Best-Seller, dernier roman de Réda Dalil, en lice pour le Prix Grand Atlas
Par Olivier Rachet
Le second roman de l’auteur a été sélectionné par le jury du Prix Grand Atlas qui sera décerné, jeudi 13 octobre, à la Bibliothèque Nationale du Royaume, à Rabat. Réda Dalil a obtenu, en septembre dernier, pour Best-Seller, une « mention spéciale » de la part du jury du Prix de la littérature arabe, décerné par l’Institut du monde arabe, à Paris.
L’intrigue se déroule à Casablanca, aujourd’hui, dans le milieu de l’édition. Un jeune auteur prometteur, prénommé Bachir Bachir (surnommé ironiquement BB tout au long du roman), est aux prises avec les affres de la création. Après avoir publié deux romans dont les titres ne sont pas sans rappeler le titre du premier roman à succès de Réda Dalil lui- même, Le Job, l’écrivain est confronté à l’angoisse de la page blanche.
Son chemin de croix va aller en s’intensifiant lorsque sa femme Fedwa le quitte pour une idylle avec son éditeur. L’étau se resserre autour de la vie d’un homme devenu une caricature de lui-même et dont la célébrité repose sur les nombreuses frasques qui ponctuent une vie grisée par la fête et les conquêtes féminines. « Mon problème, reconnaît le narrateur-personnage : je fais vendre du papier au lieu de le noircir. » L’écrivain est victime d’un système médiatique et éditorial qui privilégie les lois du marché à la valeur littéraire d’un livre dont la presse peut débattre, sans l’avoir lu.
La vie de notre héros basculera lorsqu’après avoir été invité à une gigantesque soirée en l’honneur du romancier Riad Annassi, il se retrouvera en possession d’un manuscrit qui n’est pas le sien. Riad Annassi n’est pas un simple écrivain, il est un rival de premier ordre, encensé par les médias et forçant l’orgueil du public admiratif du rythme stakhanoviste avec lequel celui-ci publie annuellement ses romans.
Une société obsédée par les apparences
Au-delà d’une satire sociale qui n’est pas sans rappeler l’ironie grinçante d’auteurs tels que Frédéric Beigbeder ou Bret Easton Ellis auquel font songer les portraits minutieux que le narrateur dresse d’une faune narcissique et arriviste, l’art du romancier consiste à nous brosser le portrait d’un homme tiraillé entre des impératifs irréconciliables. Ancien étudiant d’une école de commerce, Bachir rêve de gloire et de prestige mais les soucis qui sont les siens le ramènent sans cesse à une trivialité qui ne va pas sans l’attendrir. « Dans chaque écrivain se cache un cadre moyen rêvant de stabilité », reconnaît-il, avec lucidité. Les liens indéfectibles qui le lient à son fils, malgré le doute qui pèse de façon grandissante sur sa paternité, donnent lieu à des pages de grande beauté où l’on voit les rapports humains supplanter toute aspiration à la célébrité. Il est des choses qui ne s’achètent pas, faut-il le rappeler?
Le protagoniste, qui deviendra au fur et à mesure du récit étranger à lui-même – comme en témoigne subtilement le passage du « je » au « il » – est aussi partagé entre l’affection qu’il porte à Fedwa et l’attrait qui est le sien pour une jeune journaliste, Naj, qui constituera peut-être son unique planche de salut. Toutes les péripéties de ce roman rocambolesque fonctionnent comme autant de leurres mettant en évidence l’aveuglement des personnages. L’attrait de valeurs telles que l’argent, le capital culturel et médiatique, la cote mesurée non par les places financières mais par les médias passés maîtres dans l’art de faire ou défaire les réputations, tout cela contribue à l’image d’une société ne jugeant que sur des apparences trompeuses.
Que la question du plagiat et de la falsification soit au coeur de l’intrigue n’est nullement anecdotique. La société du spectacle que Réda Dalil met en scène, avec un humour corrosif, repose sur la falsification des vraies valeurs que l’auteur semble placer davantage du côté du coeur et de l’éthique personnelle!