Economie

RHN Maroc-Espagne: quels impacts économiques ?

Par LeSiteinfo avec MAP

L’économiste et spécialiste des politiques publiques, Abdelghani Youmni, analyse dans un entretien à la MAP, les impacts économiques de la 12ème Réunion de Haut Niveau (RHN) Maroc-Espagne tenue, jeudi dernier sous la présidence du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et du Président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez.

Quels impacts économiques aura la visite du Président du gouvernement espagnol ?

La frontière entre le Maroc et l’Espagne est l’une des plus courtes frontières internationales dans le monde. L’histoire des deux pays est vieille de plus de 10 siècles.

L’alliance humaine, sociale et économique a toujours existé. Aujourd’hui, elle change de génération pour s’inscrire dans le consensus pragmatique au présent pour bâtir l’avenir.

La vingtaine d’accords signés lors de la 12ème RHN Espagne-Maroc sont pour la plupart régalien et à portée multilatérales et continentales, tant elles ont pour vocation d’aborder la question migratoire par des mesures d’anticipation pour transformer la migration illégale en mobilité du travail de compétences et de main d’œuvre qualifiée marocaine, mais aussi venant de l’Afrique subsaharienne. Plus de la moitié des accords vont dans ce sens.

Il s’agit de repenser la question de l’immigration dans sa dimension démographique et accompagner le Maroc dans sa stratégie de devenir un incubateur du capital humain et d’un regard réaliste des phénomènes migratoires et de ce que doit la triangulation Afrique, Maroc, Union Européenne.

Pour ce qui est des impacts économiques de la visite du président du gouvernement espagnol, les échanges commerciaux et les implantations des entreprises espagnoles sont en nettes augmentation depuis l’année dernière déjà.

Le volume bilatéral des échanges a augmenté de 31 % en 2022 faisant du Maroc le principal partenaire commercial de l’Espagne, en dehors de l’UE après le Royaume-Uni et les États-Unis.

Les deux pays ont convenu de renouveler le Protocole Financier existant en doublant les ressources disponibles pour atteindre 800 millions d’euros. Comment cette mesure devrait-elle se répercuter sur l’économie marocaine ? en particulier dans l’actuelle conjoncture, marquée notamment par l’inflation

L’Espagne est le troisième investisseur au Maroc dans le domaine des énergies renouvelables, du dessalement de l’eau de mer, du transport ferroviaire, de l’éducation et de la culture.

L’augmentation de la ligne des crédits dans le cadre du Protocole Financier à 800 millions d’euros est clairement orientée vers le soutien des investissements espagnols au Maroc, sous forme de joint-ventures qui dans le cadre de formes de co-localisations créeront des emplois, de la valeur ajoutée et conduiront à accompagner l’industrialisation du Maroc et sa transition énergétique.

C’est aussi pour permettre à l’Espagne de percer dans l’obtention de futurs contrats au Maroc mais aussi en Afrique à travers la triangulation.

Il faut dire que les deux visions marocaine et espagnole envisagent un large espace de coopération, et la plus grande connectivité à travers le détroit est présentée comme un avantage évident pour les deux rives et pour un destin prospère, pacifié et serein du continent africain.

La superposition des crises mondiales et la fragilisation des équilibres géopolitiques mondiaux font l’Espagne et le Maroc ont besoin de construire une conscience stratégique qui rivalise les risques et dangers démographiques, du vieillissement, des changements climatiques et des troubles et intrusions qui secouent les rives sud et est de la méditerranée, l’Afrique toute entière et la guerre aux portes de l’union européenne.

C’est pour dire que l’inflation conjoncturelle ou structurelle n’est pas le réel carburant qui propulse les nouvelles synergies entre les deux royaumes, du Maroc et d’Espagne, c’est essentiellement l’histoire et la géographie des deux grands Etats-Nations.

Quid des investissements ? Dans le contexte de la récente adoption de la Nouvelle charte de l’investissement et aussi du fait que l’Espagne est troisième investisseur étranger au Maroc

Les échanges entre le Maroc et l’Espagne s’élevaient à 154 milliards de dirhams (MMDH) en 2021, avec 70,9 MMDH d’exportations marocaines et 83,1MMDH d’importations de l’Espagne.

L’Espagne est le premier fournisseur du Maroc pour des composantes dominées par les produits manufacturés et à moyen niveau de technologie.

La récente adoption de la Nouvelle charte de l’investissement et le Fonds Mohammed VI sont des principaux leviers pour les projets d’investissements nationaux et étrangers.

Ces dernières années, le Maroc a accru son absorption des investissements directs étrangers industriels et il est devenu une plaque tournante des chaînes de valeurs globales en Afrique et dans la région MENA, il est désormais classé deuxième et troisième.

Cette attraction est due à sa stabilité politique, aux faibles coûts de main-d’œuvre, à la situation géographique stratégique, aux exonérations fiscales et au renforcement des infrastructures qui relient les échanges commerciaux du Maroc avec l’Europe, permettant aux marchandises d’atteindre l’Espagne, la France et le Portugal en quelques heures, parfois même en quelques minutes.

L’analyse des données montrent la forte relation économique du Maroc avec l’Union européenne et l’Espagne.

Outre l’importance des infrastructures portuaires et routières dans l’attraction des investissements directs étrangers, il ressort que la politique de voisinage et l’impératif d’un processus de rattrapage dicté par le dividende démographique au sud de la méditerranée et en Afrique et du déficit en Europe devrait amener à construire de nouvelles modélisation dans la division du travail et dans la mobilité de la main d’œuvre, à cela s’ajoute l’urgence de la décarbonation et de la traçabilité des biens et services qui fera que la proximité géographique deviendra un avantage comparatif central pour les investissements directs étrangers (IDE).

Au final, le Maroc paraît disposé à construire les autoroutes du futur pour une prospérité partagée entre le Nord et le Sud, elle est indispensable pour réparer les plaies des inégalités face au développement dont l’Afrique a été victime tout le long de cette moitié de siècle des indépendances dans l’interdépendance.

Aujourd’hui, le temps presse et il change, la moyenne d’âge en Afrique est de 17 ans, 45 ans dans l’Union européenne. L’Espagne et le Maroc ont compris la nécessité d’une sortie de tunnel de l’Afrique, le décollage économique ou les famines et les migrations de masse.

S.L.


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