Avortement: ce qu’a vraiment proposé Chafik Chraibi au ministère
Suite à l’intervention royale concernant le débat sur l’avortement et à la demande du ministre de la santé, le professeur Chafik Chraibi avait remis un rapport au ministère concernant la procédure de mise en place d’une nouvelle loi. Ce document a été envoyé au Site info.
Dans son exposé, le professeur rappelle que les grossesses non désirées constituent un véritable drame social, sanitaire et économique pour notre pays et que leurs conséquences sont multiples: avortements clandestins avec leur cascade de complications: hémorragies, délabrements génitaux, infections, tétanos, intoxications, tentatives de suicide, expulsions du giron familial, crimes d’honneur, infanticide et abandon d’enfants… la liste est longue.
« Les articles 449 à 457 du code pénal marocain condamnent l’avorteur, l’avortée, la personne intermédiaire et condamnent aussi le délit d’intention, même si celui-ci n’a pas abouti », rappelle le professeur.
« Seul l’article 453 autorise l’avortement lorsque la vie ou la santé (terme restant vague) de la femme sont mis en jeu et ce, avec le consentement du mari et/ou du médecin chef préfectoral », précise le document qui a été donné au ministère de la Santé.
« Cette loi trop restrictive ne couvre en fait que 5 à 10% des situations réelles que vit la société », souligne Chafik Chraibi.
Le document passe ensuite au crible les propositions des commissions de la justice, des affaires islamiques et du CNDH: « Si nous ne retenons que les trois cas autorisés par ces trois commissions (viol, inceste et malformations fœtales) cela ne réglerait que 10% supplémentaires des situations réelles et le problème restera entier ».
Le professeur Chraibi suggère une proposition: « Le ministre de la santé, convaincu des risques et des conséquences des grossesses non désirées, pourrait alors convaincre son homologue de la justice des répercussions physiques, psychologiques et sociales des grossesses non désirées sur la santé. Ce dernier serait alors en charge de faire appliquer la loi selon les propositions du ministère de la santé. »
Ainsi, le cas d’une retardée mentale ou d’une mineure dont on a abusé, victime d’une grossesse non désirée, étant même consentante vue son incapacité mentale, devrait être assimilé à un viol et elle pourrait donc bénéficier d’une interruption de grossesse.
Le point le plus important permettant de régler le problème de manière globale est de « tenir compte du terme Santé tel qu’il est défini par l’OMS, c’est-à-dire un état de bien-être physique, psychique et social et non pas une simple absence de maladie ou d’infirmité », insiste le professeur.
Pour les malformations fœtales, il est nécessaire de faire intervenir les généticiens, les gynécologues spécialisés en médecine anténatale et les néonatologistes. Pour le viol et l’inceste, la procédure d’interruption de la grossesse devrait être rapide pour ne pas dépasser les délais prévus par la loi: « La victime devrait se présenter à l’hôpital provincial, subir un examen gynécologique pour l’obtention de deux avis et bénéficier de l’acte d’interruption. La procédure et l’enquête judiciaire, longues et fastidieuses pour la victime, devraient venir à posteriori. Le violeur devra être puni et s’il s’avérait que celle-ci a menti ou a falsifié la situation, elle-même sera punie ».
Toujours selon le rapport, les situations où la santé mentale ou sociale sont menacées (risque de dépression grave, de suicide, d’expulsion du foyer ou de crime d’honneur) devraient être identifiées par des avis de psychiatres, de psychologues et d’assistantes sociales.
Le rapport note enfin que le communiqué royal insiste sur la prévention, ce qui correspond à un volet capital. Elle devrait se faire par l’introduction dans les programmes de l’enseignement secondaire de cours d’éducation sexuelle et pour cela, il faudrait saisir le ministère de l’éducation nationale.