Economie

Aziz Daouda : “Il existe bien un business du sport en Afrique”

Sur le continent, la contribution du sport au PIB est estimée entre 0,5 à 1,5%. Un taux «en deçà de la réalité car il n’inclut pas la part de l’informel», selon Aziz Daouda, directeur technique et du développement de la Confédération africaine d’athlétisme (CAA). Il appelle à adopter des stratégies propres aux réalités africaines pour développer le business du sport qui, selon lui, existe bel et bien.

Peut-on dire qu’il existe un business du sport en Afrique ?
Effectivement il existe bien un business du sport en Afrique. La question serait peut-être : sommes-nous conscients qu’il y a un business existant et qu’il y a également un potentiel dont on n’est pas conscient ou qui n’est pas suffisamment exploré. Maintenant, il faut aussi s’entendre sur ce que nous entendons par sport. Est-ce que nous parlons du sport spectacle, c’est-à-dire du sport de haute performance ou est-ce que nous parlons de l’activité dans sa globalité.

Dans ce cas, comment se porte le business du sport dans le continent ?
Quand on parle de sport de haute performance, les choses sont claires parce que commensurables. Il est admis que le business en sport, ou communément appelé économie du sport, contribue au PIB et est comptabilisé en tant que tel. Le taux aujourd’hui est de l’ordre de 0,5 à 1,5%, mais ce taux est à mon humble avis bien en deçà de la réalité car il n’inclut pas la part de l’informel. Sachant que sur le continent, l’activité informelle est fortement développée. Il y a par exemple des contributions des Etats et entreprises en nature qui ne sont pas comptabilisées, comme par ailleurs les donations et autres provenant de mécènes. Les associations n’étant pas souvent obligées de faire des déclarations, il est difficile de faire la part de ces contributions, de même quand il s’agit de la part de salles de sports, souvent non déclarées, etc.

Donc l’activité physique en tant que telle est un élément à prendre en considération ?
Si on parle de l’activité physique dans sa globalité, là aussi, il est difficile de comptabiliser la part dans le PIB, sachant qu’il s’agit là notamment de prophylaxie en matière de santé physique et mentale. L’exercice physique est la première composante de tout système de santé. N’oublions pas ici d’attirer sur le fait que les résultats sportifs ont une grande influence sur le mental d’une nation qui peut être rapporté à la productivité des citoyens, et ont un impact sur l’image des pays à l’international. Ce qui améliore sans doute la perception du pays par les investisseurs et les touristes notamment. Et cela, il est quasiment impossible d’en mesurer la portée. C’est palpable mais encore incommensurable pour l’instant.

Comment développer le business du sport en Afrique ?
Il faut aussi être conscient que comme dans pas mal de domaines pour ne pas dire comme dans tous les domaines, l’Afrique peut mieux faire. D’abord, il faut se départir des modèles occidentaux que pas mal de contrées essaient d’importer dans des tentatives vaines de copiage. L’Afrique a des spécificités multiples et ce sont ces spécificités, voire ces particularités, qui doivent présider aux choix des modèles à adopter. La démographie, les données économiques, les habitudes de consommation, les particularismes culturels, tous cela doit être pris en compte. Le meilleur des exemples possibles est la réussite de la lutte sénégalaise comme phénomène sportif générant une grande économie.

Au niveau de l’athlétisme, quel est le potentiel qui s’offre pour attirer les investisseurs ?
L’Afrique est le continent de l’athlétisme par excellence. Trois pays africains font en ce moment partie des 10 premiers au monde. L’Afrique détient plusieurs records du monde et est l’unique continent à avoir une activité quasiment toute l’année. Chaque jour que le Bon Dieu fait, il y a des athlètes africains qui remportent des courses partout dans le monde. Cependant, cet état de fait ne bénéficie pas forcément au continent. L’essentiel de l’activité génératrice de revenus se passe bien loin de l’Afrique. Le continent se trouve ainsi réduit à fournir de la matière première, sans récolter de grand bénéfice de son labeur. Si vous y rajoutez le nombre d’athlètes africains, nés et élevés en Afrique, qui vont concourir pour des pays hors du continent, vous vous rendez compte du niveau de la perte. Il ne faut pas penser tout de même que ce n’est pas par manque de volonté que les choses soient ainsi. Il faut les situer dans le contexte mondial, en rapport avec le système sportif mondial et ses règles…

Comment voyez-vous l’avenir du business du sport après le dernier Mondial au Qatar ?
Les Jeux olympiques, les différents championnats du monde et notamment la Coupe du monde de football sont une occasion pour prendre conscience de l’importance de l’activité physique et du sport. C’est à chaque fois l’occasion de se faire des promesses… des fois sans lendemain hélas. Le retour à la réalité fait remonter les autres priorités. Les pressions politiques diverses font reléguer «la priorité sportive». Il ne faut pas oublier qu’une partie de la sphère intellectuelle est déjà jalouse de ce qui est réservé aux sportifs comme honneur et comme argent… Alors le sport devient «l’opium des peuples» par exemple… Je pense tout de même qu’il faut rester optimiste et continuer à militer pour que l’activité physique et le sport se hissent aux premiers rangs des choix et priorités politiques partout sur le continent. C’est un domaine culturel et comme tout domaine culturel il faut que les Etats se l’accaparent dans les politiques publiques et en font une priorité.

Abdellah Benahmed / Les Inspirations ÉCO


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