Majdouline Chafai El Alaoui: l’intégralité de « L’invité des ÉCO » (VIDEO)
Malgré les fortes perturbations qui secouent le monde de l’automobile, BMW Group s’en sort plutôt bien. Que ce soit à l’international ou au Maroc, la firme a réussi à contenir l’effet des crises consécutives que subit le secteur. Flexibilité d’approvisionnement, gestion minutieuse des stocks… ont été les maîtres mots qui lui ont permis de tirer son épingle du jeu.
À peine tentait-il de relever la tête, après une pandémie qui a fait vaciller l’économie mondiale, que le secteur de l’automobile se retrouve face à deux autres crises sans précédent. D’abord celle de la pénurie des microprocesseurs, composants ô combien essentiels pour les voitures de nos jours, puis le conflit russo-ukrainien qui secoue et perturbe, à la fois, la production et l’approvisionnement. L’Ukraine et la Russie sont, en effet, des producteurs importants pour l’industrie automobile. Il lui fournissent plusieurs équipements nécessaires à la production, notamment de câblage. «La Russie est aussi un grand producteur de gaz néon et de palladium, dont il assure près de 50% de la production mondiale», nous explique Majdouline Chafai El Alaoui, la directrice des marques BMW et Mini chez Smeia (importateur exclusif des marques au Maroc).
Intervenant dans le cadre du nouveau rendez-vous mensuel des Inspirations ÉCO, notre invitée rappelle d’emblée que les perturbations du marché automobile ne datent pas d’aujourd’hui. Elles remontent à 2020, depuis le déclenchement de la crise sanitaire. «C’est, en effet, un cycle inédit de changements que l’économie mondiale n’a jamais vécu auparavant», déplore-t-elle. Cela n’a évidemment pas épargné le secteur de l’automobile qui se trouve aujourd’hui «face à plusieurs perturbations» qu’il faudra surmonter.
Justement, pour Chafai El Alaoui, «la majorité des marques, qui arrivent à s’en sortir, ont démontré des capacités de flexibilité à travers des sourcing diversifiées. C’est le cas de BMW».
La firme a réussi à enregistrer une progression de 9% de ses ventes en 2021 avec 2,2 millions de véhicules produits dans un contexte de pénurie des semi-conducteurs. «Le challenge était de trouver des possibilités de sourcing et d’avoir une flexibilité au niveau du système de production pour pouvoir tirer son épingle du jeu. C’est ce que nous avons pu faire au sein de notre organisation», assure la représentante du top management de BMW et Mini.
Et contre toute attente, l’année a été positive pour la marque, au niveau local, avec de bonnes performances en termes de ventes dues à un effet de rattrapage. Il faut dire que, comme l’avance Chafai El Alaoui, le groupe qu’elle représente a fait partie de ceux qui ont «le mieux géré la crise des semi-conducteurs grâce à la flexibilité de ses chaînes de production, des contacts directs avec les producteurs, ainsi que la diversification de ses approvisionnements (hedging) en matières premières».
BMW a, pour rappel, signé un contrat de fourniture de cobalt avec la société minière marocaine Managem Group, en 2019. Le contrat, portant sur un volume de 100 millions d’euros, couvre un cinquième des besoins du groupe en cobalt pour la fabrication de batteries électriques sur cinq ans. La firme a également trouvé des solutions alternatives pour garder le même rythme en recherchant de nouveaux suppliers.
«La politique du groupe BMW est d’entamer des accords directs avec les fournisseurs de puces électroniques», souligne Chafai El Alaoui.
Dans cette conjoncture, le moins que l’on puisse dire, c’est que le management de BMW au Maroc a fait mieux que résister. En tirant au maximum sur ses stocks, l’importateur-distributeur a vu ses ventes dépasser ses prévisions. «En 2021, nous avons enregistré un total ventes de 3.397 sur la marque BMW, alors que nous n’en avions prévu que 2.700.», précise-t-elle. À cela s’ajoutent les 188 ventes de la marque Mini et les 380 motos de la marque Motorrad. Sauf que ces bonnes performances ont quelque peu été perturbées en début d’année.
«Pour 2022, nous nous retrouvons avec un stock faible et en même temps avec quelques perturbations au niveau de la production chez BMW, dues au contexte international, et ce, comme la majorité des marques européennes», soutient Chafai El Alaoui.
