Médecins du public: « Nous ne sommes pas des robots! »
Les médecins, infirmiers et aides-soignants affiliés aux syndicats UMT, CDT et FDT ne décolèrent après la décision de la tutelle de reporter les congés du personnel de santé. En manifestation sur tout le territoire national ce mardi 4 août, ils réclament des vacances.
Rassemblés ce 4 août à l’hôpital Moulay Rachid de Sidi Othmane (Casablanca) dans le cadre d’une manifestation nationale, une centaine de médecins et infirmiers ont troqué leurs blouses pour des pancartes sur lesquelles on peut lire ce slogan: «Le congé est un droit». Aucune autre formule ne saurait mieux exprimer la colère des blouses blanches, suite à la décision de la tutelle d’ordonner au personnel médical de reporter leurs vacances d’été. Rappelons brièvement les faits. Dans une circulaire datée du 3 août et adressée aux établissements médicaux placés sous la tutelle du ministère de la Santé, Khalid Ait Taleb annonce que, face à la situation épidémique actuelle, ainsi qu’à la recrudescence des cas de contamination à la Covid-19, l’ensemble des ressources humaines, médecins, infirmiers et infirmières, aides-soignant(e)s, pour ce ne citer que ceux-ci, sont appelés à reporter leur congé annuel. Et Khalid Ait Taleb n’a pas seulement gelé les congés de l’ensemble de ses fonctionnaires à compter de ce lundi, jusqu’à nouvel ordre. Le ministre de la Santé a également ordonné l’annulation des autorisations déjà octroyées et exigé que le personnel actuellement en congé reprenne du service dans un délai de 48 heures. Le gouvernement le sait bien: cette décision, imputée à l’évolution quelque peu inquiétante de la situation épidémique dans notre pays, ne plaira pas à tout le monde. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les mécontents sont nombreux. «Le personnel de santé est démoralisé et perturbé, et voilà qu’on nous interdit de prendre des vacances», indique Malika Gadabe, infirmière au service de chirurgie à l’Hôpital Moulay Rachid.
Pas de congé, pas d’indemnité
Mi-juillet, le décès d’un médecin généraliste à Marrakech, après avoir contracté la Covid-19, avait provoqué l’émoi de ses confrères qui ont pointé du doigt les responsables. Selon eux, les moyens de protection des cadres médicaux, en première ligne dans la lutte contre le coronavirus, sont très insuffisants. D’ailleurs ce n’était pas le premier décès d’un médecin lié au virus. Affiliés aux trois syndicats, l’Union marocaine du travail (UMT), la Confédération démocratique du travail (CDT) ou encore la Fédération démocratique du travail (FDT), les soldats de la santé ne veulent plus compter de victimes du coronavirus dans leurs rangs. «Nous avons besoin de nous reposer afin de nous préparer à une éventuelle deuxième vague», insiste Youssef Alout, technicien de radiologie, rappelant l’article 40 de la Constitution qui dispose que «Tout fonctionnaire qui exerce sa fonction a droit à un congé annuel payé. La durée du congé est fixée à 22 jours ouvrables par année pendant laquelle le fonctionnaire a exercé sa fonction, le premier congé n’étant accordé qu’après douze mois de service». Le spécialiste en investigation d’imagerie médicale dit travailler la boule au ventre. «Je vis avec des parents très vulnérables au coronavirus», explique-t-il, craignant une contamination fatale de sa famille à la Covid-19. «Malgré tout cela, j’ai travaillé pendant quatre mois aux côtés de personnes souffrant du coronavirus», poursuit-il, avant de conclure: «Nous ne sommes pas des robots». Pour l’heure, le personnel de santé du service public ne parle pas de mouvement de grève. De son côté, le ministère de la Santé n’a pas réagi à nos nombreuses sollicitations. Après tout, un médecin ne peut abandonner ses malades en cas de danger public, sauf sur ordre formel, écrit, des autorités qualifiées. Mieux, selon l’article 13 de la loi fondamentale, le fonctionnaire est «tenu en toutes circonstances de respecter et de faire respecter l’autorité de l’État». Sauf qu’au Maroc, le fait de ne pas bénéficier du congé annuel n’ouvre droit à aucune indemnité. Le personnel de santé est averti.
KHADIM MBAYE / Les Inspirations ÉCO