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Vaccin anti-covid, gestion de la crise… Khalid Ait Taleb dit tout (VIDEO)

Le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb défend bec et ongles les choix de son département en matière de gestion de la crise. Dans cette interview, il donne des éclaircissements sur la gestion des ressources humaines, le vaccin, le financement du système, le secteur privé… Sur le volet des marchés publics qui ont fait l’objet de plusieurs critiques, le responsable gouvernemental balaie toutes les accusations et se dit prêt, avec son équipe, à déposer une déclaration de patrimoine après la gestion de la crise. Propos recueillis par Jihane Gatioui 

Avant la recrudescence des cas, le gouvernement avait décidé de regrouper les patients Covid-19 dans deux structures médicales. Avez-vous été surpris par l’évolution de la situation épidémiologique au Maroc ?
Grâce aux orientations royales pendant la période initiale marquée par le confinement, le Maroc a mis en place plusieurs mesures qui ont permis de donner de bons résultats et d’engendrer des échos favorables à l’échelle internationale. La levée du confinement et des mesures restrictives, combinée à la mobilité, induit nécessairement l’augmentation du nombre des cas. Mais cette augmentation, précisons-le, a coïncidé avec l’Aïd Al Adha et les vacances estivales. Et ce, dans un contexte international marqué par l’accélération de la propagation du virus. Donc, ce n’était pas une surprise pour nous. La situation épidémiologique est gérée avec beaucoup de prudence au Maroc. Nous avons, en effet, pu limiter la propagation au niveau de certaines zones qui ont connu une flambée du nombre de cas (le Nord et le Centre). Aujourd’hui, on note le retour de la mobilité vers le centre économique du Maroc qu’est Casablanca. La situation épidémiologique à Casablanca, qui enregistre 40% des cas notifiés, a un impact sur la situation épidémiologique nationale qui connaît normalement une certaine hétérogénéité. Elle n’est pas identique à l’échelle territoriale.

Le système de santé national est-il capable de résister encore, face à l’évolution de la Covid-19 ?
Tout dépendra de l’ampleur que prendra cette pandémie. Au rythme actuel, le système de santé marocain est à même de contrôler la situation, malgré la pénurie en ressources humaines. En dépit de l’essoufflement du personnel médical, on arrive à maintenir le rythme à un certain niveau. Il ne faut pas qu’il y ait une flambée importante ou une deuxième vague qui est supposée entrer en ligne de compte à l’échelle internationale. Nous ne sommes pas dans cette configuration-là, nous assistons toujours à l’évolution de la première vague. La situation reste, certes inquiétante, mais elle est maîtrisée avec les moyens dont nous disposons pour le moment.

Les lits de réanimation sont suffisants par rapport au nombre de cas graves. Mais comment expliquez-vous le cas de Marrakech qui a connu une saturation au niveau de ses structures médicales ?
Il s’agit d’une fausse saturation car le problème résidait dans la régulation des malades. Le focus était sur un seul site, alors que la Covid-19 devait être gérée selon un circuit bien défini pour orienter le malade vers le lit dédié. À Marrakech, 243 lits sont dédiés à la réanimation. À cet égard, il y a lieu de souligner que le taux d’occupation des lits de réanimation dans cette ville est de 16% uniquement (44 malades), alors que la valeur d’alerte est de 65%. On est ainsi très loin de la saturation. Les nouveaux protocoles thérapeutiques, notamment la prise en charge à domicile des cas asymptomatiques, permettent d’alléger la pression sur les structures hospitalières.

Un collectif de médecins critique la gestion de la pandémie et appelle à mettre fin à la peur et à cohabiter avec le virus, au lieu de paralyser la vie économique et sociale. Qu’en pensez-vous ?
La situation épidémiologique a connu une évolution dans le temps. Il est facile de donner des points de vue a posteriori. Pour gérer la crise, il fallait prendre des mesures, alerter la population pour éviter le relâchement total et l’avertir de la nécessité de rester prudent face au virus, tout en essayant d’alléger les mesures pour assurer un équilibre sur le plan social et économique. On n’est pas à l’abri de la deuxième vague. Mais en même temps, il s’avère nécessaire de trouver un modus vivendi.

