Maroc

Crise: ce que veulent les restaurateurs marocains

Longtemps exclus des filets de sauvetage sociaux, les restaurateurs se voient accorder la possibilité de faire bénéficier leurs salariés de l’aide forfaitaire mensuelle de 2.000 DH octroyée par le ministère du Tourisme. Si les opérateurs sont reconnaissants envers la tutelle, ils en veulent davantage.

Les mesures d’urgence dédiées au secteur touristique se généralisent et ont été reconduites récemment. La ministre du Tourisme, de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire, Fatima-Zahra Ammor, a annoncé la nouvelle, mardi, à l’issue d’une réunion de travail tenue avec le groupement des associations régionales des restaurants touristiques.

«C’est une bonne nouvelle pour nous, les restaurateurs, et nous tenons à remercier la ministre qui nous a chaleureusement accueillis», a réagi Ahmed Sentissi, président ARCVT Fès-Meknès pour qui une injustice vient d’être réparée.

Les restaurants touristiques, comme leur appellation officielle l’indique, se sont toujours considérés comme faisant partie intégrante de l’activité touristique, conformément aux lois 61-00 et 80-14. Mieux encore, selon eux, ils ont participé à toutes les opérations de solidarité nationale en offrant des milliers de repas et en participant au Fonds de solidarité nationale, conformément à l’initiative royale. Ils estiment, en conséquence, que le développement du tourisme passe inéluctablement par celui de ces deux pôles que sont l’animation et la restauration. En réalité, les opérateurs ont toujours mal vécu leur exclusion de cette aide qu’ils estiment largement mériter.

«Beaucoup d’entreprises ont mis la clé sous la porte, notamment les restaurateurs à clientèle internationale», rappelle notre interlocuteur.

Les établissements encore en activité peinent, aujourd’hui, à joindre les deux bouts à cause, principalement, des mesures restrictives imposées par le Covid-19. Et la liste en est longue : fermeture des frontières aériennes, confinement, réduction de la capacité d’accueil des établissements à 50%, etc. Toutes ces mesures n’ont pas manqué d’avoir des répercussions négatives sur l’activité du sous-secteur. Dès lors, l’aide de la tutelle aux restaurateurs représente une véritable aubaine pour le millier d’établissements classés au Maroc. Mais on a comme l’impression que les opérateurs en veulent davantage car l’indemnité ne s’adresse qu’aux employés et non aux chefs d’entreprises.

À ce propos, Ahmed Sentissi insiste sur la nécessité de la mise en place d’un «plan Mashall» pour soutenir les professionnels. «Il y a beaucoup d’opérateurs qui ont des dettes et qui doivent rembourser leurs crédits», poursuit-il. Mais ce n’est pas tout. Les restaurateurs n’arrivent plus à dormir à cause des impôts. «Nous sommes tenus de payer des impôts fixes, lesquels sont calculés sur la surface locative, alors que nous n’avons pas travaillé depuis deux ans», regrette Ahmed Sentissi.

Lors de sa réunion de travail avec les représentants du secteur sur la situation critique prévalant depuis la fermeture des frontières, Ammor a promis de soutenir les restaurateurs touristiques à ce sujet. En effet, un ensemble de mesures d’urgence ont été discutées, essentiellement sur les volets social, fiscal et bancaire. «Nous avons confiance en notre ministre et nous attendons de voir la suite», soutient Sentissi. La ministre a conclu cette rencontre en encourageant les opérateurs à travailler dans une approche collaborative avec le ministère pour améliorer le cadre légal régissant les restaurants classés.

Selon la tutelle, le chantier permettra aux restaurateurs de mieux répondre aux nouvelles attentes des touristes nationaux et internationaux. La reconduction et l’élargissement de cette aide forfaitaire viennent s’ajouter à une autre mesure d’importance, en l’occurrence la signature du contrat-programme, riche de 21 mesures. Sauf que ces mesures ont été déjà jugées, à la date de la signature du contrat, comme étant insuffisantes et obsolètes, au vu de la profondeur de la crise et de sa durée.

«Malgré la frugalité et la pauvreté du contrat-programme et surtout, faut-il le rappeler, sa conception qui considérait que la crise sanitaire ne durerait que 3 à 6 mois, nous n’avons pu activer qu’une seule mesure, l’indemnité forfaitaire», souligne Nidal Lahlou, vice-président de la Fédération nationale de l’industrie hôtelière (FNIH). Et, poursuit-il, cela a été fait avec beaucoup de difficultés avec, en plus, l’exclusion des restaurateurs et d’autres métiers du tourisme comme les transporteurs, les intérimaires, etc. Pour tout dire, soutient Nidal, la réactivation de l’indemnité forfaitaire au profit des salariés du tourisme, sera inapplicable et exclusive puisqu’ elle ne profitera qu’à un très faible nombre de salariés et ne pourra, en aucune manière, être considérée comme un soutien aux établissements touristiques. À cet égard, dit-il, plusieurs faillites ou fermetures d’établissements ont déjà été enregistrées et, à très brève échéance, leur nombre se multipliera.

Khadim Mbaye


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