L’employée de l’enfer
par Nadia Essalmi, éditrice
Je la regardais et je pensais à sa vie de chien. Cette femme descend tous les jours dans la géhenne, pendant de longues heures, pour gagner les vrais jouj frank.
Elle arrive à l’aube, alors qu’il fait encore nuit, pour se préparer à t’accueillir. Pour quelques sous, elle curera ta saleté. Pour quelques sous, elle sera à la disposition de ton bien-être.
Pendant que tu ronronneras, elle suera. Pendant que tu gémiras de plaisir, elle souffrira dans le silence. Seuls ses traits la trahissent, car ses poumons n’en peuvent plus de l’air empoisonné.
Tu quitteras le lieu, enveloppée de bonheur. Tard dans la nuit, quelques petits sous dans la poche, elle quittera l’enfer. Elle rentrera chez elle en boitant de fatigue.
A la fin de sa vie elle boitera de douleur. Son employeur et son pays l’auront privée de tout avantage. Ils auront sucé son âme jusqu’à la moelle en échange de deux sous.
Ils l’auront exploitée jusqu’à la vider de toute vie. Jusqu’au jour où elle n’arrivera plus à lever un bras ou bouger une jambe parce que la douleur causée par le souffle du chaud et du froid est indescriptible.
Des femmes qui travaillent dans les hammams traditionnels sont nombreuses. Elles finissent leur misérable vie à écouter hurler leurs os rongés par le rhumatisme et l’arthrose. Aucune couverture sociale, aucune retraite à part ruminer leur souffrance en attendant la délivrance.