Economie

Adaptation climatique : repenser les analyses économiques pour une résilience durable

Trop longtemps, les investissements dans la résilience climatique ont été considérés comme des coûts improductifs, des dépenses contraignantes imposées par le changement climatique. Cette vision réductrice occulte les nombreux bénéfices, souvent invisibles au premier regard, que recèlent ces investissements. Zoom sur comment libérer le potentiel caché de vos investissements résilients. 

Pour faire face aux défis croissants du changement climatique, une approche économique renouvelée s’impose dans l’évaluation des projets d’adaptation. En effet, les méthodes traditionnelles d’analyse économique négligent souvent les bénéfices considérables que peuvent apporter des investissements bien conçus dans la résilience climatique.

«Les analyses économiques typiques ne prennent pas en compte les bénéfices découlant de l’évitement des pertes et dommages induits par le changement climatique, de la poursuite des services fournis par des infrastructures résilientes ou des avantages supplémentaires résultant du déploiement de solutions naturelles plutôt que d’infrastructures émettrices de carbone», souligne le récent document de travail du Fonds vert pour le climat (GCF) intitulé: «Climate-adapted project pipelines : How to financially incentivise well-designed climate projects».

Ainsi, les analyses économiques actuelles ne capturent pas le spectre complet des gains pour le développement social et économique apportés par des projets climatiques bien conçus. En négligeant les avantages de l’adaptation, elles sous-estiment considérablement la valeur réelle de tels investissements. Prenons l’exemple d’un projet visant à renforcer la résilience d’un système d’irrigation face à la sécheresse. Une analyse économique traditionnelle se concentrerait uniquement sur les coûts de construction et les revenus agricoles attendus. Cependant, elle ignorerait les bénéfices supplémentaires tels que la sécurité alimentaire accrue, la préservation des moyens de subsistance ruraux et l’évitement des coûts liés aux dommages causés par la sécheresse.

«Pour présenter les avantages des projets pour la société et l’environnement, les bénéfices doivent être évalués par rapport aux coûts existants. Un tel exercice de comparaison est effectué dans le cadre des analyses économiques de projets», explique le document.

Récompenser les projets bien structurés
En valorisant ces effets positifs, les projets bien structurés qui prennent en compte les bénéfices climatiques pourraient être récompensés financièrement par un capital moins coûteux, des conditions de financement favorables et des incitations fiscales. Cela encouragerait davantage les investissements privés, essentiels pour combler le déficit de financement de l’adaptation.

«Les investisseurs institutionnels privés peuvent être encouragés par des dispositifs de réduction des risques appropriés fournis par le secteur public dans le cas de pipelines de projets bien structurés et à fort impact», indique le document de travail du GCF.

En effet, la mobilisation des capitaux privés est cruciale pour répondre aux besoins massifs de financement de l’adaptation au changement climatique. Cependant, le secteur privé reste largement en retrait, rebuté par les risques perçus de ces investissements. Une meilleure valorisation des bénéfices climatiques et une approche intégrée par pipeline de projets peuvent changer la donne.

Premièrement, les projets d’adaptation qui démontrent clairement leurs avantages en termes d’évitement de pertes, de continuité des activités et de services, ainsi que de co-bénéfices environnementaux, sociaux et économiques, devraient pouvoir accéder à des capitaux moins coûteux. En effet, leur valeur économique plus élevée, reflétée par de meilleurs ratios économiques, justifie des taux d’intérêt et des primes de risque inférieurs de la part des prêteurs et investisseurs.

Deuxièmement, le regroupement des projets en pipelines intégrés et séquencés permet de réduire davantage les risques par rapport à des projets individuels. Cette approche systémique évite les défaillances en cascade et optimise les synergies entre les différents actifs. De tels pipelines bien conçus méritent dès lors des ratios de risque inférieurs de la part des investisseurs. C’est là qu’intervient le rôle clé du secteur public, en fournissant des mécanismes de partage des risques adaptés pour ces pipelines à fort impact.

Ces dispositifs peuvent prendre diverses formes : garanties de prêt, assurances contre les risques, facilités de financement mixte combinant fonds publics et privés, ou encore mécanismes de transfert des risques climatiques. Ils visent à atténuer les risques spécifiques perçus par les investisseurs privés, tout en préservant leurs rendements escomptés. Une telle combinaison d’incitations financières directes, de valorisation des bénéfices climatiques et de partage des risques par le secteur public est essentielle pour attirer les capitaux privés institutionnels à grande échelle vers le financement de l’adaptation. Cela permettrait de compléter les ressources publiques limitées et de répondre aux énormes besoins d’investissement dans la résilience climatique.

Des instruments innovants pour mobiliser les investissements privés

Les garanties publiques, les facilités de financement mixte et les assurances paramétriques contre les catastrophes naturelles constituent des instruments prometteurs pour attirer les capitaux privés dans le financement de l’adaptation au changement climatique. Les gouvernements et institutions multilatérales peuvent émettre des garanties de prêt pour couvrir une partie des risques de défaut de paiement des projets d’adaptation.

Ces garanties publiques permettent de réduire le risque de crédit perçu par les investisseurs privés, rendant ces projets plus attractifs pour le financement privé. Elles peuvent être particulièrement utiles pour les projets à fort impact mais à risque élevé, comme les infrastructures résilientes dans les pays les plus vulnérables. Les facilités de financement mixte combinent des fonds publics et privés dans une structure de financement unique.

En la matière, les fonds publics (subventions, prises de participation, etc.) peuvent être utilisés pour améliorer le profil de risque-rendement des projets d’adaptation. Cette approche de «risque partagé» permet de mobiliser davantage de capitaux privés tout en garantissant que les projets restent viables financièrement. Les assurances paramétriques constituent, elles aussi, une approche prometteuse pour transférer les risques liés aux catastrophes naturelles.

Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO


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