Justice des enfants: Abdennabaoui appelle à l’instauration de peines alternatives à la prison
Le Procureur général du Roi près la Cour de Cassation, président du Ministère public, Mohamed Abdennabaoui, a affirmé, ce mardi à Rabat, que la philosophie de la justice pour les enfants en contact avec la loi exige leur considération comme ayant besoin de protection.
S’exprimant lors d’une rencontre nationale sur « Alternatives au placement institutionnel des enfants en contact avec la loi », co-organisée par la Présidence du ministère public et la Fondation Mohamed VI Pour la réinsertion des détenus, Abdennabaoui a indiqué que les mécanismes de la justice devraient rechercher l’intérêt supérieur de tous les enfants en contact avec la loi, qu’ils soient victimes, en conflit avec la loi ou en situation difficile ou de négligence, afin de réaliser ce qu’on appelle une justice amie des enfants, dans laquelle les systèmes de justice interagissent avec les besoins des enfants.
Lors de cette rencontre organisée avec l’appui technique du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), le président du Ministère public a ajouté que ce système prévoit les moyens les plus efficaces d’adapter la procédure judiciaire aux circonstances particulières de l’enfant et à son intérêt supérieur, ce qui implique son maintien dans sa famille et dans un environnement protectionniste naturel et permet d’éviter son placement dans les centres de protection, de réforme ou de privation de liberté, considérant que chaque séparation du milieu familial expose l’enfant à de multiples préjudices et menace son avenir.
Il a également souligné que, dans certains cas, les circonstances font que l’enfant s’éloigne de sa famille pour des raisons pouvant avoir un lien avec la famille elle-même si elle n’était pas en mesure de défendre l’intérêt supérieur de ses enfants, ou lorsque la famille n’existait pas pour une raison quelconque, ce qui amène les autorités à rechercher des solutions alternatives amies de l’enfant et qui respecte sa vie privée dans le cadre de ce que l’on appelle la «justice réparatrice» ou le système de transfert extrajudiciaire.
Abdennabaoui a estimé que le placement institutionnel des enfants en contact avec la loi dans les établissements pénitentiaires est le dernier recours, soulignant qu’il est nécessaire d’examiner les différentes alternatives aux peines privatives de liberté, telles que les mesures de contrôle des mineurs délinquants, en attendant que le législateur fournisse d’autres mécanismes tel que le travail au profit de l’intérêt général.
Pour sa part, le Coordonnateur de la Fondation Mohammed VI pour la réinsertion des détenus, Abdelouahed Jamali Idrissi, a affirmé que les droits des enfants sont immédiats, intégrés et interdépendants et ne peuvent être réalisés dans un espace privatif de liberté, soulignant l’importance des mesures alternatives à la détention et la nécessité de débattre de la question de l’éducation dans un espace où tous les droits du mineur présenté devant la justice sont pris en compte, étant donné que le langage de la violence et de la cruauté fait que l’enfant s’en imprègne et l’épand dans la société quand il devient adulte.
Il a également indiqué que le législateur marocain s’est inspiré du système international de la justice des mineurs, qui s’oppose au principe de détention sauf en cas d’extrême urgence et pour la durée la plus courte possible, en mettant en exergue plusieurs solutions alternatives, notamment les rendre à leurs familles en pratiquant un système de liberté surveillée dite « préjudicielle ».
Cette rencontre a été également l’occasion de débattre de nouvelles solutions alternatives comme le travail pour l’intérêt général, la mise en œuvre effective d’un système d’amendes et d’autres approches qui laissent les mineurs proches de leurs familles, dans un environnement constructif et instructif, loin de la violence carcérale.
Pour sa part, l’ambassadeur de la Délégation de l’Union Européenne au Maroc, Claudia Wiedey, a insisté sur le maintien de la liberté des mineurs et ne procéder à la solution de détention qu’en dernier recours, en ajoutant que des solutions alternatives à la privation de liberté des mineurs, le droit au mineur d’être écouté et disposer d’une assistance juridique tout au long de la procédure sont des éléments importants pour garantir le respect de leurs droits et préserver l’intérêt supérieur des enfants en contact ou en conflit avec la loi.
« C’est dans ce cadre que s’inscrit la réforme du code pénal prévue au Maroc, qui envisage d’augmenter l’âge de responsabilité pénale, actuellement fixé à 12 ans, ainsi que le recours à des pratiques alternatives de détention », ce qui contribuera aux efforts fournis contre le surpeuplement des prisons au Maroc, a affirmé Weidey.
Pour sa part, Giovanna Barberis, représentante de l’UNICEF, a souligné que le Maroc, depuis sa ratification en 1993 de la Convention des droits de l’enfant, « ne cesse de s’investir pour honorer ses engagements vis-à-vis des enfants », faisant observer que « des progrès majeurs ont été enregistrés y compris dans le domaine de la justice pour enfants ».
Elle a en outre rappelé l’importance de la prévention et des interventions en amont des crimes et des délits, ainsi que la portée de la protection des droits des enfants à toutes les étapes du système de justice.
« La protection des enfants en conflit avec la loi et celle des enfants en situation difficile nécessitent une mobilisation intersectorielle permanente permettant, en toute complémentarité, de dédier des budgets institutionnels, des ressources humaines, des services et des outils de coordination entre les acteurs », a t-elle conclu.
A l’issue de cette rencontre de deux jours, qui coïncide avec le 30è anniversaire de la Convention des droits de l’enfant, les participants, juges et représentants d’institutions nationales et internationales, devront développer une feuille de route nationale pour promouvoir les alternatives aux placements institutionnels des enfants en conflit avec la loi ou en situation difficile, laquelle s’appuiera sur un engagement ferme des parties prenantes pour opérationnaliser ces alternatives.
M.D. (avec MAP)