Maroc

Mais que se passe-t-il sur la plage d’Agadir ?

Les déchets des uns font le malheur des autres. Une description qui résume parfaitement l’état de la baie d’Agadir lors de chaque fort épisode pluvial. Alors que le niveau d’exposition de celle-ci est élevé selon le Plan territorial de lutte contre le réchauffement climatique (PTRC) de la Région Souss-Massa à cause, entre autres, de l’érosion du littoral, de la migration des flux de sables vers la corniche et de la multitude de sources de pollution, cette zone est également vulnérable face aux cinq cours d’eau qui la traversent.

Le plus important d’entre eux est Oued Souss, dont le bassin versant frôle 16.100 km2 pour une longueur de 190 km. Cet oued se déverse directement dans l’océan Atlantique, au Sud de la plage d’Agadir, au niveau de l’embouchure Oued Souss. Parmi ses principaux affluents figurent aussi d’autres vallées situés au niveau de la province de Taroudant, notamment Oued Issen, Oued Ouziwa, Oued Immerguen et Oued Arghene. Les autres oueds qui débouchent directement sur la plage d’Agadir sont Oued Lahouar, qui est doté d’un bassin d’une superficie de 36,3 km2, et un thalweg d’une longueur de 17,3 km. À cela s’ajoutent Oued Tennaout, dont le bassin s’étend sur 16,11 km2 avec un drain principal d’une longueur de 6,65 km, Oued Tildi, qui débouche sur la plage d’Agadir par un ouvrage hydraulique de double dalot et Oued Lghazoua, dont l’estuaire est situé au niveau du port d’Agadir et traverse la marina par un dalot enterré avec un cours d’une longueur de 7,88 km et un bassin versant de 12,2 km2.

1.800 tonnes de déchets déversées sur la baie d’Agadir
Bien que ces cinq oueds n’enregistrent pas d’écoulement tout au long de l’année, ils acheminent, en plus des crues et eaux pluviales, les déchets jetés dans ces cours d’eau. Une situation donnant souvent lieu à un désastre écologique sur la baie d’Agadir. Preuve en est avec les pluies qui s’étaient abattues en janvier dernier sur la capitale du Souss. Selon la commune urbaine, qui assure le nettoyage et la propreté de la plage, ces crues ont entraîné le déversement de plus de 1.800 tonnes de déchets sur la baie. Sur le terrain, force est de constater que le volume de ces déchets a atteint, selon la même source, l’équivalent de 3.392 m3.

Compte tenu de la présence de ces cinq cours d’eau qui débouchent directement sur la plage d’Agadir en majorité à ciel ouvert, des déchets en tous genres sont drainés par les crues et eaux pluviales. De ce fait, après chaque forte pluie, les ordures rejoignent tout d’abord l’Océan Atlantique à travers ces oueds avant qu’ils ne soient éparpillés par les courants marins sur les sept kilomètres de longueur de la côte d’Agadir. Résultat: en plus de la pollution de la baie, de la dégradation de son écosystème marin et de la détérioration de la qualité des eaux de baignade, l’évacuation des déchets vers la décharge de la ville induit un coût et une mobilisation périodique des équipes de la commune urbaine et ses engins.

Des montagnes de déchets collectées sur la plage
À l’instar du remodelage périodique de la plage d’Agadir après la migration des sables vers la corniche, les équipes de la commune urbaine se lancent dans une course contre la montre pour nettoyer la baie de cette énorme quantité de déchets. Durant plus de 15 jours d’affiliée, 100 à 120 agents de nettoyage ont été mobilisés et déployés du 8 au 23 janvier 2021 pour enlever les ordures, générées par les différentes activités anthropiques exercées à proximité de ces oueds. Tout le long de la plage, des déchets ont été entassés avant d’être enlevés par 5 à 7 camions mobilisés par jour. Au total, 424 trajets ont été effectués par ces véhicules, sans compter la mobilisation sur le terrain d’autres engins pour évacuer ces déchets. Les promeneurs, après ces périodes pluviales, s’interrogent une fois de plus sur l’origine des déchets qui échouent régulièrement sur la plage. Bien que la réponse à cette question paraisse évidente, elle dissimule une réalité plus complexe. Il s’agit de l’épineuse question des ordures jetées dans ces cours d’eau qui relèvent, sur le plan règlementaire, du domaine public hydraulique (DPH).

À qui la faute ?
En effet, ces cours d’eau relèvent du contrôle de l’Agence des bassins hydrauliques, notamment les agents de police des eaux, conformément à la loi 36-15 sur l’eau, alors que la gestion des déchets et leur collecte fait partie des compétences propres aux communes en vertu de la loi organique n°113-14 relative aux communes. Néanmoins, malgré cet arsenal juridique ainsi que la généralisation des plans directeurs de gestion des déchets ménagers et assimilés pour toutes les préfectures et provinces du royaume, conformément aux dispositions de la loi 28-00, de grandes quantités d’ordures échouent toujours sur la baie d’Agadir. La majorité des déchets perçus au niveau de la baie sont constitués de branches, de bouteilles et sacs en plastique, mais on y retrouve aussi du papier, du carton, des tissus et des emballages alimentaires. Outre la problématique des oueds, la baie continue d’être altérée par plusieurs sources de pollution qui dégradent la qualité de ses eaux de baignade, dont le réseau des eaux pluviales. Il s’agit essentiellement des émissaires pluviaux ou encore des émissaires de débordement des réseaux d’égouts.

Des écoulements en temps sec à la plage ?
À maintes reprises, les exutoires situés dans la zone Sud de la plage déversent des rejets en temps sec, c’est-à-dire en l’absence de pluie, dont l’origine et le débit sont inconnus, chose qui altère la qualité des eaux de baignade. Partant de ce constat, la destination Agadir n’a pas réussi, pour la troisième année consécutive, à labelliser sa plage «Pavillon bleu» à cause de la persistance des sources de pollution qui dégradent les eaux de baignade. Dans ce sens, plusieurs incidents de pollution (voir leseco.ma) ont été constatés ces trois dernières années. Il s’agit principalement du déversement d’eaux grises sur la plage d’Agadir, la détection d’une épaisse mousse blanche et des galettes solides de la même couleur au niveau du port de plaisance et de la plage, en plus de la découverte d’une nappe d’hydrocarbures au niveau de la partie centrale de la plage, outre le fait que la baie continue de subir les déversements industriels de la zone industrielle d’Anza. Bien que la zone de baignade d’Agadir soit située en milieu ouvert, ce qui favorise la circulation et le renouvellement des eaux, la vitesse et la direction du vent ont un effet direct sur le déplacement de ces polluants vers la plage en raison des effets de vents Nord-Ouest. Aussi, la plage d’Agadir peut pâtir des activités portuaires, notamment l’enceinte portuaire et le port de plaisance, en raison des bateaux que l’on y retrouve.

Yassine Saber


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