Circularité textile au Maroc : transformer le défi en opportunité (VIDEO)
Le quotidien Les Inspirations ECO, du Groupe Horizon Press, en partenariat avec la Société financière internationale (IFC) et l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH), avec le soutien du gouvernement espagnol, organise une table ronde en deux panels.L’événement a été marqué par la présentation, en avant-première, de l’étude d’IFC: «Du linéaire au circulaire : perspectives pour l’industrie marocaine du textile».
Adopter une approche industrielle basée sur le développement durable et sur l’économie circulaire devient une priorité pour l’industrie textile dans le monde. Le Maroc doit inévitablement s’inscrire dans cette dynamique. La page du modèle de production linéaire, consistant à extraire d’importantes quantités de ressources non renouvelables pour confectionner des vêtements qui sont utilisés brièvement avant d’être mis au rebut, doit être tournée au regard des impératifs environnementaux. Il est ainsi nécessaire de passer d’un système extractif à un système régénérateur.
Afin de décortiquer les enjeux de cette transition incontournable pour l’industrie textile marocaine, une conférence-débat a été organisée le 12 mai 2023, en marge du salon Maroc in Mode (MIM), par le Groupe Horizon Press en partenariat avec la Société financière internationale (IFC), membre du Groupe de la Banque mondiale, et l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH). Autour du thème «La circularité dans le textile: de l’ambition à l’action», des experts nationaux et internationaux de haut niveau ont analysé les moyens par lesquels les acteurs locaux peuvent se préparer à cette nouvelle donne. Afin de planter le décor des débats, IFC a levé le voile en avant-première sur une étude intitulée «Du linéaire au circulaire : perspectives pour l’industrie marocaine du textile». Réalisée en partenariat avec l’Association marocaine du textile et de l’habillement et avec le soutien du gouvernement espagnol, cette étude présente un aperçu des tendances mondiales en termes de circularité dans le secteur textile et aborde les récents changements de la dynamique industrielle du textile en Europe. L’étude détaille, par ailleurs, l’impact de ces changements sur l’industrie marocaine, tout en proposant des solutions et des domaines d’action prioritaires pour les entreprises des filières du textile et de l’habillement au Maroc.
Lors de la présentation de l’étude, Eleonore Richardson, responsable des projets de conseil au secteur du textile au sein d’IFC à Rabat, a déclaré: «l’un des objectifs d’IFC au Maroc est de promouvoir la mise en place de modèles de production circulaire dans l’industrie du textile marocaine, en appuyant le développement de la filière de recyclage des chutes textiles post-industrielles, notamment dans la Région de Tanger». Et d’ajouter: «nous aspirons à jouer un rôle fédérateur et à promouvoir une étroite collaboration entre les différents acteurs. Relever le défi d’une transition vers un modèle de production circulaire permettra de soutenir la stratégie de décarbonation du Maroc et d’explorer de nouveaux marchés tels que ceux offerts par le Pacte vert de l’Union européenne».
Circularité, le défi de la compétitivité
Les participants ont tous convenu que le secteur du textile marocain ne peut se permettre de rater le train de la circularité. Prenant part au premier panel de la rencontre, intitulé «Du linéaire au circulaire, comment le textile-habillement marocain se prépare-t-il ?», Fatima-Zahra Alaoui, directrice générale de l’AMITH, insiste: «L’une des premières urgences pour le secteur textile marocain réside dans la mise à niveau. Ceci, dans l’objectif de se préparer et d’anticiper les réglementations qui seront mises en place aux fins de la circularité. Si le secteur n’est pas prêt, ces réglementations deviendront des barrières à l’entrée sur nos marchés traditionnels. L’industrie textile nationale est à 75% orientée à l’export, ce qui rend cette mise en conformité une nécessité pour assurer la
durabilité de l’industrie».
De son côté, Omar Cherkaoui, Directeur recherche & développement à l’École supérieure des industries du textile et de l’habillement (ESITH), met l’accent sur l’importance de la réorganisation du secteur. « Il y a toute une organisation en interne qui démarre à partir de l’amont, à travers un sourcing responsable pour aller ensuite vers la production. Ce processus intègre plusieurs phases, qui permettent d’optimiser la qualité du produit».
Si le Maroc parvient à s’aligner sur les critères de circularité et de durabilité, la Société financière internationale (IFC) estime qu’il pourra augmenter ses exportations vers l’Union européenne et sa part de ce marché à mesure que les acheteurs modifient leurs stratégies d’approvisionnement et que les marques recherchent une plus grande proximité entre fournisseurs et magasins. «Les balises sont déjà posées, le Royaume joue un rôle important et spécial au vu de sa proximité avec l’Europe. C’est un atout qui lui permet de gagner en puissance et de monter dans le train de la circularité», affirme Thomas Pellerin, responsable régional en charge de l’investissement chez IFC.
L’industrie marocaine du textile doit néanmoins s’attaquer à une série de contraintes, estiment les participants. Ceci commence par la promotion de la récupération des déchets postindustriels et de pré-consommation et l’établissement, au niveau local, des usines modernes de collecte et de recyclage capables de transformer les déchets en fils et en tissus, tout en recyclant les vêtements importés invendus. Il s’agit aussi pour le Royaume de bâtir localement une industrie moderne et durable, qui fournit des éléments amont comme le fil, le tissu, l’impression et la teinture, et qui assure la traçabilité pour les marques. Accroître les possibilités de collaboration avec des entreprises locales en amont de la chaîne de valeur aiderait également le Maroc à satisfaire aux règles d’origine de la zone pan-euro-méditerranéenne relatives à l’accès préférentiel à l’UE. Parmi les actions proposées, figure entre autres le recours aux différents outils de soutien et de financements disponibles pour appuyer la transition, le ciblage des filières textiles dans lesquelles le Royaume dispose d’un avantage comparatif, ou encore l’investissement plus soutenu dans l’innovation et la technologie.
De l’ambition à l’action
Le deuxième panel de la rencontre a, par ailleurs, traité de la thématique « Circularité, de l’ambition à l’action». Animé par Karla Magruder, fondatrice de l’ONG Accelerating Circularity, ce panel a connu la participation de Matthijs Crietee, Secrétaire général de l’international Apparel Federation (IFAA), Abdelkader Amoche, directeur commercial de Haelixa AG et Sohaib Affach, responsable de la plateforme de recyclage de Hallotex à
Tanger.
Les intervenants ont rappelé les bases de la circularité dans le textile et ont tous été d’accord sur le fait la réussite de la transition du linéaire au circulaire dans le secteur du textile dépend de la mise en place d’un système qui ne se limite pas simplement au recyclage. Sohaib Affach a rappelé qu’en matière d’infrastructures de recyclage, le Maroc a assuré une réelle avancée. Il a cité dans ce sens l’exemple de Hallotex à Tanger qui œuvre dans le recyclage des déchets textile pour son propre compte, mais aussi pour d’autres acteurs du marché. «Le recyclage des déchets textiles au Maroc n’est pas un rêve, c’est une réalité» confirme-t-il. Pour réussir la transition vers une complète circularité de l’écosystème du textile, Abdelkader Amoche affirme, pour sa part, qu’ «il est impératif de changer le mindset des producteurs de textile, des acheteurs, mais aussi des consommateurs. Pour y parvenir, assurer l’infrastructure est indispensable en termes de recyclage, mais pas seulement.
L’investissement doit aussi suivre, l’engagement et la transparence des acteurs, mais aussi les incitations. La réglementation a aussi un rôle à jouer dans ce sens pour mettre en place les bases de la circularité dans l’industrie textile». La circularité n’est pas seulement la relation entre le recycleur et la marque. Tous les moyens doivent être déployés afin que la circularité fonctionne à grande échelle. Matthijs Crietee explique pour sa part que «la collaboration est clairement l’une des clés de réussite de la transition vers la circularité dans le secteur textile. La relation entre clients et fournisseurs est importante dans ce sens. Ils doivent convenir de la façon d’atteindre leurs objectifs, de manière collective, au niveau industriel. Cette exigence est aussi valable au niveau international, à travers les gouvernements en ce qui concerne la réglementation».