La monarchie marocaine, vue par The Economist
Un article de l’hebdomadaire britannique The Economist intitulé « Les plus et les moins de la monarchie » propose une analyse de la situation politique au Maroc. En voici les grandes lignes.
Le 19 février 2011, Abouamar Tafnout, militant casablancais, a regardé un documentaire sur la guerre civile en Algérie. « On ne veut pas ça », pensait-il. Le lendemain, a eu lieu le mouvement du 20 février.
« Je craignais le pire pour le pays », déclare Abouamar à The Economist. Pour l’hebdomadaire, « la version marocaine du printemps arabe s’est finalement plutôt bien passée ».
« Cinq ans plus tard, le Maroc est stable, relativement libre et plus prospère. Quand ils comparent le royaume au reste de la région, les Marocains préfèrent ne rien bouleverser dans leur pays et parlent plutôt de progression… », peut-on lire.
Dans cet article, tout de même assez mitigé concernant la monarchie au Maroc, The Economist admet que « le roi est populaire ».
Pour les Britanniques, « la place qu’il a donné aux femmes au sein de la société et les efforts visant à lutter contre la pauvreté ont été salués. Une très grande majorité de Marocains pensent qu’il est un politicien hors pair et que la stabilité du pays lui revient ».
De plus, Mohammed VI a « capitalisé sur la stabilité du Maroc en le positionnant comme une plaque tournante pour les investisseurs européens, avec des allégements fiscaux et une bonne logistique pour attirer les entreprises ».
« La production automobile, dirigée par Renault, un grand producteur français, a plus que doublé depuis 2011. L’industrie aéronautique a également décollé », fait remarquer The Economist qui note que « le PIB a augmenté de 4,5% en 2015 ».
« Le gouvernement a également été intelligent », peut-on lire. « Une politique budgétaire plus stricte, y compris des réductions sur les subventions à l’énergie, ont aidé le Maroc à réduire son compte courant et les déficits. Une sécheresse peut ralentir la croissance cette année, mais les analystes sont optimistes ».
« Nous pensons que le Maroc pourrait enregistrer une croissance du PIB de 5 à 6% au cours des cinq à dix prochaines années », écrit Jason Tuvey de Capital Economics, un cabinet de conseil.
Bien que mitigé, l’auteur de l’article insiste sur le fait que « la monarchie fait certainement encore avancer les choses avec les grands projets, comme la plus grande centrale solaire du monde et 1500 km de lignes ferroviaires à grande vitesse ».
Et les pauvres ?
« Mais il ne faut pas se réjouir trop vite », prévient The Economist, «car le Marocain basique fait face à une bureaucratie étouffante. Le Maroc se classe en 88e position dans l’indice de perception de la corruption établi par Transparency International ».
Quant aux lignes de chemins de fer à grande vitesse qui devraient réduire considérablement le temps des voyages entre les grandes villes du Maroc, « certains se demandent si les milliards de dollars de leur coût ne pourraient pas être mieux utilisés pour aider les pauvres, étant donné que le Maroc est situé dans le tiers inférieur de l’indice du développement humain des Nations Unies », analyse l’hebdomadaire.
Après cela, The Economist soulève quelques questions : « Pourquoi une initiative visant à stimuler le tourisme, le plan Azur, n’a pas obtenu un grand succès ? L’élite politique ne semble pas s’en soucier. Les ministres n’apportent pas de réponses à ces questions, alors que la constitution révisée donne au gouvernement plus de pouvoir. Le Parti Justice et Développement (PJD), un groupe islamiste modéré, a remporté les élections en 2011, mais n’a pas mené de réformes démocratiques substantielles. Il fait face au défi du Parti Authenticité et Modernité pour les élections législatives prévues en octobre. »
Autres constats : « De nombreux Marocains sont mal outillés pour remettre en question le gouvernement. Plus d’un tiers de la population est illettrée. Environ 1500 Marocains ont rejoint Daesh en Irak et en Syrie. Des centaines d’autres sont en formation en Libye, ce qui fait craindre qu’ils puissent revenir afin d’attaquer le Maroc. La jeunesse dans les zones rurales pauvres est considérée comme particulièrement vulnérable au message des terroristes. Pour contrer cela, le roi a créé un nouvel institut de formation religieuse à Rabat pour promouvoir une vision modérée de l’islam », précise enfin The Economist.
Sara Lyoumi