Comment sauver l’artisanat au Maroc ? (VIDEO)
Le secteur de l’artisanat est aussi important que le secteur du tourisme en lui-même. Il en est même le catalyseur. C’est pour ce savoir-faire qu’une grande partie des touristes visitent le Maroc. La ministre du Tourisme, de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire, Fatim-Zahra Ammor, qui attache une importance particulière à cette industrie, veut en tirer le maximum de potentiel. L’invitée des ECO explique son approche et ses ambitions.
Les exportations des produits artisanaux ont connu une légère hausse, et ce, malgré la crise. Comment expliquez-vous cette petite performance et quels sont les leviers sur lesquels s’appuyer pour accélérer la cadence ?
Les exportations de l’artisanat ont effectivement augmenté mais les envois sont modestes au vu du potentiel dont dispose le Maroc. Sur un gisement de 90 MMDH, nous n’avons exporté qu’un milliard de DH en 2021. Si les exportations sont en hausse, nous devons faire plus d’efforts à ce niveau-là, bien que l’artisanat marocain demeure très réputé à l’étranger. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les touristes viennent au Maroc. Nous avons mené des études à ce propos et les résultats ont montré que les gens viennent dans le royaume sachant qu’ils vont y trouver de bons produits qu’ils vont ramener chez eux. C’est un bon catalyseur. Il faut rappeler que l’artisanat a beaucoup souffert pendant la crise de Covid-19, notamment au moment de la fermeture des frontières. Or, les achats se font souvent de manière directe entre les artisans et les touristes.
Justement, comment tirer le maximum de ce potentiel ?
Aujourd’hui, nous travaillons sur la relance du secteur. Parmi nos priorités figurent, notamment, deux volets essentiels. Cela commence par la restructuration du secteur. Nous avons mis en place un certain nombre de décrets d’application qui permettent de catégoriser les artisans, de leur donner un vrai statut et de les inscrire au registre national de l’artisanat. C’est une demande récurrente du secteur qui constitue aujourd’hui un grand pas en avant. Désormais, les artisans peuvent s’inscrire au registre selon leur filière (ndlr: 172 métiers ont été répertoriés). Cela leur permettra d’avoir un identifiant d’une part, pour s’inscrire à la CNSS, et, d’autre part, pour bénéficier des offres et aides que fournit l’État. Aujourd’hui, les aides ne sont accessibles qu’aux artisans qui sont inscrits au registre national de l’artisanat.
Pour nous, c’est aussi une manière de passer d’un secteur informel à un secteur formel. La deuxième priorité vise l’augmentation des ventes et l’amélioration de la qualité des produits artisanaux et compétitivité des artisans. Pour ce faire, nous travaillons sur des programmes à même d’améliorer toute la chaîne de valeur et l’accès aux matières premières, la production et la commercialisation sans oublier la digitalisation. Nous venons, d’ailleurs, de signer une convention avec les chambres et fédérations d’artisanat pour un accompagnement, non seulement dans les foires, mais aussi au niveau de la chaîne de valeur pour leur faciliter davantage l’accès aux matières premières, les aider à produire et à mieux vendre. Nous sommes d’ailleurs en train de créer des centres d’excellence, notamment, dans les filières phares devenues matures que sont la tapisserie et la poterie.
La valorisation du savoir-faire est un enjeu important pour l’artisanat et les artisans.
Où en est la tutelle ?
Le grand public ne le sait pas, mais nous formons 16.000 personnes par an au Maroc (ndlr: en formation continue). Nous comptons rapidement passer à 30.000. Il y a donc un énorme effort qui est fait actuellement pour permettre à beaucoup de jeunes non seulement d’avoir un travail, mais aussi de perpétuer la tradition artisanale marocaine au sein de la famille. Il faut savoir que l’artisanat est une composante fondamentale de la société marocaine. Le Maroc a 2,5 millions d’artisans.
Cela veut dire qu’une famille sur trois compte un artisan. C’est un secteur très employeur et nous en sommes conscients. C’est pour cette raison d’ailleurs que nous travaillons avec les chambres d’artisanat afin de perpétuer cette tradition pour la société marocaine et le tourisme national.
Vous insistez beaucoup sur la pertinence du registre national de l’artisanat. Concrètement, quelle est l’utilité de cet outil pour le secteur ?
La majeure partie des artisans travaillaient dans le secteur informel. C’est ce qui explique la mise en place du registre national de l’artisanat pour faire intégrer les artisans dans le secteur formel. Sans cela, nous n’aurions pas pu aider certains professionnels du secteur touristique au plus fort de la crise. D’où la nécessité d’encourager le maximum d’artisans à adhérer à la Caisse nationale de sécurité sociale. S’ils devaient avoir besoin d’aide, on aurait su comment faire pour les identifier et les assister. Aujourd’hui, nous sommes en train de structurer le secteur de l’artisanat pour qu’il devienne plus compétitif.
Nous travaillons également pour que les artisans du secteur aient un statut, une dignité et de la reconnaissance. C’est justement ce que nous faisons au niveau des centres d’excellence, en s’assurant que le produit Made in Morocco soit d’une meilleure qualité et qu’il puisse facilement s’exporter et se vendre dans les grandes enseignes comme les Galeries La Fayette. Nous sommes en train de travailler sur des plateformes électroniques pour pouvoir exporter nos produits, qu’ils soient faits dans de bonnes conditions, traçables, et irréprochables. Ce qui demande un travail en amont.