Algérie: la contestation populaire prend de l’ampleur
L’Algérie vit ces dernières semaines au rythme des marches, des sit-in et des manifestations contre un cinquième mandat du chef de l’Etat sortant, Abdelaziz Bouteflika, perçu par la population comme l’abstraction de toute notion de citoyenneté et un défi à une société que l’on voulait contraindre à accepter le sort du régime.
Après le « vendredi de la colère », du 22 février, lors duquel des centaines de milliers d’Algériennes et d’Algériens, jeunes et moins jeunes, étaient sortis dans la rue pour dire au tenant du pouvoir leur rejet non seulement d’une autre « forfaiture », mais de tout le système politique en place, le pays retient à nouveau son souffle ce vendredi où de gigantesques marches sont prévues un peu partout en Algérie pour mettre en échec les » scénarii diaboliques des laudateurs du pouvoir ».
Au fil des jours, la contestation populaire prend de l’ampleur, se généralise et libère des territoires jusque-là soumis, surtout dans la capitale Alger, longtemps soumise à un « état de siège ». Une mobilisation spectaculaire de la population, notamment de la jeunesse, qui reflète indubitablement le désir de changement et de la démocratisation du pays.
Force est de constater que la grogne sociale n’est pas prête à s’estomper surtout avec l’obstination du pouvoir à maintenir le cap contre vents et marées et à assurer le passage en force de son candidat, au risque d’envenimer encore plus la situation dans le pays, en poussant les manifestants à la radicalisation, voire au pire.
Pour de nombreux observateurs, les centaines de milliers de citoyens qui ont réussi la prouesse de marcher pacifiquement à travers les différentes rues et villes du pays, voire même dans les universités, viennent en effet d’administrer une leçon magistrale à tous ceux qui en doutaient. Le peuple algérien, comme un seul homme, s’est levé pour dire halte à un énième affront qu’on veut lui faire subir.
Cette vague de manifestations pacifiques et historiques a libéré les consciences, brisé les barrières de la peur et du silence et mis du mouvement dans le statu quo. Elle est porteuse d’espoir puisqu’elle marque un tournant décisif dans l’évolution de la situation politique en Algérie où les citoyens ont exprimé sans ambiguïté leur ferme volonté de reprendre leur destin en main.
C’est que pour eux, la candidature de Bouteflika pour un 5e mandat a été la « provocation de trop », d’autant plus que rien ne peut justifier l’immobilisme politique mortifère dans lequel le pouvoir a enfermé ses citoyens depuis des décennies déjà, alors que les revendications démocratiques sont de plus en plus pressantes.
D’aucuns se demandent, en effet, qui peut croire que les populations déjà éprouvées par des années d’humiliation puissent accepter sans réagir un « affront d’une telle énormité ? ».
Mais face aux clameurs de la liberté provenant de la rue, les représentants du pouvoir continuent à déclarer que c’est l’urne qui va trancher, le 18 avril prochain, dépassant de la sorte le stade de l’autisme et affichant une totale irresponsabilité.
Feignant de ne pas entendre les revendications légitimes de la population, les tenants du pouvoir continuent à se montrer autistes à ce qui se passe dans la société et semblent maintenir leur agenda politique, celui de la « continuité » qu’ils ont toujours brandie pour tenter de durer. Cette dernière a d’ailleurs été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, en ce sens qu’elle a été ressentie par le commun des Algériens comme une atteinte à sa dignité.
Devant l’entêtement du système à faire perdurer le statu quo, plusieurs voix se sont élevées appelant à prendre part massivement aux protestations politiques et populaires pour l’arrêt de l’humiliation du peuple algérien et ses hommes. Les auteurs de l’appel saluent la conscience et la maturité de la jeunesse algérienne et de toutes les classes populaires dans sa réaction au contexte sensible que traverse le pays sur les plans politique, économique et social.
« Aujourd’hui, le peuple algérien a décidé de se réapproprier la rue comme espace de mobilisation, de contestation populaire et de revendication démocratique en s’opposant au système prédateur qui a mis le pays en faillite au profit d’une oligarchie mafieuse », dira à ce propos le Front des Forces Sociales (FFS), le plus vieux parti d’opposition en Algérie.
En effet, nombreux sont ceux qui estiment que les manifestations populaires dénonçant l’idée même d’un cinquième mandat sont un « vote » pour le rejet de toute reproduction ou maintien du régime en place. Dans ces conditions, maintenir la candidature de Bouteflika à la Présidentielle du 18 avril prochain, c’est courir incontestablement le risque de pousser le pays au chaos. Reste maintenant aux laudateurs du pouvoir de saisir le message du peuple.
Hamid AQERROUT