Le paiement électronique peut-il remplacer le cash ? (VIDEO)
Plusieurs défis ont été identifiés lors du webinaire organisé par Tijara 2020 et Portnet. L’occasion également de dévoiler l’ensemble des travaux en cours pour arriver à convaincre les petits commerçants encore réticents de s’adapter aux nouveaux modes de paiement.
Si les transactions électroniques se sont largement démocratisées dans les marchés émergents, elles marquent encore le pas sur le sol marocain. L’utilisation du cash résiste encore à l’évolution des usages et des process. Les canaux de paiement électroniques peinent à se généraliser dans le milieu des affaires, et ce, malgré la multitude d’avantages qu’ils représentent, que ce soit en termes de facilité des échanges, de sécurité des opérations ou de gain par rapport aux coûts et délais des transactions.
À l’ère de la digitalisation des process, la dématérialisation des modes de paiement constitue un véritable défi au Maroc. Une démarche qui ne peut être concrétisée qu’avec le concours des commerçants, un des maillons essentiels de l’économie. «Le secteur du commerce et de la distribution emploie 1,6 million de personnes et contribue à hauteur de 9% au PIB national», note Rachid Sarrakh, directeur du commerce et de la distribution au ministère de l’Industrie et de l’économie verte et numérique. Si le secteur constitue l’une des plus larges plateformes de promotion des nouveaux modes de paiement, il semble encore réticent aux paiements numériques, sachant que le paiement électronique commence à peine à trouver sa vitesse de croisière.
«Avant la Covid-19, le paiement en ligne représentait à peine 2 à 3% contre une prépondérance du paiement à la livraison», remarquait Larbi Alaoui Belrhiti, directeur général de Jumia.
Depuis le début de crise, le taux des paiements en ligne a explosé à 30%. Même son de cloche auprès de Mickael Naciri, directeur général du Centre monétique interbancaire (CMI). Celui-ci dit avoir noté une très forte demande auprès des commerçants qui souhaitent s’équiper afin de proposer les nouveaux modes de paiement, «que ce soit au niveau du commerce organisé ou de celui traditionnel». Rappelons que cette dernière catégorie, qui représente 85% du chiffre d’affaires global du secteur du commerce, reste la plus réticente au changement.
«Nous peinons à faire adopter ces nouveaux modes de paiement par ce type de commerçants», souligne Sarrakh.
Alors que la tendance est au mobile payment, le défi restera de convaincre ce type de commerçants qui affichent des craintes liées essentiellement à la traçabilité et à la fiscalité. Des appréhensions qui ne sont pas justifiées, selon l’ensemble des intervenants au webinaire, puisque les différentes autorités ont pu mettre en place un moratoire de cinq ans sur les revenus issus du m-wallet.
D’autres freins ont été identifiés, notamment ceux liés à la commission (à partir de 0,8%), cette dernière pouvant se révéler élevée pour certains commerçants. La commission comprend les frais d’interchange et des frais d’infrastructures technologiques par HPS SWITCH. «Nous travaillons avec la Banque centrale pour que les frais d’interchange soient les plus faibles possible», explique Naciri. Des travaux sont également en cours pour renégocier ces taux à la baisse et les corréler à la taille des commerçants et distributeurs. À cela s’ajoute une aversion au secteur bancaire, dont l’offre semble trop chère et peu adaptée aux petits commerçants.
Opération séduction
Conscient des nombreuses réticences, l’ensemble de l’écosystème des affaires s’est mobilisé pour convaincre ces commerçants. La Fédération des métiers de la distribution des produits de grande consommation, Tijara 2020, a d’ailleurs consacré une commission au paiement dématérialisé en vue de contribuer au développement du secteur. Cette commission «e-commerce» sera ainsi prise en charge par le directeur de Jumia. La fédération a également conclu une convention avec le CMI permettant l’accélération de la digitalisation des paiements au bénéfice des membres de la fédération et de leurs clients. La convention vise notamment l’équipement de la flotte de commerçants, et s’accompagnera de cycles de formation.
«Plusieurs interactions sont en cours avec le ministère de tutelle pour un projet de convention visant la mise en place d’un forum de formation au niveau des régions afin de sensibiliser les commerces de proximité à la dématérialisation des transactions commerciales», annonce Mohamed Wajih Sbihi, président de la fédération. De son côté, le ministère du Commerce assure que la thématique de la dématérialisation des modes de paiement est bel et bien présente dans son plan de relance 2021-2023. En plus du projet pilote du programme Tayssir, le ministère planche sur trois autres projets en lien avec la modernisation du secteur. À commencer par la mise en place d’un incubateur pour accompagner les startups dans le domaine du digital, la signature d’un pacte avec Maroc PME et les chambres de commerce en vue de favoriser la dématérialisation des petits commerçants. À cela s’ajoutent les travaux de généralisation du mobile payment en collaboration avec les différentes associations de commerçants, les chambres de commerce et la Banque centrale. Cette dernière assure de son côté participer activement à la construction d’un écosystème sain pour le développement du mobile payment en jetant les bases légales et réglementaires nécessaires.
Aida Lo