Benkirane prépare-t-il (déjà) son grand retour?
« La différence entre El Othmani et moi, c’est que lui travaille en silence tandis que je crie ». Bien sûr, c’est l’inénarrable Abdelilah Benkirane qui s’est exprimé ainsi en comparant sa façon de conduire les affaires, en tant que chef de gouvernement et secrétaire général du PJD, avec la méthode de son successeur.
A propos de Saâeddine El Othmani, l’hebdomadaire Al Ousboue Assahafi rappelle que certains médias ont qualifié de « morose » l’ambiance dans laquelle l’actuel chef de gouvernement a célébré le premier anniversaire de son investiture. Cela, malgré les efforts d’El Othmani de cautionner les slogans contre le « fassad » et de réitérer son loyalisme au gouvernement dirigé par le Parti de la Justice et du Développement. Professions de foi partagées par son prédécesseur, d’où la phrase de Benkirane sur l’art et la manière de chacun des deux « frères » dans la direction des affaires. Pourtant, lors d’une récente réunion de la Jeunesse du parti de la Lampe, à Tanger, l’on a remarqué qu’El Othmani a exprimé une certaine amertume vis-à-vis de Benkirane qui lui rend de moins en moins visite.
Et pour faire face aux dangers extérieurs, n’est-il pas nécessaire de consolider d’abord le front intérieur? Et pour ce faire, ne doit-on pas changer son fusil d’épaule? Plus clairement, mettre (ou remettre?) l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Et si ce « right man in the right place » n’était autre que Benkirane. Celui-ci, qui ne cesse ces derniers temps de claironner que ses relations avec le roi sont au beau fixe, s’est longuement entretenu avec Abderrahmane EL Youssoufi, lors des obsèques de Feu Ahmed Iraq, ancien ministre ittihadi. L’entretien de l’ex-chef de gouvernement et de l’ancien Premier ministre du gouvernement d’alternance a porté sur différents sujets d’actualité, dont ce vide politique pointé du doigt. Et El Youssoufi aurait comparé cette situation à un bateau en train de couler et qu’il faut sauver du naufrage. « Ou préfères-tu sauter par dessus bord? Dans ce cas, c’est une autre histoire », aurait-il dit à Benkirane.
De là à penser que l’ex-chef de gouvernement pourrait le redevenir, il n’y a qu’un pas qu’Al Ousboue Assassahi donne l’impression d’avoir franchi, alors que l’âge d’El Youssoufi ne peut plus lui permettre d’être à la tête de l’Exécutif. Cette éventualité est corroborée par certains « rapports top secrets » sur les gouvernements Benkirane I et II dont le bilan est estimé beaucoup plus positif que celui du gouvernement El Othmani. De même que le limogeage de Benkirane est jugé prématuré et le PJD ne cesse depuis, dans les coulisses comme ouvertement, de louer l’action gouvernementale et partisane de son ex-secrétaire général.
Alors un gouvernement Benkirane III à l’horizon 2021? « Ne voyez pas en moi un islamiste mais un homme politique (…). Vous dites qu’Akhannouch remportera la majorité lors des prochaines élections et je vous demande qui est cette cartomancienne qui a prédit ce résultat », a confié Benkirane, dans ses dérives habituelles, à un interlocuteur à qui il a rapporté sa conversation avec El Youssoufi.
Et de conclure que ni son parti, ni lui ne sont contre la monarchie: « Avez-vous oublié la marche que nous avions organisée contre le mouvement du 20 février et qui avait rassemblé 100 000 personnes? », a-t-il demandé.
Larbi Alaoui