Economie

Compétences vertes : réinventer l’éducation pour un avenir durable

Selon le rapport 2024 «Dynamiques du développement en Afrique» de l’OCDE, l’Afrique du Nord, forte d’abondantes ressources naturelles en énergies solaire et éolienne, pourrait devenir, d’ici 2050, la principale plateforme exportatrice d’hydrogène vert. Mais le développement massif des compétences techniques reste un prérequis incontournable. 

L’Afrique du Nord, avec en tête le Maroc, dispose d’atouts majeurs pour devenir un leader mondial des énergies renouvelables d’ici 2050. C’est ce que souligne le récent rapport de l’OCDE intitulé «Dynamiques du développement en Afrique 2024 : Compétences, emplois et productivité».

Ses importants gisements solaire et éolien, combinés à un effort soutenu pour développer les compétences requises, en font une plaque tournante prometteuse des énergies propres.

«La région dispose du plus grand potentiel du continent en matière d’énergies solaire et éolienne et pourrait devenir, d’ici 2050, le principal exportateur d’hydrogène vert, dont la valeur est projetée à 110 milliards USD par an», souligne le rapport de l’OCDE.

Les chiffres sont éloquents : l’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie et Égypte) bénéficie d’une irradiation solaire annuelle moyenne de 2.200 kWh/m2 et de vents moyens de 7 m/s. En utilisant seulement 1% de ses terres, sa production d’énergie solaire pourrait être multipliée par 12 pour atteindre 2.792 GW, et sa capacité éolienne suivre la même tendance avec 223 GW, soit 12 fois la production actuelle du continent. Le Maroc, pionnier de la transition verte, illustre ce potentiel.

Grâce à d’importants investissements publics et privés dans les énergies solaire et éolienne, le Royaume vise 52% d’énergie renouvelable dans son mix électrique d’ici 2030. Le géant solaire Noor, d’une capacité de 582 MW, le parc éolien de Tarfaya et bien d’autres réalisations en sont des exemples emblématiques.

«Le secteur des énergies renouvelables a le potentiel de créer 2,7 millions d’emplois en Afrique du Nord», selon l’OCDE.

Une opportunité économique majeure pour cette région qui affiche la productivité la plus élevée du continent, avec 42.000 USD par travailleur, mais où 73% de la main-d’œuvre reste dans l’informel.

Les lacunes dans le développement des compétences vertes freinent l’essor du secteur
Malgré d’indéniables atouts naturels et économiques, l’Afrique du Nord peine encore à constituer un vivier de compétences adapté aux besoins croissants des filières des énergies renouvelables. Comme le souligne le rapport, «cette inadéquation entre l’offre et la demande de compétences» trouve son origine dans plusieurs facteurs majeurs.

Premièrement, les stratégies nationales de développement des compétences manquent souvent d’envergure et de vision à long terme. Elles peinent à anticiper les besoins futurs et à aligner efficacement les programmes de formation sur la réalité du marché du travail.

Deuxièmement, le sous-investissement chronique dans des formations techniques et professionnelles de qualité constitue un frein considérable. «Le manque de financement pour des formations adaptées» entrave le déploiement à grande échelle de cursus spécialisés dans les filières vertes émergentes.

Troisièmement, la défaillance des systèmes d’information et d’orientation professionnelle nuit à la transparence et à la diffusion des opportunités dans ces nouveaux métiers. Les travailleurs, étudiants et demandeurs d’emploi peinent ainsi à identifier les réelles perspectives offertes par la transition énergétique.

Enfin, l’inadéquation persistante entre les compétences acquises et celles requises par les employeurs reste un défi de taille. Comme en témoignent les exemples tunisien et égyptien, de nombreux actifs occupent des emplois pour lesquels ils sont soit sur-qualifiés, soit sous-qualifiés. Face à ces multiples obstacles, le développement massif et ciblé des compétences vertes apparaît désormais comme un prérequis incontournable pour permettre à l’Afrique du Nord de concrétiser son immense potentiel dans les énergies renouvelables.

Les recommandations de l’OCDE
Face aux lacunes identifiées, l’OCDE formule une série de recommandations pragmatiques pour permettre à l’Afrique du Nord de se doter des compétences nécessaires à l’essor des filières des énergies renouvelables. Celles-ci s’articulent autour de trois grands axes prioritaires.

Tout d’abord, l’Organisation préconise «l’élaboration et la mise en place de stratégies nationales participatives et inclusives» en matière de développement des compétences. L’enjeu étant d’anticiper au mieux les futurs besoins en main-d’œuvre qualifiée et de concevoir des programmes de formation parfaitement alignés sur la demande réelle du marché du travail. Une approche «centrée sur les individus, intégrant l’approche genre et axée sur le développement local durable» devra guider l’élaboration de ces feuilles de route stratégiques.

Ensuite, l’OCDE insiste sur la nécessité d’«élargir l’offre de compétences» par un investissement plus massif et mieux ciblé. Cela passe notamment par un renforcement substantiel des budgets alloués à la recherche, au développement et aux centres d’excellence dans les filières vertes. Mais aussi par une refonte en profondeur des systèmes de formation professionnelle et technique, trop souvent délaissés, ainsi que par la généralisation des programmes de stages et d’alternance au sein des entreprises.

Enfin, dernière priorité d’action : la mise en place «d’un cadre institutionnel soutenu par des autorités compétentes et dotées en ressources» pour assurer la bonne gouvernance des indispensables alliances public-privé, aux niveaux national, régional et international. Seule une coopération renforcée entre tous les acteurs permettra de mobiliser les financements adéquats et d’harmoniser les efforts de développement des compétences à la hauteur des ambitions.

Mobilisation de toutes les compétences disponibles

Au Maroc comme ailleurs, les efforts doivent aussi porter sur la réduction des inégalités éducatives, notamment le fossé entre zones rurales et urbaines. La transition énergétique de l’Afrique du Nord dépendra ainsi de la mobilisation intelligente et inclusive de toutes les compétences disponibles.

«Une plus forte participation des femmes accélèrera le développement», rappelle l’OCDE, alors que leur taux d’activité reste faible dans la région, de 15% seulement en Égypte.

Les défis sont de taille, mais l’enjeu stratégique des énergies renouvelables pourrait bien permettre à l’Afrique du Nord de s’imposer au 21e siècle comme un leader mondial de la croissance verte, créatrice d’emplois et respectueuse de l’environnement. Un virage à ne pas manquer pour cette région au carrefour des marchés européens, africains et moyen-orientaux.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO

 


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