Casa Drawing: le dessin contemporain en force !
Pour sa deuxième édition, la manifestation casablancaise reste accueillie par le musée de la Fondation Abderrahman Slaoui et convie de prestigieux dessinateurs, marocains et étrangers.
Par Olivier Rachet
Initiée par Yassine Balbzioui et Bechar El Mahfoudi, cette seconde édition tient toutes ses promesses. Le dessin, on le sait, reste, un art sous-estimé, à une époque où beaucoup courent à en perdre haleine derrière les nouvelles technologies ou ne jurent que par la nouveauté, souvent fumeuse, d’installations incompréhensibles au grand public. Est-il besoin d’un mode d’emploi explicitant les intentions d’un artiste pour apprécier, à sa juste valeur, une œuvre d’art ? On peine de plus en plus à s’en convaincre.
L’art du trait
Nul ne l’ignore : tous les grands peintres, fussent-ils d’ailleurs abstraits, sont avant tout d’excellents dessinateurs. Quel que soit l’outil utilisé – crayon, fusain, pinceau – tout dessinateur a le principal mérite de se confronter, tout d’abord, aux exigences de la représentation. À cet égard, les travaux de Catherine Porcin, résidant entre Montreuil et Tanger, qui travaille à partir d’images d’archives dont elle s’inspire en superposant les dessins, frappent par la précision de leur trait. On croirait être parfois face à des images chronophotographiques, tant l’illusion du mouvement apparaît dans toute son épure. Les œuvres de Julie Bernet-Rollande, ayant longtemps enseigné les arts plastiques au lycée Lyautey de Casablanca, varient, en apparence, les techniques pour donner à voir l’apaisement qui habite la nature, quand on a la patience de l’observer. Un souffle semble animer le geste interne de la dessinatrice dont les dessins rappellent souvent la calligraphie chinoise, dans une dialectique tout en nuances entre des traits pleins et des traits plus déliés.
Le réel transfiguré
Loin de se limiter à une simple représentation mimétique du réel, l’œuvre de chaque dessinateur brille par la singularité de sa vision. Les dessins exposés par l’artiste marocaine Mounat Charrat, dont on peut voir une exposition personnelle à la galerie Abla Ababou de Rabat, s’apparentent à des formes de cosmogonies dans lesquelles les éléments premiers de la nature – pierres ou végétaux – viennent se glisser dans des portraits souvent anonymes qui semblent interroger la question même des origines. Nafie Ben Krich, diplômé de l’Institut National des Beaux-Arts de Tétouan, explore, de son côté, les limites d’un univers dont la dimension surréaliste frappe, au premier regard. L’insolite habite aussi les dessins iconoclastes, voire provocateurs, de Yassine Balbzioui ou de Simohammed Fettaka qui semblent aborder, tous deux, non sans un irrésistible sens de la dérision, la question de la violence inhérente à toute forme de représentation.
Que peut le dessin ?
Que peut le dessin, et par là même, que peut l’art, sont les questions qui sous-tendent toute l’exposition. Repousser, comme le tente avec brio Amina Benbouchta, les limites de la représentation, en jouant sur les effets de perspective et la diversité des médiums ; interroger, comme le fait Jamila Lamrani, les méandres de la conscience ou explorer la richesse de notre mémoire visuelle dont le tunisien Othmane Taleb montre qu’elle est constituée de strates de différentes richesses.
Comme l’annonce justement le catalogue de l’exposition, « le dessin se fait avant tout prétexte pour interroger et faire sans cesse évoluer les contours de sa propre discipline. Comme dans un laboratoire, les artistes se jouent des frontières de l’académisme et de l’expérimentation », invitant les spectateurs à déjouer à la fois leurs attentes et à reconsidérer le potentiel créateur du dessin contemporain.
Exposition Casa Drawing, musée de la Fondation Abderrahman Slaoui, jusqu’en novembre 2017, Casablanca.