Hassan Sentissi : “La ZLECAF ouvre un nouveau front d’exportations pour le Maroc”
Hassan Sentissi
Président de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX)
Pour Hassan Sentissi, président de l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX), la ZLECAf, c’est tout simplement du pain bénit pour les économies africaines émergentes comme le Maroc. Dans cette interview, il liste les opportunités sectorielles de cet accord de libre-échange et appelle à sa ratification par le Maroc. Entretien.
En tant qu’exportateurs, selon-vous quels secteurs peuvent le mieux tirer profit de la ZLECAf ?
Tous les secteurs d’exportations du Maroc peuvent énormément tirer profit de la ZLECAf. Mais vraiment tous sans exception! 90% de nos secteurs d’exportations sont pris en compte et peuvent être exportés sur le continent sans droits de douane. Je pense donc que c’est du pain bénit pour les producteurs et les exportateurs marocains. Au-delà de ces 90% des secteurs éligibles par les dispositions de la ZLECAf, je rappelle que 6% le seront dans les 2 ou 3 prochaines années. Seulement 4% des produits ne seront pas exportables librement dans le cadre de cet accord continental, en raison de la nécessité de protéger les industries locales au niveau de chaque pays africain. Donc encore une fois, pour le Maroc, la ZLECAf est l’opportunité rêvée pour renforcer nos échanges avec nos partenaires et frères du continent. Et croyez-moi, les produits marocains sont appréciés sur le continent et la ZLECAf donnera donc un véritable coup de pouce à l’ensemble des secteurs exportateurs marocains. Et je le répète, à l’ensemble des secteurs exportateurs !
Mais, concrètement, en termes d’impacts sectoriels quelles sont les retombées attendues ?
Nous avons mené une étude sectorielle sur l’impact de la ZLECAf, en partenariat avec le ministère de l’Industrie et du commerce. Cette étude conforte ce que je viens de dire plus haut. Nous pouvons ainsi multiplier et considérablement renforcer et rehausser le niveau de nos échanges avec nos partenaires du continent. Les accords commerciaux conclus avec d’autres pays et nos partenaires européens ont par exemple plus ou moins facilité les exportations marocaines. Aujourd’hui, avec la ZLECAf, nous ouvrons un autre front, et dans lequel le Maroc est bien positionné, car notre pays dispose d’une industrie en émergence et parmi les mieux développées du continent. Nous sommes donc appelés à contribuer à l’essor des échanges intra-africains qui sont encore très faibles et ne dépassent même pas les 17% des échanges globaux du continent.
Mais le Maroc tarde à ratifier la ZLECAf, alors qu’une quarantaine de pays l’ont déjà fait et peuvent aujourd’hui bénéficier de ces dispositions ?
Il est vrai, nous attendons cette ratification. Mais je suis optimiste que cela se fera très bientôt. Avec la rentrée parlementaire, nous sommes confiants que cela ne saurait tarder. Au regard des opportunités que la ZLECAf offre à notre économie, il va sans dire que tôt ou tard, cela se fera si Dieu le veut. En tout cas, nous, exportateurs, et l’ensemble du tissu industriel du Maroc, nous sommes plus que déterminés à tirer pleinement profit de cet accord historique pour en faire bénéficier les retombées à notre économie et à notre pays. Le tout, dans un esprit de partenariat, de partage d’expertises et de savoir-faire avec le reste du continent. Car, il est grand temps que l’Afrique prenne son destin en main !
Il y a toujours la lancinante question des règles d’origine qui se pose. À ce niveau, quel type de solution voyez-vous ?
Il y a encore quelques réglages à faire à ce niveau, mais cela ne saurait empêcher la bonne marche du processus de ratification et de concrétisation de la ZLECAf. Quand on parle de règles d’origine, c’est bien évidemment pour protéger les industries africaines de l’invasion massive des produits étrangers. On sait pertinemment que la ZLECAf sera une opportunité pour certains pays de venir s’installer sur le continent et avoir plus de facilités pour faire pénétrer leurs produits partout dans les pays africains. Aujourd’hui avec les différentes restrictions et différences tarifaires, cela n’est pas forcément possible. Il est vrai qu’avec l’arrivée de ces multinationales, l’investissement peut être boosté, mais c’est à nous, pays africains, de bien réfléchir afin de ne pas fragiliser nos industries. Donc tout l’enjeu tourne autour de ces règles d’origine et je pense que les dispositions de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sont claires en ce qui concerne les règles d’origine. C’est-à-dire que 40% des produits doivent être fabriqués dans les pays africains en ce qui concerne la ZLECAf par exemple.
Comment se portent les exportations marocaines sur le continent ?
Nos exportations se portent bien. Nos partenaires africains ont compris que le Maroc est un partenaire fiable et engagé pour le développement du continent. Malgré l’instabilité sécuritaire constaté dans certains pays, nous sommes déterminés à poursuivre le rythme de nos échanges avec nos partenaires du continent. Dans ce cadre, nous nous réjouissons du lancement des travaux du Pont Rosso, à la frontière entre nos deux pays amis et frères que sont la Mauritanie et le Sénégal. Cette infrastructure va non seulement faciliter le flux des échanges commerciaux entre ces deux pays, mais aussi contribuer à fluidifier le transport des produits marocains dans toute la région ouest-africaine. C’est un bon signe et une très bonne nouvelle dont nous nous félicitons. Ailleurs dans le monde comme en Europe par exemple, ces types de barrières physiques sont contournées depuis longtemps. À nous de dépasser ces obstacles pour le service de nos pays et de nos populations.
Abdellah Ben Ahmed / Les Inspirations ÉCO