Culture

Les fantômes de l’ère Hassan II sont de retour dans Starve your dog

par Olivier Rachet

Quatrième film du jeune et prometteur réalisateur marocain, Hicham Lasri, Starve your dog sera projeté, au cinéma Ritz de Casablanca, le 15 mai, en avant-première, dans le cadre du festival Masnaâ. 

La quatrième édition du festival Masnaâ se tiendra du 9 au 16 mai, à Casablanca. La manifestation réunira pendant une dizaine de jours plusieurs artistes marocains et tunisiens, dont le réalisateur tunisien Ismaël, artiste associé du festival.

Starve your dog creuse le sillon inauguré par The End et C’est eux les chiens, longs-métrages dans lesquels Hicham Lasri explorait l’histoire politique du Maroc de ces vingt dernières années, de la mort du roi Hassan II au mouvement du 20 février.

Tout débute par le témoignage d’une dame âgée criant sa colère et prophétisant, telle une Cassandre moderne, des séismes à venir. Le réalisateur dit avoir effectué cette prise de façon spontanée, sans aucune préméditation. La rage parfois explose et une caméra est là pour en témoigner.

Puis, dans toute une série de plans syncopés, rappelant à la fois l’univers de la bande-dessinée et un cinéma qui serait à la fois baroque et expérimental, nous voyons une jeune fille évoluer dans les rues de Casablanca, aujourd’hui, en proie à une dérive qui semble être celle de toute une génération.

Le rythme heurté et discontinu du début laisse place à une plus grande quiétude lorsque, surgi d’un autre temps, un homme politique du passé, en l’occurrence Driss Basri, refait surface pour répondre à une interview télévisée. Les temps ont changé. Il y a ceux qui se souviennent du passé et les plus jeunes, comme hagards, qui laissent parfois exploser leur colère devant un temps qui ne tourne pas rond.

Hicham Lasri ne règle aucun compte avec le passé. Il s’efforce avec un talent inouï de faire émerger le hors-champ d’une histoire qu’une nouvelle génération d’artistes éprouve le besoin de se réapproprier.

La force du film réside sans doute dans son esthétique et dans le recours, quasi permanent, à des jeux de reflets. Ils permettant de faire apparaître dans le cadre un hors-champ devenu reflet d’un réel qui peine à accéder à la puissance de la représentation : le temps réellement vécu, car pensé, d’une histoire que de jeunes artistes talentueux osent aujourd’hui raconter.

Il y a de la poésie dans ce film qui, on l’espère, trouvera son public, comme dans cette image de ballons attachés à un vélo qui flottent merveilleusement dans le ciel avant de s’écraser sur un passant anonyme. Puissance de l’arbitraire qui est aussi celui de la loi, pouvoir de la fiction qui transcende les tragédies pour faire advenir de la beauté. Juste des images, mais des images justes !

 

 


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