Il n’empêche que le groupe a maintenu ses prévisions pour 2022, malgré les difficultés d’approvisionnement. «Nous nous attendons, ainsi, à des arrivages au niveau local, plus conséquents que ceux du début de cette année», se projette la directrice de BMW Maroc qui annonce que le rythme de commandes est intensif.
«Aujourd’hui, pour une production qui va se faire dans deux mois, la commande devrait arriver au Maroc dans les trois ou quatre mois qui suivent, en fonction de la source d’importation», confie-t-elle. Et de détailler : «pour les usines européennes, c’est à peu près trois mois avant la commande stock. Pour les usines américaines, il faut en compter quatre !».
Cela justifie donc le fait que les commandes se fassent à flux tendu. «Nous ajustons en fonction de la situation des stocks, des tendances. Nous sommes toujours à l’écoute de ce qui se passe sur le marché et de notre clientèle. Ce sont des indicateurs très importants pour réussir nos commandes passées auprès du constructeur», explique l’Invitée des ÉCO. «C’est de cette façon que nous avons pu gérer les effets de la crise du Covid», ajoute-t-elle. Et si la marque a réussi à dépasser ses prévisions de ventes, c’est en grande partie grâce à ses «équipes de commandes» qui ont travaillé de façon exceptionnelle cette année. «Nos équipes, avec celles du constructeur, ont réussi à ajuster les commandes en fonction des demandes de notre clientèle», se réjouit-elle. Et d’ajouter : «vous savez, pour réussir, il faut bien acheter. Ceci ne repose pas uniquement sur le prix ; c’est aussi avoir le bon produit au bon moment, avoir le produit qui correspond à la demande, et surtout être réactif. Le dynamisme et la flexibilité sont les forces qu’un groupe automobile doit avoir ces temps-ci. La faculté d’adaptation est primordiale. C’est ce qui fait la différence tant au niveau national qu’international». L’inflation galopante est également un facteur qui va impacter ou qui impacte déjà le marché.
«Nous nous attendons à des hausses de prix des véhicules sur le marché national, même si cela dépendra de la stratégie de chaque marque et de chaque importateur», estime Chafai El Alaoui.
En attendant, elle constate une augmentation moyenne de 2% au niveau des prix pratiqués en 2021. Compte tenu du manque de visibilité, les opérateurs se préparent certainement à une hausse plus conséquente cette année. «Pour ce qui est de la politique de Smeia et de BMW, nous avons fait le maximum pour rester cohérents par rapport aux attentes des clients marocains. Nous ne nous précipitons pas pour opérer des hausses de prix, nous préférons rester cohérents», déclare la représentante de la marque BMW et Mini qui juge que si «la situation mondiale persiste, nous serons obligés de répercuter une partie de l’inflation sur les prix». Une chose est sûre, «nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour contenir au maximum cette inflation. Nous n’avons d’ailleurs pas augmenté nos prix dans les mêmes proportions que l’inflation». Elle assure que, pour certains modèles, tout a été fait pour maintenir les niveaux de prix intacts. La hausse de l’inflation, additionnée à un environnement perturbé, affecte les marges. «Il y a eu un impact apparent», conclut Chafai El Alaoui.
Flux tendus
Le marché automobile fait face à une nouvelle réalité, celle de travailler à flux tendu. Or, pour Majdouline Chafai El Alaoui, directrice des marques BMW et Mini chez Smeia, «le scénario optimal est d’avoir une autonomie de stocks localement. Celle-ci nous permet d’abord de répondre aux besoins des clients mais aussi de disposer d’une certaine marge de manœuvre et d’une élasticité de réponse par rapport à la demande. Si on a plus de demandes que prévu, on peut y répondre, car nous avons des stocks sur mesure».
Aujourd’hui, l’objectif de Smeia est de disposer de deux mois de stocks disponibles mais surtout de bien planifier les commandes. Mais en attendant, la crise en Ukraine, couplée à celle des semi-conducteurs rend la situation tendue, d’autant plus que la demande est supérieure à l’offre. «Nous essayons tout de même de rester plus proches de nos clients mais aussi du constructeur afin de négocier au maximum et de répondre au mieux à sa demande. Nous sommes parmi les marques qui répondent au mieux aujourd’hui, et correctement, à la demande de la clientèle», soutient-elle.
Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO