Culture

Afrotopia: quels visages aura l’Afrique de demain ?

Dans un essai paru en 2016, Afrotopia, l’écrivain et économiste sénégalais, Felwine Sarr, s’interroge sur l’avenir du continent africain. Sa réflexion est des plus optimistes mais invite les Africains à réaliser les possibles qui s’offrent d’ores et déjà à eux.

Par Olivier Rachet

On sait, depuis que le prix Nobel d’économie a été attribué à Amartya Sen, que les modes d’évaluation du bien-être ne se réduisent pas aux critères mis au point par les organismes internationaux que sont la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International ou autres institutions occidentales ayant érigé le Produit Intérieur Brut en étalon de la richesse nationale.

Une autre façon de penser l’économie

On sait combien peuvent être aussi condescendantes ces distinctions entre pays développés et pays en voie de développement, quand ils ne restent pas sous-développés.

Felwine Sarr appelle de ses vœux, moins un contre-modèle économique, qu’une révolution dans la façon de concevoir la richesse économique et sociale d’un pays. Á la recherche du profit et au développement personnel des individus dont l’existence n’aurait pour cible que la satisfaction effrénée de ses désirs les plus superflus, l’auteur oppose la richesse d’une économie informelle à laquelle s’ajoute une économie de prestige, liée à des rituels ancestraux. Penser en termes de développement et de progrès relève, selon lui, d’un mythe prométhéen forgé par l’Occident, dont il pense qu’il est inopérant pour apprécier la dynamique des sociétés africaines.

Des sociétés à construire

Loin de vouloir opposer, de façon désormais stérile, la tradition à une modernité dont l’Occident a souvent vanté les mérites à un continent qu’il n’a cessé de spolier et de dénaturer, Felwine Sarr dessine les contours d’un monde dans lequel il s’agirait au contraire d’articuler les deux. L’avenir de l’Afrique est déjà en germes dans le monde d’aujourd’hui et l’utopie que l’auteur appelle de ses vœux ne sera que la concrétisation des possibles qui sont déjà sous nos yeux.

L’Afrique est encore un chantier en construction, certes, et à l’horizon de 2050, le continent englobera le quart de la population mondiale. Une population jeune, créative, dynamique à laquelle l’essayiste enjoint de faire preuve d’imagination et d’audace. En misant tout d’abord sur la culture et le développement de lieux de rencontres, d’échanges et de convivialité. En osant reconfigurer l’espace urbain, en tenant compte de l’épaisseur historique de la plupart des villes africaines. L’espace urbain africain – et l’on songe à la plupart des villes marocaines – est un palimpseste où se côtoient différentes temporalités et où s’écrit dans la pierre et la diversité des monuments la richesse d’une Histoire, certes chaotique et mouvementée, mais puissamment vivante.

Une utopie du présent

Se souvient-on que depuis la Renaissance européenne les utopies sont des lieux de nulle part où se cristallisent tous les idéaux d’une époque ? La pensée de Felwine Sarr fait mouche quand il réactualise ce mythe en l’ancrant dans une temporalité du présent, source de toutes les promesses. C’est en puisant à la source de ses spécificités culturelles et sociales que le continent africain deviendra, selon l’auteur, l’espace où il fera toujours mieux vivre à la fin du 21 e siècle.

Felwine Sarr, Afrotopia, éditions Philippe Rey


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