Paradis fiscaux : quelle place pour le Maroc ?
La prochaine liste des paradis fiscaux de l’Union européenne est attendue début d’octobre.
En 2019, le Maroc figurait sur l’annexe des pays auxquels Bruxelles avait accordé une période pour se mettre en conformité, en neutralisant les mesures considérées comme étant des distorsions de concurrence.
Le royaume a dû précipitamment réaménager le régime fiscal de Casablanca Finance City et le paquet d’incitations concédées aux entreprises implantées dans les zones d’accélération industrielles et la zone financière offshore de Tanger.
Figurer sur cette liste de «territoires non-coopératifs» dans la lutte contre l’évasion fiscale peut ternir l’image d’un pays, mais, plus concrètement, cela peut se traduire par la suspension de transferts financiers de l’Union européenne et l’arrêt de toute aide aux entreprises qui ont des activités dans ces territoires.
Plus individuellement, les membres de l’UE (dont France et Allemagne) appliquent leurs propres sanctions financières, suivant en cela la recommandation de la Commission aux États membres de ne pas accorder de soutien financier aux sociétés ayant des liens avec des pays figurant sur la liste européenne des juridictions fiscales non coopératives. Seulement, Bruxelles, qui s’érige en donneur de leçons, ne s’applique pas apparemment les mêmes exigences en abritant, parmi ses membres, quelques paradis fiscaux. C’est ce que révèle l’étude 2021 de Tax Justice Network, un réseau international de chercheurs (pour la plupart des libéraux) sur les pays et territoires qui favorisent le contournement de l’impôt.
Dans les dix premiers paradis fiscaux pointés par cette ONG, figurent en bonne place les Pays-Bas (4e rang) et le Luxembourg (5e position). Aux dix premières places de la grille de Tax Justice Network, qui compte 70 pays dans l’échantillon, on trouve Îles Vierges britanniques, Îles Caïmans, Bermudes (territoire britannique d’outre-mer), Pays-Bas, Suisse, Luxembourg, Hong-Kong, Jersey (dépendance de la Couronne britannique), Singapour et Émirats arabes unis. L’Irlande vient juste après à la 11e place. Entrés de manière spectaculaire dans ce top-ten des paradis fiscaux, les Émirats arabes unis.
Cela est tout sauf une surprise. D’ailleurs, le fisc marocain n’accepte pas la résidence fiscale déclarée par des personnes physiques contribuables au Maroc, dans ce pays. Les Émirats arabes unis sont devenus une véritable terre d’accueil des sièges, et pas que régionaux, de grandes multinationales qui jadis s’implantaient aux Pays-Bas, selon les auteurs de l’étude. Ce pays aurait réussi à détourner près de 218 milliards de dollars d’investissements directs étrangers par de grandes sociétés, des fonds en provenance des États-Unis et d’Afrique du Sud qui, habituellement, se dirigeaient vers la Chine.
Sur le continent africain, Maurice, quinzième, est la «mieux classée». CFC s’est longtemps inspiré de ce pays qui avait réussi à bâtir une place financière développée en activant le levier fiscal. Viennent loin derrière l’Afrique du Sud (45e rang), les Seychelles (49e), le Botswana (59e) et le Ghana (61e position).
Pour les auteurs du rapport, le Royaume-Uni -13e au classement- et son réseau (de territoires d’Outre-mer) peuvent être considérés comme des terres promises pour les entités ou personnes physiques qui cherchent à «optimiser» leur charge fiscale. Ils concentreraient 31% des risques d’évasion fiscale de grandes entreprises multinationales dans le monde. L’indice élaboré par le réseau Tax Justice Network classe le système fiscal et juridique de chaque pays suivant un «score de paradis fiscal» noté sur 100. Ce score est ensuite combiné au volume d’activité financière exercée dans le pays par les sociétés multinationales pour calculer le niveau de fraude fiscale transfrontalière facilitée par le pays.
Plusieurs pays européens intègrent pour la première fois le classement des paradis fiscaux élaboré par Tax Justice Network: Belgique (16e), France (18e), Espagne (22e), Allemagne (23e), Suède (26e), Italie (27e). La liste actuelle de l’UE des pays et territoires non coopératifs adoptée par le Conseil le 22 février 2021 comprend : Les Samoa américaines, Anguilla, Dominique (nouveau), les Fidji, Guam, les Palaos, le Panama, le Samoa, Trinité-et-Tobago, les Îles Vierges américaines, le Vanuatu et les Seychelles. Son actualisation est prévue le mois prochain. Elle ne comprend aucun des pays cités par l’étude de l’ONG Tax Justice Network.
Abashi Shamamba / (avec Les Inspirations ÉCO)