Pass vaccinal : pourquoi la décision fait autant polémique
Profitant d’une relative accalmie, le Maroc a opté pour une riposte pour le moins virulente contre la Covid-19 en rendant obligatoire le pass vaccinal en vue d’un retour rapide à la vie normale. En vigueur depuis jeudi 21 octobre, cette nouvelle approche préventive du gouvernement s’appuierait sur des dispositions juridiques relatives à la gestion de l’état d’urgence sanitaire.
La mesure s’inscrit dans le cadre du renforcement du développement positif que connaît la campagne nationale de vaccination, tout en prenant en considération la baisse progressive du nombre d’infections par le coronavirus grâce aux mesures prises par les autorités publiques. Elle concerne l’autorisation des personnes à se déplacer entre les préfectures et les provinces, à travers les moyens de transport privés ou publics, à condition de présenter obligatoirement le «pass vaccinal». Cependant, si tous les responsables des secteurs public et privé se doivent de veiller à l’application saine de tout le dispositif, sous leur responsabilité juridique directe, le pass vaccinal suscite des débats parmi la population.
Mesure brutale, injuste, nécessaire…les avis sont partagés. N.M. est journaliste dans un quotidien de la place. Elle fait partie des jeunes Marocains pour qui le pass sanitaire est une nécessité et, de ce fait, elle en approuve la mise en place dans le souci de «préserver la santé de la population». «Je suis pour le pass vaccinal qui constitue un moyen de pression efficace devant pousser les gens à aller se faire vacciner. Il permettra, également, de limiter la circulation des personnes non encore vaccinées et la propagation de la Covid-19. Je pense aussi que c’est une étape importante devant aboutir à la levée des restrictions qui paralysent plusieurs secteurs d’activité», souligne notre consœur.
Z. A., qui considère la liberté de circulation comme étant «un droit constitutionnel», regrette cependant «la rapidité de cette prise de décision qui n’a pas laissé assez de temps aux citoyens d’avoir un recul suffisant sur leurs situations personnelles». «Je suis pour la préservation de la santé des gens mais je suis contre la façon avec laquelle cette décision a été prise», nuance Imane B.
La jeune Rabati voit dans le pass sanitaire un tour de passe-passe «gouvernemental» pour rendre obligatoire la vaccination. Ce qui est contraire au principe de la liberté individuelle des Marocains, s’indigne-t-elle. Zahra Mezgui abonde dans ce sens. Cette native de Salé, qui est totalement contre le pass vaccinal, craint que «ce dispositif ne restreigne les libertés» de la population. Plus inquiétant encore, à part se plaindre, personne ne peut rien faire d’autre. «(…) Nous ne pouvons rien faire, à part exécuter les ordres» qu’on nous donne, regrette la jeune dame, visiblement en colère. Si le pass vaccinal divise les Marocains, notamment la catégorie des jeunes, chez les professionnels de santé, le débat est moins agité.
La majorité des spécialistes approuve la mesure qui devrait permettre d’éviter une surcharge des hôpitaux avec des cas graves de Covid-19, comme le souligne le maestro des essais cliniques à Casablanca, le Pr Kamal Marhoum El Filali. Un des rares spécialistes marocains qui jouit de la confiance des National Institutes of Health (NIH), organismes fédéraux américains chargés de mener et de soutenir la recherche médicale. Le professeur en médecine, par ailleurs membre du comité de veille Covid-19 au Centre hospitalier universitaire Ibn Rochd, est d’avis que l’adoption des gestes de mesures barrières demeure encore très faible au Maroc. Dès lors, explique-t-il, le pass sanitaire devient une option obligée pour lutter efficacement contre la Covid-19. Il s’interroge, cependant, sur l’application de la mesure sur une certaine catégorie de la population, celle des personnes présentant des allergies graves aux vaccins. Or, semble-t-il, tout porte à croire que rien a été prévu pour cette catégorie. «Le devenir de ces personnes n’est pas clair», pointe le professionnel de santé pour qui il existe, néanmoins, quelques pistes.
«On dit que les personnes aux allergies légères peuvent aller voir des médecins et se faire vacciner», ajoute-t-il. Alors que le débat se poursuit, les fonctionnaires, les employés et les usagers des administrations sont également tenus de fournir le «pass vaccinal» pour accéder aux administrations publiques, semi-publiques et privées. Ainsi, il est nécessaire de présenter ce sésame pour accéder aux établissements hôteliers et touristiques, aux restaurants, aux cafés, aux espaces fermés, aux commerces, aux salles de sport et aux hammams. Tous les responsables concernés se doivent de veiller à l’application stricte de ces mesures. Quant aux autres mesures préventives déjà instaurées, elles restent en vigueur. Le gouvernement appelle les non-vaccinés à recevoir leurs deux doses de vaccin dans les plus brefs délais et les personnes vaccinées depuis plus de six mois à se faire inoculer la troisième dose en vue de renforcer leur immunité.
Kamal Marhoum El Filali, Membre du comité de veille Covid-19 au Centre hospitalier universitaire Ibn Rochd nous déclare: “En tant qu’infectiologue, je pense que même une cinquième dose n’est plus à exclure. À titre d’exemple, chaque année, on se vaccine contre la grippe, notamment chez les personnes à haut risque. On est peut-être en train de se diriger vers quelque chose qui ressemble à cela, d’autant plus que la troisième dose a été décidée après qu’on se soit rendu compte que, six mois après la vaccination, les anticorps produits par l’injection baissaient de manière à ne plus protéger les sujets vaccinés”.
Khadim Mbaye / (avec Les Inspirations ÉCO)