Culture

Découvrez les photographies du monde arabe à Paris

Pendant deux mois, la capitale française va vivre à l’heure de la photographie du monde arabe. Pour sa seconde édition, la Biennale des photographes du monde arabe contemporain propose de découvrir des dizaines d’artistes, exposés dans huit lieux différents, dont l’Institut du Monde Arabe et la Maison européenne de la photographie.

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Par Olivier Rachet

De nombreux photographes marocains ont le vent en poupe. Aussi ne s’étonnera-t- on pas de retrouver à la Galerie Binome les expérimentations sur la lumière de Mustapha Azeroual ou à la Maison européenne de la photographie, deux des séries les plus connues du photographe marrakchi Hicham Benohoud. « The Hole »
et « Acrobatics » nous montreront ainsi les intérieurs marocains sous un œil à la fois facétieux et frondeur.

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Des intérieurs il sera aussi question dans une série réalisée entre 1996 et 2003 par le photographe français Daniel Aron, exposée à la Galerie Photo 12. « Intérieurs simples à Tanger » pratique à la fois l’art de la litote et de la métonymie : l’artiste porte son attention sur des espaces d’habitation précaires ou temporaires dans lesquels séjournent beaucoup de ceux qui rêvent de partance pour l’Europe.
Mais ces lieux sont comme inhabités, signes à la fois d’une vie errante et ouverte à tous les possibles. La Galerie Clémentine de la Féronnière montrera, de son côté, les clichés d’un passionné de Tanger : Marco Barbon. Intitulée « The Interzone », la série consacrée à la ville marocaine mettra l’accent sur l’importance du hors champ en photographie : quand une photo se réalise pleinement dans l’imagination même du spectateur qui la contemple !

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Photographier pour le présent

Rendre compte de la diversité de la production photographique du monde arabe en huit expositions relève de la gageure. Pourtant, des lignes de force se détachent plus ou moins. Si une plus grande attention est portée aux photographes algériens et tunisiens, moins connus que leurs confrères marocains, plusieurs des artistes mis en avant lors de cette Biennale ancrent leur travail dans le documentaire ou le photojournalisme. Tel est le cas du saoudien Moath Alofi qui dans une série intitulée « The last Tashahhud » s’intéresse aux mosquées abandonnées dans les environs de Médine ou du tunisien Zied Ben Romdhane qui mène un véritable travail d’investigation concernant la région minière de Gafsa, d’où l’on extrait du phosphate. Dans une série de clichés intitulée « West of life », dont l’humour n’est pas sans rappeler les premières séries en noir et blanc du marocain Hicham Benohoud, l’artiste manifeste son empathie à l’égard d’une population délaissée par le gouvernement, par opposition aux villes côtières.

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Du temps présent, il sera aussi question à la Mairie du 4 e arrondissement qui donnera carte blanche au photographe Michel Slomka. Depuis février 2016, celui-ci mène un travail documentaire de longue haleine sur la population Yézidi du nord de l’Irak, dans la région de Sinjar. Intitulée « Sinjar : Naissance des fantômes », cette exposition s’annonce comme un des moments forts de la Biennale.Des images de charnier côtoient la plus grande des détresses. Preuve s’il en est qu’il est bel et bien une éthique de photographe qui pallie les errements des puissants souvent indifférents au sort des réfugiés: « Je m’intéresse, précise l’artiste, aux séquelles psychologiques des personnes qui ont survécu au massacre et qui ont réussi à sortir du califat autoproclamé de l’État Islamique ».

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De la persistance de la guerre, il sera aussi question à l’Institut du Monde Arabe avec les photographies étonnantes du syrien JaberAl Azmeh. S’étant fait connaître en 2012 avec une série intitulée « Blessures » dans laquelle l’artiste flashait ses images avec un filtre rouge pour mieux faire ressortir l’irréalité même d’un conflit qui nepasse pas, le photographe exposera des clichés de « Borderlines » dans lesquels le temps semble comme être suspendu entre la violence et le chaos.

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Poétiser le monde

Le commissaire de la Biennale, Gabriel Bauret, met en avant la créativité et l’inventivité des artistes associés. « Il ressort de l’ensemble des œuvres figurant dans le cadre de cette Biennale une vision poétique, en comparaison de l’atmosphère tumultueuse qui règne aujourd’hui au sein du monde arabe, faite de conflits, d’inégalités, de violences, de migrations … La vocation des artistes n’est pas de témoigner de l’actualité immédiate et le projet qui sous- tend l’ensemble des expositions est d’abord de rassembler des regards de créateurs qui usent du temps et prennent du recul ».

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Ainsi en va-t- il des travaux de la marocaine Laïla Hida qui puise son inspiration aussi bien dans les natures mortes que dans les portraits de mode, de Jellel Gastelli qui s’inspire de son côté des écrits d’Abdelwahab Meddeb dans une série intitulée « Les Carnets de Marrakech et de Tanger », déjà exposée à l’Institut français de Tunis.

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Les images poétiques du franco-algérien Bruno Hadjih, qui a grandement fait connaître la mystique soufie, se focaliseront sur les espaces sahariens – vastes territoires propices à la rêverie et à l’imagination. L’exposition intitulée « Nous n’irons pas nous promener » ne relèvera pourtant pas d’une esthétique du chromo. Au contraire, l’artiste cherche à concilier souci documentaire et inventivité visuelle et sonore: « Le ciel est bleu, écrit ainsi le photographe, le paysage invite à la promenade. En rétrécissant les paupières face à cette lumière crue, un panneau nous apprend que cette zone est contaminée. La beauté de ces lieux est vénéneuse ».

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On mentionnera, pour finir, l’exposition « Ikbal / Arrivées », curatée par Bruno Boudjelal, à la Cité internationale des arts où la jeune photographie algérienne sera mise à l’honneur. Si de nombreux photographes européens restent fascinés par les pays arabes, la vitalité de la photographie contemporaine bat de tout son pouls, de l’autre côté de la Méditerranée, où les espoirs les plus fous flirtent avec les plus belles promesses de beauté.

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Deuxième Biennale des photographes du monde arabe contemporain, à Paris, du 13 septembre au 12 novembre 2017.

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