La misère des producteurs d’or rouge au Maroc
Le safran est considéré comme l’une des épices les plus chères au monde dont le prix est estimé entre 12.000 dirhams et 100.000 dirhams le kilo et pourtant ses producteurs vivent dans une misère extrême, dans la région de Taliouine au sud du Maroc.
Avec une production de trois tonnes annuelles, le Maroc est le quatrième producteur mondial. Mais la multiplication des intermédiaires dilue la qualité du safran, souvent frelaté et le réduit à une qualité normale et non de premier choix.
C’est pour cela que le gouvernement a décidé de moderniser la filière : système d’irrigation et des apports techniques modernes ont permis d’augmenter le rendement. Les normes d’hygiène ont été également renforcées lors de l’émondage, l’opération qui consiste à extraire du pistil. La production valorisée a permis au safran marocain de retrouver un certain prestige.
Malgré tous ces points positifs, la situation des producteurs et des artisans est plus que critique. A Taliouine, le safran est une affaire de famille. Selon La Dépêche du Maroc, plusieurs familles nombreuses de la région se réveillent chaque matin pour effectuer la même routine. Afin d’obtenir un kilogramme de safran frais, il faut cueillir 140.000 fleurs, récupérer les stigmates rouges pourpres de chacune d’elles et enfin les sécher en un temps record.
Un travail dur, qui justifie le prix exorbitant de l’épice mais qui empêche les enfants de la région de bénéficier de l’éducation. Concrètement, un kilogramme de safran frais cueilli durant des heures au soleil ne pèse après l’étape du séchage que 200 grammes et ne représente qu’une infime partie de l’objectif de la journée.
Cette épice qui vaut de l’or est malheureusement aussi mal exploitée et n’est guère mise en valeur sur le marché international. Le ministère de l’agriculture, chapeauté par Aziz Akhennouch, n’envoie aux producteurs qu’une mince subvention qui ne profite qu’aux personnes proches des représentants du ministère et laisse libre court au clientélisme et au favoritisme entre producteurs.
Le Maroc est aussi connu pour sa fraude au niveau de la production de l’épice. En effet, 60% du safran trouvé dans les marchés n’est pas du safran pur à 100%. Quelques producteurs alourdissent l’épice avec des mélanges d’huiles et de la poudre de brique, d’autres préfèrent utiliser les stigmates d’autres fleurs comme le curcuma qui a la même couleur que le safran.
Dans le monde, le Maroc détient la quatrième position en tant que producteur de safran mais le premier qui reste indétrônable demeure le safran iranien qui représente 80% de la production mondiale, il est suivi du safran espagnol et enfin de l’indien. Quant au safran marocain, malgré sa position et les efforts fournis, il a toujours du mal à sortir des frontières.
Ghita Lamrani