Une grande partie du personnel médical a été orientée vers la prise en charge des patients Covid-19 au détriment d’autres patients, notamment ceux qui souffrent de pathologies graves… Comment comptez-vous assurer l’équilibre entre les deux ?
Pendant la période du confinement, les malades non-Covid-19 avaient peur de se déplacer. Il faut dire aussi qu’ils avaient des difficultés d’accessibilité. Aujourd’hui, la situation a changé. On n’a jamais fermé les autres structures. Les malades souffrant de cancer, à titre d’exemple, continuent de suivre leur chimiothérapie. Certes, certains ont rencontré des difficultés, mais c’est limité. On n’a jamais arrêté l’activité non-Covid-19. On a diminué les activités non urgentes qui commencent à être reprogrammées. Il est important de préciser que, pendant cette période, on a connu moins d’accidents de la voie publique et moins d’agressions, qui étaient les principales causes qui encombraient les services d’urgence. C’est la raison pour laquelle on accorde plus d’attention aujourd’hui à tout ce qui est urgence et détresse respiratoire.

Le Maroc aura-t-il suffisamment de doses de vaccin au moment opportun ?
La question qui se pose actuellement au niveau international porte sur la pandémie et la grippe saisonnière. Il est recommandé d’élargir l’assiette de vaccination antigrippale pour que les symptômes de la maladie grippale ne se confondent pas avec ceux de la Covid-19 ; et pouvoir, ainsi, discerner entre les deux. C’est la raison pour laquelle, il faudra vacciner la population à risque. Cette opération va se dérouler à la mi-octobre, à l’échelle mondiale. S’agissant du vaccin, tous les pays l’attendent au vu de l’évolution de la pandémie à l’échelle planétaire. C’est en effet le grain d’espoir pour le retour à la normalité. Le Maroc cherche à se positionner. Il a participé à une étude multicentrique qui permettra le transfert d’expertise et de nous approvisionner en vaccin en temps opportun.

Le citoyen marocain n’a donc pas à s’inquiéter à ce niveau-là ?
On fait tout pour que le citoyen marocain soit parmi les premiers à en bénéficier.

Pourquoi le ministère de la Santé n’a-t-il reçu que deux milliards de dirhams du Fonds du coronavirus ? Ce montant est-il suffisant pour répondre aux besoins ?
Le Fonds Covid est dédié à tous les aspects liés aux répercussions de la pandémie. La santé a pu avoir 2 milliards de dirhams et une rallonge de 1 milliard de dirhams pour accompagner les besoins en matière d’équipement sanitaire et certaines activités de sous-traitance dans le cadre de la Covid-19. Le montant n’était pas suffisant. C’est pour cette raison qu’on nous a attribué cette rallonge.

Le Maroc est très loin des recommandations de l’OMS en la matière. Aura-t-on de bonnes surprises pour le secteur dans le projet de loi de Finances 2021 ?
Quand on dit de bonnes surprises, cela suppose que l’on pourra atteindre les normes et les indicateurs souhaités. Il faut plutôt préciser qu’une évolution favorable est en vue et que le nombre de postes va augmenter. Le budget sera rehaussé par rapport à l’évolution normale. Mais je pense que le système de santé marocain doit avoir un financement innovant. Dans le système actuel, beaucoup de choses restent à faire en matière d’économie d’échelle et de mutualisation pour rationaliser le système. On peut, par la suite, voir dans quelle mesure on peut injecter des ressources financières pour l’atteinte des effets escomptés. Le système de santé doit être un prestataire de service pour pouvoir demander une rétribution pour le service réalisé. Dans ce schéma, il faut favoriser la logique de performance et de rentabilité. Celle-ci génère bien sûr des dividendes et impacte positivement le développement du secteur. On va ainsi sortir de la logique qui consiste à renflouer les caisses sans résultats.

Le secteur privé est très critiqué pour plusieurs raisons, dont les tarifs pratiqués alors que c’est censé être un service social… Quelle place devra-t-il occuper dans le système de santé ?
C’est une question pertinente. Sa Majesté le Roi a insisté sur la nécessité de la généralisation de la couverture médicale. L’universalité et la généralisation de la couverture médicale vont permettre de répondre à cet aspect, puisque les deux secteurs, public et privé, vont être dans la complémentarité. Ils doivent répondre aux besoins de la carte sanitaire régionale. Il faut, dans ce cadre, développer les bases communicantes. C’est à ce moment-là qu’on pourra travailler ensemble avec une seule couverture médicale.

