Paiement mobile: un décollage timide, mais des perspectives certaines
Depuis le coup d’envoi donné à l’activité du mobile payment au Maroc, une quinzaine d’établissements de paiement a été créée pour investir ce nouveau marché. Bank Al-Maghrib table d’ici 2024 sur un marché de 6 millions d’utilisateurs pour 1,3 MMDH de transactions, mais l’engouement ne semble pas encore suivre les ambitions tracées. L’interopérabilité n’étant pas encore effective, faute d’une homologation en switch, le développement de ce nouveau service se trouve freiné. Courant 2019, ce sont seulement 360.000 wallets qui ont été recensés. Pour certains analystes, cela reste un très bon début compte tenu des conditions actuelles.
Néanmoins, cette année 2020 est porteuse de perspectives prometteuses. Conscients des enjeux du paiement mobile en matière d’inclusion financière, les pouvoirs publics ont instauré, dans le cadre de la loi de Finances 2020, une disposition selon laquelle les contribuables vont bénéficier, au titre de l’impôt sur les sociétés, d’un abattement de 25% sur la base de laquelle est assis cet impôt réalisé par paiement mobile. Celle-ci correspond au nombre de transactions réalisées grâce à la performance mobile. Cette réduction vise à promouvoir le paiement via mobile et, par là, le nombre de transactions financières.
Entre-temps, les premiers chiffres annoncés par le premier opérateur télécom à avoir lancé son offre, à travers une filiale dédiée, sont très encourageants. Quatre mois après son lancement, Inwi revendique 140.000 utilisateurs «Inwi Money».
Il faudra donc attendre le déploiement de nouvelles offres avant de statuer. Certains experts estiment que l’évaluation du succès de la pénétration du mobile money au Maroc et de son impact socio-économique ne pourra être parlante que sur un horizon de trois années.
Il faut dire qu’en Asie et en Afrique, cet instrument a donné lieu à une véritable révolution, même si son développement s’opère à des rythmes différents selon les moyens déployés. La Chine a pris une bonne longueur d’avance et est déjà en passe de devenir une société où l’argent liquide a disparu. Si les pays d’Afrique de l’Ouest sont souvent cités comme des hauts lieux de l’innovation en matière de services financiers mobiles, le Nord et le Sud de l’Afrique, le Brésil et l’Asie du Sud-Est ont, eux aussi, très vite adopté les solutions mobiles, selon une étude du cabinet d’audit Mazars.
Au Maroc, ce nouveau service dispose de tous les atouts pour une transformation des usages financiers chez une grande partie de la population exclue jusque-là du système financier. Le service semble également être la solution pour la réduction de la circulation de l’argent liquide.
Plus de 400 MMDH de paiements en cash sont effectués annuellement. Les seuls paiements auprès des commerçants de proximité totalisent environ 290 MMDH annuellement, avec une moyenne par transaction d’à peu près 35 DH. Ceci étant, le cash en circulation coûte trop cher pour l’économie nationale. Son coût est estimé à 7 MMDH par an. Une manne qui pourrait être utilisée ailleurs, notamment pour la lutte contre l’informel. Ces flux représentent, en plus du manque à gagner pour les banques en termes de dépôts, un coût élevé au niveau de la gestion quotidienne.
La solution de paiement mobile pourrait donc remplacer progressivement les transactions effectuées par cash, d’autant plus que le Maroc présente un taux de pénétration du mobile très important. C’est dans ce sens que les banques, établissements de paiement et opérateurs télécoms espèrent capter une partie de ce flux.
Par ailleurs, les fintechs espèrent également se positionner sur cette nouvelle activité. Le paiement mobile intéresse ainsi de nombreux opérateurs issus de différents environnements, ce qui pourrait entraîner le chevauchement de nombreuses mesures entres les différentes factions.