur la période 2022-2026. Et parmi les objectifs, figure l’atteinte d’un niveau élevé de répression de l’infraction.
Il est indéniable que le crime évolue plus rapidement que les lois. Quel est le mécanisme instauré par vos services, en matière de formation, pour mieux appréhender la criminalité?
Il est indubitable que la formation continue de constituer un mécanisme qui a prouvé son efficacité en matière de développement des compétences du policier et son acquisition de savoir-faire. Cette formation concerne aussi bien le volet théorique que pratique. Pour ce qui est de la formation théorique, le fonctionnaire de police, en sa qualité de personne chargée de l’application de la loi, doit être en mesure d’assimiler les textes régissant son domaine de compétence, et ce, loin de tout dépassement ou excès de zèle. Des cours sont régulièrement dispensés en matière de préservation des droits de l’Homme. Il y a aussi la lutte contre toutes sortes de violences contre les femmes et les enfants en situation difficile. Des cours sont également dispensés dans le domaine des techniques d’enquêtes en matière pénale et scènes de crime. En effet, la criminalité devient de plus en plus complexe à l’instar de la criminalité cybernétique, ce qui exige du fonctionnaire des connaissances spécifiques et adaptées. Il s’agit d’un programme quotidien déployé tout au long de l’année. D’ailleurs, il y a un service au niveau central dédié au suivi des entités déconcentrées relatif à la formation continue. Et pour ce qui est de la formation pratique, elle concerne, entre autres, l’usage des outils mis à la disposition de nos fonctionnaires tels que les caméras embarquées et les moyens de communication modernes. Des sessions de formation concernent le maniement des armes et les règles juridiques régissant le recours à ces outils.
Quelles sont les principales contraintes que rencontrent vos services ?
Pour ce qui est des contraintes liées aux ressources humaines et logistiques, la DGSN a fourni de grands efforts parmi lesquels on peut citer la modernisation des locaux abritant les services de police afin de fournir un cadre adéquat pour accomplir les tâches qui leur incombent. Dans le même sillage, d’autres entités policières ont été créées, telle que la brigade anti-gang, dont la mission consiste à endiguer la criminalité violente. Signalons aussi l’apport de la brigade de renseignement criminel et d’appui aux enquêtes (BRCAT), qui est investie d’une mission d’analyse des données criminelles. Et comme la ville ne compte pas de crimes aggravés, la brigade reste au chevet de la police judiciaire. La DGSN a également procédé à l’installation d’une application informatique pour la gestion des police secours (PS) et des appels émanant des citoyens via la ligne 19, et ce pour garantir la traçabilité et la célérité des interventions. Les conditions d’accueil ne sont pas en reste. Des efforts ont été consentis pour améliorer les conditions d’accueil dans les locaux de la police. Les fonctionnaires ont aussi été munis de caméras portées qui permettent d’enregistrer leurs interventions sur le terrain. Ainsi, en cas de contestation, nos services se réfèrent aux enregistrements. Toujours en matière de modernisation, la direction centrale s’est dotée du système GESTTAR pour la gestion des arrondissements de police. Ce dernier garantit une meilleure gestion informatique des plaintes des citoyens et des rapports de la permanence. Tels sont esquissés, à grands traits, un certain nombre de mécanismes permettant à nos effectifs d’accomplir dans les meilleures conditions leurs missions de protection des biens et des personnes.
Maryam Ouazani / Les Inspirations ÉCO