Quid du volet du contrôle pour éviter que les citoyens soient livrés à eux-mêmes face aux cliniques privées ?
Un effort devra se faire au niveau du contrôle pour éviter les dérapages et les abus qui existent. Avec la complémentarité escomptée, le problème devra être réglé. On a signé une convention avec la Fédération nationale de la santé qui s’inscrit dans la même logique et qui veut travailler avec le ministère pour le développement du système de la santé à l’échelle régionale et nationale. Nous devons opter pour un système de santé universel à l’ensemble des citoyens qui fait abstraction des mauvaises habitudes.

Pourquoi les marchés publics, passés par votre département dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, ont soulevé autant de critiques même s’ils se sont déroulés, comme vous le dites, conformément aux dispositions juridiques ?
Les parlementaires peuvent dire ce qu’ils veulent. Le malheur serait de ne pas disposer aujourd’hui d’infrastructures ou d’équipements à même de répondre aux besoins. Pendant la crise sanitaire, il fallait agir rapidement. Le recours au marché négocié s’imposait car les délais réglementaires ne sont pas conformes aux exigences de la gestion de la crise. Le recours à un marché de manière réglementaire nécessite des délais longs, au minimum quatre mois. Sans parler des délais de livraison des sociétés qui peuvent accuser du retard. Toute l’opération pourrait prendre six mois. Cette procédure n’aurait pas permis de répondre aux attentes de la gestion de la crise. C’est la raison pour laquelle on a recouru aux marchés négociés qui ont permis d’associer plusieurs fournisseurs. D’ailleurs, l’assiette des participations a été élargie à une trentaine de nouveaux fournisseurs. En même temps, les négociations en matière de prix, dans la conjoncture de crise, ont permis une économie de 20%.

L’audit est-il en cours ?
L’inspection générale des finances est en train d’auditer les dossiers. Nous sommes prêts à déclarer notre patrimoine après la gestion de la Covid-19 pour démontrer notre bonne volonté et notre bonne foi. Nous sommes mécontents de ce qui se passe. Alors que nous sommes toujours dans le cadre de la gestion de la crise, on est fustigé à droite et à gauche. Il est connu que les périodes de crise sont marquées par des surenchères, et il faut agir rapidement pour répondre aux besoins. A posteriori, on peut tout critiquer.

Quelle place devront occuper les marchés négociés dans le secteur ?
J’ai toujours dit que le règlement des marchés au niveau du système de santé n’est pas adapté aux besoins spécifiques du secteur. La bureaucratie administrative et les délais ne permettent pas de répondre aux besoins spécifiques. La spécificité du secteur nécessite des adaptations. Par exemple, on peut citer le cas des accidents de la voie publique qui sont la première cause de mortalité au Maroc. Quand on veut acheter du matériel ostéosynthèse ou d’appareillage pour les patients, il faut avoir plusieurs jeux pour permettre une mise en place d’une prothèse ou d’une orthèse. Si on opte pour un marché classique, on est obligé de s’inscrire entre un minimum et un maximum, et on doit prendre obligatoirement les articles en intégralité dans la fourchette requise. Alors qu’il serait intéressant d’opter pour les conventions qui permettent une certaine fongibilité entre les lignes et de ne payer que ce que le système a consommé et faire, par conséquent, une économie importante.

Le limogeage des cadres du ministère ainsi que le dossier des nominations suscitent un vif débat …
C’est une question qui a été amplifiée. Il s’agit seulement de 29 personnes qui ont été destituées sur un total de 59 personnes qui ont subi une certaine mobilité à leur demande. La destitution a été décidée sur la base d’un rapport de l’Inspection générale. Pour les autres, il s’agit de promotions et de départs vers des écoles d’enseignement, car ils voulaient une évolution de leur carrière professionnelle. S’agissant des postes de responsabilité au niveau de la direction générale, certains postes étaient vacants à mon arrivée. En raison de la crise sanitaire, les appels à candidature étaient en stand-by. Le secrétaire général a été choisi par un jury dans le cadre d’un appel à candidatures en février, mais c’est resté en stand-by.

Pour des calculs politiques ?
Je ne veux pas me lancer dans cette discussion. Le secrétaire général a passé avec brio cet appel à candidatures et a été sélectionné par un jury. On attend encore au niveau de la chefferie du gouvernement la décision de le confirmer dans les plus brefs délais.


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