Magnifique hommage à Leïla Alaoui au Festival d’Avignon
La Fondation Lambert dédiée à l’art contemporain rend hommage à la photographe marocaine, disparue, en 2016, dans des circonstances tragiques. Intitulée « Je te pardonne », l’exposition revient sur le parcours d’une combattante.
Par Olivier Rachet
L’exposition proposée par la Fondation Lambert s’ouvre sur une lettre bouleversante que la sœur de la photographe, Yasmina, imagine que Leïla aurait pu adresser à son bourreau. « Je te pardonne » revient non seulement sur l’engagement d’une artiste au fait des conflits et des tragédies humaines de son temps mais permet de s’imaginer la voix de celle qui comprenait mieux ses bourreaux que ces derniers ne pouvaient le faire.
Ouagadougou, janvier 2016. La photographe est là, à l’invitation d’Amnesty International pour témoigner de la violence faite aux femmes, pour voir, presque en retrait, un monde de feu et de sang. Les souffrances qu’endure l’Afrique, elle les connaît. En témoigne sa vidéo « Crossings » qui retrace le parcours de candidats toujours malheureux à l’immigration clandestine. En témoignent ces clichés de la série « No pasara » consacrée à ses compatriotes marocains prêts à s’embarquer sur des radeaux de fortune pour traverser la Méditerranée.
Limites de la photo humaniste
Comment se fait-il pourtant que le décalage soit tel entre notre connaissance des malheurs de ce monde et une relative indifférence, notamment en Europe, face au sort de ces migrants et autres réfugiés ? Chacun des visiteurs d’une telle exposition – dont la vidéo « Crossings » avait été exposée ce printemps à la Villette lors de l’exposition « Afriques Capitales » – ne vit-il pas dans le confort d’un regard qui oublie les drames derrière la représentation esthétisante ? Le spectateur avide de s’acheter une conscience ira-t-il jusqu’à compatir avec le sort de ces enfants contemplant l’Europe tel un Eldorado à portée de main ? La photographie humaniste a sans doute ses limites. Le cliché sur lequel s’ouvre l’exposition montre des enfants désemparés derrière une vitre, déjà en train de disparaître de nos regards. Spectres d’un temps plus habile à célébrer les victimes qu’à leur venir en aide.
Portraits grandeur nature
Les portraits sur fond noir de Marocains anonymes, qui sont l’un des autres temps fort de l’exposition, sont sans doute plus convaincants. Gnaouas de la place Jemaa el-Fna de Marrakech, habitants de Chefchaouen ou de Tanger, jeunes et vieillards offrent leur visage buriné, marqué par un temps dont on perçoit affleurer parfois la détresse, souvent la dignité. Leïla Alaoui excelle lorsqu’elle se confronte à ses compatriotes qui donnent l’impression d’être des totems insubmersibles.
On ne peut qu’imaginer les directions qu’aurait pu prendre le travail d’une artiste habitée à la fois par une passion documentaire et la recherche d’une esthétique humaniste non dépourvue parfois de glamour.