Culture

Du street art à la peinture, le parcours atypique du graffeur Leyto

La Galerie Krome de Casablanca expose jusqu’au 25 décembre une vingtaine de toiles de l’artiste, fruit d’une résidence de plusieurs semaines dans la capitale économique.

Par Olivier Rachet

Goulwen « Leyto » Mahé est un jeune graffiteur originaire de Saint-Brieuc, en Bretagne. Comme tout tagueur, il a fait ses premières armes dans la rue. Le street art ou l’art de la désertion. La transgression comme unique intention créatrice. Tags, throw-up : la rapidité d’exécution est ici essentielle. On commence par enterrer les codes, on se moque des conventions. On arpente les friches industrielles, on tombe amoureux d’un mur ou d’une rame de métro abandonnée. Qu’irait-on s’enfermer dans un atelier quand on a la vie devant soi ? Rimbaud l’a dit : « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans ». L’artiste, s’il le veut, reste cet éternel adolescent, aux semelles de vent. Une bombe d’aérosol, en guise de plume.

On ne vient pas non plus au dessin et à la peinture par hasard. Leyto est aussi un fervent admirateur de l’action painting, plus précisément du grand maître de l’expressionnisme abstrait Jackson Pollock. De lui, il garde l’impulsivité du geste, une approche que l’on imagine quelque peu chamanique de la peinture. Si les toiles qu’expose la galerie Krome ont été réalisées en un laps de temps, elles n’en perdent rien en intensité. La frénésie casablancaise s’invite dans des toiles dont les titres restent parfois énigmatiques. « Le grand bleu », « Casa by night » ou « Self defense » semblent traiter le matériau urbain comme des flashs de couleur à capter, des ondulations à maîtriser. Chaque toile vibre d’un mouvement qui résonne avec la vitesse même de la ville.

Graffiti et calligraphie

D’autres titres font signe vers la pratique de l’écriture, beaucoup plus que du dessin. « Les cahiers de Flores » ou « Glyphes d’Agobarys » mettent en évidence l’importance des caractères dans la pratique du street art. Le tag ou le graffiti ne se réduisent pas qu’à un dessin, ils convoquent toujours l’écrit. On sait que le terme de graffiti appartient au vocabulaire de l’archéologie et a servi à désigner les inscriptions rencontrées sur les murs de Pompéi, près de Naples. Le tag est apparu, de son côté, dans les années 70, aux Etats-Unis et désignait une inscription graphique. Le graffiteur est un écrivain de la rue, un poète urbain. Comme l’écrivait Aragon, la poésie est faite pour être criée dans les ruines.

Les œuvres exposées par la galerie Krome témoignent d’ores et déjà de la naissance d’un style propre à Leyto. Les écritures qui ornent plusieurs des toiles s’inspirent ainsi de la calligraphie arabe. Quand la culture urbaine rencontre une tradition ancestrale, cela donne des étincelles. Un feu couve toujours sous le pinceau d’un taggeur, fût-il reconverti à la peinture.

Galerie Krome, 45 Boulevard Ghandi. Visites sur rendez-vous. Joindre Driss Lahlou : 06 61 07 36 83

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