Témoignages chocs: être lesbienne et Musulmane au Maroc
Au Maroc, on parle souvent des homosexuels, mais pratiquement jamais des lesbiennes… Sujet encore plus tabou ou davantage accepté ?
Le Site Info est allé à la rencontre de trois jeunes femmes qui témoignent des difficultés rencontrées dans la société marocaine. Parfois, leur orientation sexuelle est acceptée par leur entourage, mais la plupart du temps c’est un peu plus compliqué… Témoignages.
Texte et photos: Sham’s ©LeSiteinfo
Maya, 23 ans, vit à Casablanca. Elle est diplômée en marketing et communication.
– Quand et comment avez-vous découvert que vous étiez homosexuelle ?
– Depuis longtemps, je ressens une attirance inexpliquée et incompréhensible envers les femmes. Mais j’ai vraiment découvert que j’étais lesbienne le jour où j’ai rencontré la femme de ma vie et que j’ai enfin compris qu’il était effectivement possible de tomber amoureuse d’une personne du même sexe. C’est à ce moment-là que j’ai eu un flash-back de toutes les fois où j’avais ressenti quelque chose en voyant une femme, ce que je ne comprenais jamais… J’ai enfin su qui j’étais… Et le combat contre moi-même a commencé…
– Détestez-vous les hommes ?
– Pas du tout ! Je ne déteste pas les hommes ! Je n’éprouve juste aucune attirance envers eux.
– Etes-vous jugée par votre entourage sur votre homosexualité ?
– Sans aucun doute quoique je choisis bien à qui dire que je suis gay. Je suis entourée de personnes qui m’acceptent et m’apprécient en dépit de mon orientation sexuelle qui ne regarde que moi. Des personnes qui comprennent que cela n’a jamais été un choix, que c’est loin de l’être, et n’essaient jamais de me faire changer d’orientation.
– Est-ce difficile d’assumer votre homosexualité ?
– Oui ! En fait, c’est surtout difficile au début, quand tu commences à comprendre et à mieux te connaître. Difficile surtout dans notre contexte religieux, social et familial, où tant de personnes sont clairement contre l’homosexualité et la considère comme «contre-nature». Mais avec le temps et la compréhension de mes proches, je l’assume pleinement.
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– Avez-vous déjà rencontré des problèmes ?
– Certainement ! Mais je dirais que le plus grand problème que j’ai rencontré à ce jour, c’est la pression que ma famille exerce sur moi pour me marier. En effet, faisant partie d’une famille conservatrice et d’une société concentrée sur l’image qu’elle veut donner d’elle et sur des stéréotypes, je me vois dans une impasse. A votre avis, dois-je choisir ma vie au risque de perdre ma famille ? Ou leur faire plaisir, abandonner la femme de ma vie et me marier avec un inconnu, vivre dans un grand mensonge que moi seule devrais supporter, coucher et vivre chaque jour pour le restant de ma vie avec cet homme qui ne risque jamais de m’attirer ?
– Avez vous un message à transmettre ?
– Nous aimerions vivre dans une société qui accepte l’autre, ses différences. Nous voulons juste vivre comme toute autre personne qui a eu la chance d’être née hétéro. J’appelle ça de la chance car, avouons- le, c’est beaucoup plus facile de vivre au Maroc quand on est hétéro ! Acceptons-nous, aimons-nous, vivons en paix et surtout que chacun se mêle de ses affaires !
Sarah, 21ans, vit à Rabat. Elle est étudiante en cinéma.
– Quand et comment avez-vous découvert que vous étiez homosexuelle ?
– J’ai découvert mon attirance sexuelle à l’âge de 15 ans. Je sortais avec un camarade de classe depuis 8 mois. Pour être franche, je ne l’aimais pas, mais bon… c’était plutôt fun et je ne voulais pas être la seule sans petit ami, contrairement à mes amies. Cependant, sans savoir pourquoi j’étais plus attirée par les filles. Un soir, lors d’une fête organisée par une amie, j’ai fait la rencontre d’une lesbienne et ce fut une sorte de révélation pour moi. Elle fut ma première aventure (sourire).
– Détestez-vous les hommes ?
– J’ai plusieurs amis, mais je ne me vois pas vivre avec un homme.
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– Etes-vous jugé par votre entourage sur votre homosexualité ?
– Je me considère comme une personne très chanceuse, dans la mesure où au tout début, quand j’en ai parlé à mes parents et à mes amis, à ma grande surprise leur réaction a été la suivante: autant vivre cachée et heureuse que triste toute la vie ! Autrement dit, ils ont compris que c’était mon destin.
– Est-ce difficile d’assumer votre homosexualité ?
– Au début, oui ! C’était très difficile ! J’avais peur d’être rejetée par mon entourage ou d’être «maudite» comme on dit. Mais avec le temps, j’ai su comment me faire accepter et cela m’a permis de bien l’assumer, dans la discrétion, bien entendu.
– Avez-vous déjà rencontré des problèmes ?
– Je vis dans une société musulmane. Une société où les personnes comme moi ne sont pas acceptées. J’ai eu affaire à des homophobes qui m’attaquaient. J’ai même dû en venir aux mains…
– Avez-vous un message à transmettre ?
– Je voudrais juste que les gens arrêtent d’avoir des préjugés ! Je voudrais qu’ils sachent que nous, les homos, on n’a pas choisi ce que nous sommes ! A chacun sa vie, à chacun sa destinée !
Zineb, 23 ans, vit à Casablanca. Elle est responsable marketing.
– Quand et comment avez-vous découvert que vous étiez homosexuelle ?
– Je suis née homosexuelle.
– Détestez-vous les hommes ?
– Les hommes font partie intégrante de ma vie. Mon modèle dans la vie c’est mon père.
– Etes-vous jugée par votre entourage sur votre homosexualité ?
– Il arrive que je sois jugée par rapport à ça, mais le jugement des autres m’importe peu. De nos jours, que tu sois hétérosexuelle ou homosexuelle, tu seras jugée de toute façon !
– Est-ce difficile d’assumer votre homosexualité ?
– Il n’est pas difficile pour moi de l’assumer, mais plutôt de la vivre pleinement.
– Avez-vous déjà rencontré des problèmes ?
– Comme tous les homosexuels au Maroc, je pense. Oui, surtout pendant l’adolescence quand on ne sait pas vraiment gérer encore son homosexualité. C’est d’ailleurs la période la plus critique. J’ai eu tout le lycée contre moi quand les élèves ont découvert que j’avais des tendances homosexuelles. Mais je les ai affrontés et j’ai gagné leur respect.
– Avez-vous un message à transmettre ?
Mon message serait tout simplement : que chacun se mêle de sa vie ! Le monde irait tellement mieux !