Digitalisation & dématérialisation : les nouveaux défis organisationnels des entreprises
Youssef Zerrari, Responsable SU Stratégie Marketing, Qualité et Innovation chez Société Générale Maroc.
État des lieux de l’adoption du digital dans nos entreprises. Quel est son poids ? Quel est le retour d’expérience de nos dirigeants en entreprise? Est-on assez mûr pour la transformation digitale au sein des entreprises marocaines ?
Si la peur d’être remplacé par une IA ou un robot nourrit des appréhensions pour les nouvelles technologies au sein des entreprises, plusieurs dirigeants réunis dans le cadre du Cercle des Éco rassurent. «Parfois on parle de robotique et on a une vision très futuriste, avec des petits robots qui se baladent. Non, tout le monde ne va pas être à la rue. Avec la transformation digitale, il y a certes des métiers qui vont disparaître, mais d’autres métiers sont en train de naître et d’autres se transforment», réagit Youssef Zerrari, responsable SU Stratégie, marketing, Qualité et Innovation chez Société Générale Maroc. En effet, il est courant d’entendre que «ceux qui ne sauront pas coder seront les analphabètes de demain». Eh bien, cela est avéré, dans la mesure où il faudra bien des ressources humaines pour développer les programmes. Il va donc falloir nous ouvrir à la transformation de nos métiers et nous adapter en ces temps de transition.
De plus en plus d’entreprises accompagnent et anticipent les nouvelles transformations des métiers
Exemple dans le secteur bancaire où les opérateurs commencent à créer leurs propres technologies. Pour ce faire, les ressources humaines aussi se transforment pour pouvoir accompagner ces technologies. «Chez nous, par exemple, depuis un certain moment nous avons lancé un programme de reskilling de nos collaborateurs parce qu’il y a aussi de nouveaux métiers qui se créent. Par exemple, dans le domaine de l’Agile, il y a des métiers, comme Product Owner, qui n’existaient pas dans les organisations bancaires, Scrum Master, etc.», explique Zerrari. Chez les opérateurs télécoms aussi, il y a aujourd’hui une nouvelle donne.
«Chez un opérateur télécoms, vous aviez historiquement des ingénieurs télécoms et des informaticiens. Aujourd’hui, cette séparation n’existe plus parce que beaucoup de tâches, qui étaient initialement de la technique pure et dure, deviennent du développement informatique, du software», explique Mehdi Lahlou, directeur technique et des systèmes d’information chez Inwi, pour qui tout l’enjeu de cette transformation digitale c’est justement de ne pas oublier l’humain derrière. «Il faut penser à accompagner nos employés dans les nouvelles transformations de leurs métiers, et anticiper ces transformations». Le dirigeant trouve également exagéré « de dire que les métiers vont disparaître. On n’en est pas encore là ». Cela dit, le dirigeant souligne que les opérateurs télécoms sont conscients que l’accès au digital est un «must have». De ce fait, beaucoup d’initiatives sont faites pour réduire la fracture numérique. «De nombreuses initiatives ont été menées de longue date.
Parmi les plus récentes qui nous touchent, il y a le développement du haut débit avec l’accès au plus grand nombre à la fibre optique. Nous participons au programme développé par le régulateur portant sur le développement de la couverture 4G dans des zones qui ne sont pas couvertes et des zones blanches». N’empêche qu’il reste encore beaucoup de choses à faire.
Des signaux positifs, mais …
Avec un ministère dédié au digital, un Nouveau modèle de développement (NMD) dont l’un des cinq leviers majeurs pour la régionalisation est la digitalisation et après plusieurs plans stratégiques dédié, les intervenants de ce Cercle des Éco, portant sur la digitalisation et la dématérialisation, affichent leur optimisme pour la mise en avant du digital. Cela dit, de gros chantiers attendent d’être développés, notamment la formation des talents, la formation continue, comment reconvertir des diplômés qui n’arrivent pas à trouver du travail dans le coding, etc. «Sur de tels sujets, nous travaillons avec des partenaires afin de réduire le taux de chômage», souligne Hicham Chiguer, président de l’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc (AUSIM).
Youssef Zerrari abonde dans le même sens : «Les signaux sont positifs. On voit qu’au niveau du gouvernement le digital est un vrai sujet qui a été concrétisé par des actions très fortes (parcours citoyen, les travaux faits par l’ADD, le service d’identification nationale…). On voit qu’il y a une dynamique.
Cependant, il ne faut pas oublier que ce sont des sujets complexes. Ce sont des transformations qui vont se faire sur la durée. Il va donc falloir être patient sur un certain nombre de choses». Idem pour la partie infrastructure sur laquelle les intervenants notent que de nombreux efforts ont été faits. L’enjeu étant que le Maroc puisse occuper la position qu’il mérite.
Les retardataires jouent leur survie
Il est indéniable que les acteurs économiques marocains veulent se digitaliser, sachant que la valeur ajoutée de l’usage de la technologie est bénéfique pour leur business. Comme le souligne Hicham Chiguer, président de l’Association des utilisateurs des systèmes d’information au Maroc (AUSIM), «l’adoption de la technologie permet à une entreprise, au moyen de la stratégie, des process et des outils, de pouvoir améliorer sa compétitivité, son développement et surtout devenir plus résiliente sur le marché. Aujourd’hui, le digital est devenu un des leviers majeurs de l’entreprise qui permet de pouvoir se différencier. A ce titre, ceux qui sont en retard jouent leur survie et sont obligés, à un moment donné, d’adopter les technologies et de se mettre en phase. Ceux qui sont en avance vont, quant à eux, avoir plus de parts de marché et donc avoir une adoption beaucoup plus facile par la suite sur tout ce qui est expérience client, fidélisation client, valeur ajoutée, etc.».
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO