Présence Commune: une expo incontournable au musée d’art moderne de Rabat
Dans le cadre du programme L’Afrique en Capitale, le musée Mohammed VI de Rabat ouvre ses portes à deux artistes prodigieux: le photographe Wahib Chehata et le plasticien Kouka. Fruits d’une résidence d’artistes au Jardin Rouge de Marrakech, ces œuvres revisitent le passé du continent africain et l’histoire de la Renaissance.
Par Olivier Rachet
D’où a bien pu venir cette idée de faire dialoguer des œuvres, en apparence, si éloignées ? D’un même goût partagé pour le continent africain, la musique, l’histoire des arts inséparable de celles des peuples ? On ne se retrouve pas par hasard en résidence à Marrakech, hébergés par la fondation Montresso soutenant la création contemporaine si une même urgence poétique ne vous habite.
Installé au Mali depuis 2014, le photographe Wahib Chehata a recherché des modèles pour rendre hommage aux peintres de la Renaissance, notamment à l’italien Caravage auquel ses clairs-obscurs extrêmement travaillés font irrésistiblement penser. Les références abondent dans des clichés intitulés Innocent, Job, Dans la solitude des champs de coton ou Mater. Francis Bacon côtoie Bernard-Marie Koltès. Les allusions bibliques flirtent avec les motifs mythologiques. Qu’une Renaissance puisse provenir d’Afrique, d’un pays aux traditions ancestrales comme le Mali n’étonnera que ceux restant engoncés dans les carcans d’une histoire de l’art dont on perçoit de jour en jour les plaques tectoniques vibrer en provenance du continent africain.
« L’Afrique en Capitale » est loin d’être une manifestation de circonstance accueillie par la ville de Rabat, ayant pour l’occasion ouvert grand les portes de ses différents lieux d’exposition, de la Villa des Arts, en passant par la Fondation CDG, la Galerie Bab Rouah ou la Galerie des Pompiers. Elle est le signe annonciateur d’un renouveau artistique qui va se développer de façon exponentielle. L’artiste de son côté évoque les acteurs d’une nouvelle mythologie associant « les aubes primordiales aux fracas apocalyptiques ». L’Afrique, une histoire de bruit et de fureur dont les aubes sont euphorisantes.
Des guerriers bantous droit debout
De son côté, le plasticien Kouka prolonge un travail plastique inauguré avec une série de peintures consacrée aux guerriers bantous. Le support utilisé frappe d’abord par son apparente trivialité : des palissades de bois sur lesquelles l’artiste peint le plus souvent de dos, des guerriers à l’allure noble et digne. L’artiste dit s’être inspiré de photographies pour réaliser ces œuvres spontanées qui rappellent l’univers du street art. Les planches monumentales exposées au sous-sol du musée, dont beaucoup sont tirées de la dernière exposition de l’artiste intitulée Dos au mur, sont comme autant d’autoportraits de cet artiste toujours debout, véritable guerrier urbain, « un Gavroche des temps modernes qui se balade avec une bombe dans la poche / L’enfant blanc, l’enfant noir, l’enfant métis, l’enfant Blam » (extrait de l’album de rap L’Enfant Blam de Kouka). Sur le parvis extérieur du musée Mohammed VI, le passant pourra se mesurer aux Guerriers de la République, et se souvenir du tribut payé par les peuples africains dans les guerres du 20e siècle.
On n’accède pas par hasard au statut iconique de la représentation. Présence Commune dit à la fois la fraternité de deux artistes avec un continent africain dont l’histoire chaotique est trop souvent occultée et la puissance visuelle d’œuvres plastiques et photographiques que le musée Mohammed VI peut s’enorgueillir de mettre en avant. Rabat, capitale culturelle de l’art contemporain ? Les mots du Président de la Fondation Nationale des Musées, Mehdi Qotbi, semblent le confirmer, lui qui affirme « la fierté d’être africains, héritiers d’un continent de culture et pionniers d’une ambition nouvelle. »
Exposition Présence Commune, au musée Mohammed VI d’art moderne, jusqu’au 28 avril 2017, à Rabat.